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    09/05/2022

    Candidat aux législatives avec le soutien d’Eric Zemmour

    Bruno Attal, le flic que l’extrême droite adore mais que les policiers n’aiment pas

    Par Pierre Plottu , Maxime Macé , Mathieu Molard

    Bruno Attal est le flic préféré des fafs. Il s’affiche aux côtés de Baptiste Marchais et Papacito, conseille Eric Zemmour et se présente aux législatives avec son soutien. Dans la police, ça n'est pas la même histoire : peu de fonctionnaires l’apprécient.

    Il aimerait être « le flic qui murmure à l’oreille de Zemmour ». Bruno Attal a beaucoup aimé la formule quand StreetPress la lui a glissé sur le ton de la plaisanterie, il y a quelques mois. « Non, pas à ce point-là », avait-il répondu, puis de finalement se raviser : « Ça ferait un super titre pour un portrait ». Il assure désormais que c’est devenu vrai. « Pendant la campagne je n’ai fait que participer au groupe de travail sur le volet police-justice de son programme, mais là on est plus proches », affirme-t-il, fanfaron. L’homme aime attirer l’attention des médias, mais c’est aussi un authentique militant d’extrême droite aux mots extrêmement violents, notamment à l’intention des « islamo-gauchistes » ou des « chances pour la France ». Une périphrase qui désigne les personnes issues de l’immigration. Un discours raciste qui lui a permis de devenir en peu de temps le flic préféré de la fachosphère et de décrocher une investiture aux législatives.

    « Je voulais une circonscription où le grand remplacement est un fait. C’est-à-dire où les Français ont été chassés. Je veux montrer comment les islamo-gauchistes ont fait partir les Français pour prendre le pouvoir municipal et ensuite le pouvoir législatif. C’est le programme des Frères musulmans pour faire de l’emprise dans tous les corps de la France pour appliquer leur programme mortifère ». Au téléphone, Bruno Attal explique à StreetPress pourquoi il se présente à la députation dans la 14e circonscription du Rhône (69). L’affaire ne s’arrête pas là. « Quand j’ai vu que Taha Bouhafs y allait [il est le candidat investi par les différents partis de gauche], j’ai insisté pour y être investi », renchérit le secrétaire général du très droitier syndicat France Police–Policier en colère.

    Bruno Attal connaît-il vraiment cette circonscription ? « J’ai bossé à Vénissieux pendant un an, j’ai connu le Vénissieux qui n’était pas islamisé », assure-t-il à StreetPress. Et il y croit, ou au moins fait semblant. « J’ai de bonnes chances d’être élu si on fait l’union des droites », dit-il. Puis de finalement se raviser quand on lui fait remarquer que ça pourrait être le candidat Rassemblement national, Damien Monchau, qui laboure le terrain depuis un moment, qui pourrait bénéficier de cette très hypothétique « union ». « Mais avec mon aura médiatique, on ne sait jamais », conclut Bruno Attal.

    Accro au buzz

    Médiatique, le mot est lâché. C’est d’ailleurs la seule force dont bénéficie le policier, déjà visé par plusieurs enquêtes de l’IGPN. Une notoriété construite d’abord sur les réseaux sociaux puis sur les plateaux de Cyril Hanouna. Après le passage à tabac du producteur de musique Michel Zecler par quatre policiers, Bruno Attal se fait remarquer car il est celui qui va le plus loin dans la défense des ses collègues. Il conteste l’ensemble des charges qui pèsent sur les suspects. Il conteste également l’enquête – édifiante – du journaliste David Perrotin, alors à Loopsider, qui avait permis de révéler les faits. Le propos du syndicaliste est simple, et très conspirationniste :

    « Les policiers de l’affaire Zecler, ils sont partis en prison. C’est une manipulation. »

