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    23/03/2022

    Le complice de Loïk Le Priol également arrêté

    Romain Bouvier, « gentleman fasciste » impliqué dans le meurtre du rugbyman Aramburú

    Par Christophe-Cécil Garnier , Mathieu Molard

    Il est soupçonné d’avoir participé à l’assassinat de Federico Martín Aramburú, rugbyman argentin à la retraite, abattu à Paris. Portrait de Romain Bouvier, militant d’extrême droite amateur de littérature, de baston et d’armes.

    Plus aucune n’est en cavale. Les trois personnes recherchées pour le meurtre du rugbyman Federico Martín Aramburú sont derrière les barreaux. Après Lyson R., placée en garde à vue à peine quelques heures après les faits, c’est son petit-ami Loïk Le Priol – principal suspect dans l’assassinat – qui a été arrêté en Hongrie, a annoncé ce mercredi l’AFP. Il tentait de se rendre en Ukraine. Quelques heures plus tard, c’est le dernier de la bande, Romain Bouvier, qui a été appréhendé à Sablé-sur-Sarthe.

    Retour en arrière. Le samedi 19 mars, au petit matin, une dispute éclate entre deux tablées du Mabillon, une brasserie du 6e. Au départ une affaire de clope et – semble-t-il – une remarque raciste, selon Le Monde, aurait déclenché l’embrouille. Le ton monte entre d’un côté les ex-rugbymen Shaun Hegarty et Federico Martín Aramburú et de l’autre Loïk Le Priol, Romain Bouvier, deux militants néofascistes violents. Une bagarre éclate, mais très vite les videurs les séparent.

    Une fois la dispute passée, Aramburú et Hegarty quittent le bar. Ils remontent le boulevard Saint-Germain. Au niveau du 146, ils sont rejoints par une jeep verte. À son bord, les deux militants d’extrême droite. Bouvier, le premier, ouvre le feu dans leur direction. Il ne touche personne. Le Priol descend alors du véhicule et tire, dans le dos – semble-t-il – de Federico Martín Aramburú à six reprises. L’Argentin est touché au moins trois fois dans la jambe et le bas-ventre. Il meurt sur les lieux du drame.

    La police identifie rapidement les trois suspects. La conductrice du véhicule est Lyson R. L’étudiante ne semble pas avoir d’engagements politiques mais file des coups de main à son compagnon, Loïk Le Priol, dans ses business de fringues identitaires. Lui c’est une autre affaire. L’ex-militaire a, à seulement 27 ans, un CV chargé. Alors qu’il était dans l’armée, il a été accusé d’avoir « frappé et étranglé une prostituée » à Djibouti, révèle Marianne. Il a aussi en 2015, comme l’avait raconté Mediapart, participé à un tabassage qui confine à la torture, d’un de ses camarades du GUD, un groupuscule violent d’extrême droite.

    À LIRE AUSSI : Notre portrait de Loïk Le Priol

    Romain Bouvier, 31 ans, est le troisième mis en cause dans cette affaire. C’est un très proche de Le Priol qu’il côtoie au Gud. Le jeune homme présente bien. Il est le fils d’une avocate médiatique, spécialisée dans la défense des femmes victimes de violences sexistes. Il envisageait, lui aussi, d’embrasser une carrière d’avocat et a s’est inscrit en master carrières judiciaires et sciences criminelles à la fac de droit de l’université Paris 2 – Assas. « Le mec venait en costard en cours », se souvient un camarade de TD.

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    Romain Bouvier était étudiant à Assas en droit en 2012. / Crédits : DR

    Bouvier est un lettré, tendance réac. Il participe aux concours d’éloquence de son université. Il préside aussi « un cercle littéraire » qu’il a monté avec quelques camarades de classe, le Club Roger Nimier. Du nom d’un écrivain et chef de file du mouvement littéraire dit des « Hussards ». « Pour faire simple, c’est des Céliniens [admirateurs de Louis Ferdinand Céline]. Ils se définissent comme des anars de droite », raconte une de leurs connaissances. Au bureau de l’association, des hommes uniquement. L’un des vice-présidents, Benjamin B. est aujourd’hui avocat au sein du cabinet de Charles Consigny, l’avocat très conservateur, un temps chroniqueur dans l’Emission pour tous de Laurent Ruquier. « C’était un copain de Fac avec qui je n’ai plus de relations depuis très longtemps. Je n’ai rien de plus à vous dire », explique maître B. à StreetPress. Le second vice-président du Club Roger Nimier, Pierre T., se pique toujours de littérature et écrit pour la très droitière revue Philitt. Un intime de cette bande, dit de Bouvier qu’il était « brillant, cultivé, bien élevé. Comment-à-t-il pu tourner ainsi ? », s’interroge-t-il à voix haute :