    C’est d’abord sur YouTube, en février 2021, qu’il va livrer sa lecture de l’affaire. Il n’était pourtant pas présent. Cette vidéo, relayée par des influenceurs d’extrême droite et des journalistes du Figaro ou de Valeurs actuelles, va faire un carton culminant à plus de 250.000 vues. Un succès pour un vidéaste alors totalement inconnu. Il n’en fallait pas plus pour qu’il soit invité sur le plateau de TPMP, l’émission de Cyril Hanouna, pour parler de l’affaire Zecler. Rebelote en mai où il était invité pour parler du cas de Tommi, un jeune homme violé par des policiers pendant une garde à vue comme l’avait révélé StreetPress et Le Média. Bruno Attal n’avait alors aucun autre élément que son intime conviction pour contredire le récit de la victime. Mais sur C8, les opinions, surtout les plus outrancières, ont autant de valeur que les faits.

    Des prises de positions publiques qui lui valent le soutien de la fachosphère et notamment de deux de ses principaux influenceurs, Papacito et Baptiste Marchais (lui aussi habitué du plateau de TPMP). Il les a d’ailleurs fait intervenir dans une vidéo satirique intitulée : « Les anti-flics d’or », où il proposait de remettre des prix à des personnalités qu’il estime être « contre la police ». Une capsule où Bruno Attal, ceint dans un smoking de quatre sous, singe les codes des Oscars qui lui a valu une convocation à l’IGPN, pour « manquement au devoir de réserve ». Mais qui a considérablement accru sa notoriété. Au point d’attirer l’attention du maurrassien Zemmour en campagne ?

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    « On est le seul syndicat à défendre une réforme de la légitime défense. J’ai été approché par l’équipe d’Eric Zemmour parce que j’ai fait beaucoup de médias sur cette question. » Comment et par qui a-t-il rencontré le candidat ? « Je ne vous le dirai pas », tranche Bruno Attal. Tout juste apprendra-t-on qu’il le connaît « depuis des années », bien avant « sa période chez Ruquier ». Une vieille connaissance, donc, et leur collaboration va aller assez loin puisque Bruno Attal va participer à la rédaction du programme police-justice de Zemmour.

    Le guide touristique d’Eric Zemmour

    Et va même l’accompagner dans certains de ses déplacements de campagne. Fin novembre, le journaliste Maxime Reynié le repère sur les photos de cette sortie ratée à Marseille du candidat de Reconquête, qui va se transformer en chemin de croix tant la cité phocéenne est réticente à la venue du « Z ». Bruno Attal va ensuite carrément organiser la rencontre à Menton entre Zemmour et des policiers de la police aux frontières. Administration à laquelle le syndicaliste d’extrême droite est rattachée, fin janvier, à peine deux mois plus tard. Il assure avoir organisé la visite du commissariat sans jouer de ses contacts dans la maison mais en se présentant « en tant que citoyen, pas en tant que syndicaliste », précise-t-il. Comment est-ce possible ? « Je ne vous expliquerai pas », rétorque-t-il de nouveau. « Simple citoyen » ? L’explication fait bien rire des policiers contactés par StreetPress qui soulignent à quel point la venue d’un candidat, d’autant plus non-élu, au sein de locaux de police est difficile et strictement encadrée.

    Décidément, Bruno Attal est bien discret sur certains aspects de son engagement. Lui qui est pourtant si prolixe sur Internet et sur les plateaux télés. Dans une vidéo récente avec Papacito, les deux hommes sont intarissables sur le prétendu grand remplacement « organisé par Soros », les pseudos comportements « tribaux » des immigrés ou les affres, selon Papacito, de la binationalité. Or, dans cette même vidéo, Bruno Attal explique avoir la double nationalité franco-israélienne et parle de son service militaire. « C’est faux », rétorque-t-il quand on cherche à en savoir plus. Puis, mis devant la contradiction, il finit par s’emporter :

    « Je n’ai pas de comptes à vous rendre. Je parle de ce que je veux avec qui je veux. »

    On n’en saura pas plus.