    « C’est un peu de la psychanalyse de bazar, mais il a perdu son père. Ça a pu jouer, ce manque de figure paternelle. En tout cas, ça l’a traumatisé, il en parlait très peu alors même qu’on était proches. »

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    Au sein du cercle Roger Nimier, Romain Bouvier menait la majorité des interviews. / Crédits : YouTube

    Gentleman fasciste

    Au nom du Club Roger Nimier, Romain Bouvier mène des entretiens qu’il publie sur le site du club : l’éditeur Pierre-Guillaume de Roux, l’essayiste Juan Asensio ou Sébastien Magnificat de CasaPound. Un mouvement politique néofasciste italien, qui lui ne se cache pas derrière l’euphémisme « anar de droite ». Dans le privé, Romain Bouvier aime d’ailleurs se définir comme « un gentleman fasciste », raconte une de ses connaissances :

    « Il aime jouer les voyous. Leurs passions avec Le Priol, c’étaient la baston et les armes. »

    Sur son compte Facebook (privé) que StreetPress a pu consulter, il s’affiche à plusieurs reprises armes aux poings. Sur l’une d’elle, il est en treillis, famas en bandoulière. Une photo prise à l’occasion de « la préparation militaire supérieure » (1), un stage de trois semaines qu’il avait suivit alors qu’il envisageait de s’engager dans l’armée, explique à StreetPress un ami d’enfance de Romain Bouvier.

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    Sur une de ses photos, Romain Bouvier est en treillis, famas en bandoulière, ce qui pourrait laisser à penser qu’il aurait, comme Loïk Le Priol, pu faire un passage dans l’armée, sans qu’à ce stade nous ne puissions le confirmer. / Crédits : DR

    Niveau violence, Romain Bouvier est à la hauteur de son comparse, Loïk Le Priol. En 2015, selon un jugement que StreetPress s’est procuré, ensemble déjà ils ont, à la sortie d’une boîte, tabassé deux hommes qui avaient eu le malheur de se prendre en photo, adossés à leur précieuse voiture. (2) Ils ont aussi participé au tabassage en règle de l’ancien chef du Gud, Édouard Klein, avec Logan Djian et toute sa clique en octobre 2015. La soirée a d’abord été narrée par par Marianne et Mediapart. À cinq, ils font irruption dans le salon d’Édouard Klein et le tabassent pendant des dizaines de minutes et le menacent de mort. Ils le torturent également et filment leurs méfaits, via Le Priol notamment. Pour sa participation à cette expédition punitive, Romain Bouvier était au tribunal en octobre 2021 et devait se présenter lors de la nouvelle audience en juin 2022.

    À LIRE AUSSI : Les deux hommes soupçonnés du meurtre d’Aramburú condamnés cinq ans plus tôt pour un tabassage

    Romain Bouvier mettait en valeur cette Gud connexion sur Facebook, où il publiait des images de militants du syndicat d’extrême droite qui affichaient la croix celtique. Dans ses photos, comme le note Mediapart, on retrouve une relation commune de Loïk Le Priol : Julien Rochedy. L’ancien porte-parole du FNJ s’affiche sur de nombreux clichés avec Paul-Alexandre Martin, son ex-adjoint au FNJ et candidat du Front national dans la huitième circonscription du Rhône en 2012, comme l’a révélé Mediapart. Entre juillet 2014 et juillet 2015, Loïk Le Priol, Romain Bouvier et Julien Rochedy posent en soirée bras dessus, bras dessous, ou dans une jeep militaire conduite par l’assassin présumé de Federico Martín Aramburú. Cette bande, où se mêlent gudards et jeunes radicaux du FN, va inspirer certains des personnages de Paname Underground, le roman de Johann Zarca récompensé par le prix de Flore en 2017.

    (1) Edit le 23 mars à 19h10.
    (2) Edit le 25 mars.

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