    Israël est pourtant « le miroir de ce qui arrive en France aujourd’hui », dit aussi Bruno Attal. Un parallèle utile pour en revenir à ses obsessions, aussi. « Tous les montages que StreetPress ou Loopsider font [dans le contexte français, ndlr], ça ressemble énormément à ceux de la cause palestinienne : des faux montages, comme ceux d’enfants palestiniens jetant des cailloux contre les méchants militaires israéliens. Toute cette farce ressemble beaucoup à ce que font les médias islamo-gauchistes comme StreetPress ». Ah.

    Et c’est quoi, un « islamo-gauchiste » ?

    « Un islamo-gauchiste, c’est Taha Bouhafs dans toute sa splendeur, c’est un haineux de la France, c’est une personne qui souhaiterait grand-remplacer la France. Comme la gauche n’arrive plus à avoir le vote ouvrier elle invente des choses comme l’islamophobie pour trouver un électorat nombreux. »

    Ah.

    Et les autres flics, ils en pensent quoi ?

    « Petit flic de terrain », Bruno Attal surjoue son métier comme un engagement quasi-militant. Entré dans la maison à 25 ans comme adjoint de sécurité, ce « gamin de Garges-lès-Gonesse » (Val d’Oise) répète à l’envi être gardien de la paix depuis 25 ans. Il a pourtant fait des infidélités à la police nationale, tentant des aventures entrepreneuriales qui n’ont mené à rien. Il a ainsi été rédacteur en chef d’un magazine télé sélectionnant les programmes traitant de l’homosexualité dans le Paf français et engagé en faveur de la défense des droits des personnes LGBT. L’élu de droite à l’époque – il est aujourd’hui passé à gauche – et militant Jean-Luc Roméro y tenait même une chronique politique, relève Marianne. Attal a ensuite tenté de lancer une application de rencontres homosexuelles. C’est à cette époque aussi qu’il est photographié en soirée avec Frigide Barjot, l’égérie de la Manif pour tous. « J’ai voulu tenter d’autres choses parce que j’étais à bout et que je voulais changer d’air. Mais je suis revenu à la police au bout de deux ans parce que j’aimais trop ce métier », dit-il aujourd’hui.

    Mais la police l’aime-t-elle ? Pas vraiment. « Il a dû intégrer l’administration vers 1999-2000, est toujours gardien de la paix, ce qui en dit long sur son intellect », tacle un fonctionnaire de la préfecture de police. « Quand je l’entends parler, j’imagine le pire sur le terrain malheureusement », soupire une fonctionnaire, syndiquée à Unité-SGP, le premier syndicat de France. « Même Alliance [deuxième syndicat de France, marqué très à droite] ne l’aime pas », raconte un autre policier de FSU Intérieur :

    « Quand il y avait eu la manif devant l’assemblée, ils l’ont carrément viré. C’est Eric Zemmour qui l’a fait re-rentrer ! »

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    Bruno Attal viré par le syndicat Alliance. / Crédits : DR.

    Pourquoi tant de haine ? « C’est un guignol, qui nous fait tous passer pour des guignols », grogne un autre :

    « Si les gens l’écoutent, pas étonnant qu’ils pensent que les policiers sont violents et racistes. Le mec réclame quasiment le droit de buter des arabes. »

    C’est toujours la faute aux arabes

    « La plupart des policiers ont mes idées et, pourtant, on [le syndicat France Police – Policiers en colère] fait 4% », concède Bruno Attal. Comment l’explique-t-il ? « La corruption des syndicats de police majoritaire. Il y a beaucoup de magouilles et de pressions sur les policiers. On ne passe pas son grade si on ne vote pas pour eux. J’étais anti-syndicat de police pour ça. » Puis de revenir à ses obsessions, encore : « 80 à 90% des personnes que j’ai interpellées dans ma carrière pour des délits, voire des crimes, sont d’ethnie africaine ou nord africaine ». Une punchline raciste sans la moindre source qu’il sert jusque dans sa vidéo de déclaration de candidature.

    Tout Bruno Attal est résumé dans cette vidéo d’ailleurs : une envie de se mettre en scène, un discours monomaniaque, et des pseudos vérités assénées. Comme si le flic qui voudrait murmurer à l’oreille de Zemmour en était surtout le perroquet.

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