La nouvelle est discrètement tombée, quelques jours avant Noël. Sur Facebook, le pôle français du Vagos MC, un gang de motards international, lié au crime organisé aux Etats-Unis, annonce la création de son troisième chapitre. Après Toulon, la maison-mère, et Strasbourg, ils s’installent à Metz. La section française de la Green Nation (leur surnom) a réuni l’ensemble de ses troupes en janvier, à Toulon, pour célébrer la nouvelle année. Dans le local du chapitre national, la bringue a réuni environ soixante personnes. Les Vagos locaux, accompagnés de quelques membres issus de clubs amis.
Des symboles nazis
Le QG où ont été prises ces photos est tapissé de plusieurs drapeaux. L’un d’eux attire l’œil. Il s’agit du Reichskriegsflagge, étendard officiel des forces armées allemandes de 1867 à 1919. Depuis les années 60, et l’interdiction des symboles nazis en Allemagne, ce motif est repris par l’extrême droite la plus radicale. Une subtilité qui étonne presque, à la vue de la charte graphique des Vagos français. Sur certains visuels, disponibles sur Facebook ou Twitter, l’emblème de la SS est tamponné en gros, à côté du logo du gang – qui représente Loki, le dieu nordique du mal, conduisant une moto. D’autres références nazies, comme le Reichsparteitagsgelände, le complexe qui accueillait les congrès du NSDAP à Nuremberg, apparaissent sur des créations diffusées par la frange française des Vagos.
Dans leur QG, on retrouve le Reichskriegsflagge (à gauche, encerclé en rouge), étendard officiel des forces armées allemandes de 1867 à 1919. Depuis les années 60, et l'interdiction des symboles nazis en Allemagne, ce motif est repris par l’extrême-droite la plus radicale. / Crédits : DR
Les Vagos font de nombreuses références nazies dans leurs visuels. Outre l'emblème principal de la SS, on retrouve aussi une Totenkopf (autre symbole SS) bardée de la devise officielle de la... SS : « Meine ehre heißt treue », qui équivaut à : « Mon honneur s'appelle fidélité ». Ils affichent aussi des visuels avec le complexe qui accueillait les congrès du NSDAP. / Crédits : DR
Au sein de l’univers 1% – en référence aux 1% de bikers criminels qui ne respecteraient pas la loi, comme les Hells Angels ou les Bandidos –, les clins d’œil nazis sont fréquents. Parfois par provocation, pour montrer leur rejet total des règles établies. Mais aussi parce que de nombreuses organisations entretiennent une vraie proximité idéologique avec l’extrême droite. Pour intégrer ces clubs, il faut toujours être un homme et pour un certain nombre d’entre eux, non-noir.
Une organisation criminelle
Le pôle français des Vagos MC n’est semble-t-il pas lié à une activité illégale d’importance. Aux Etats-Unis où le gang entretient une rivalité féroce avec les Hells Angels et les Bandidos, c’est une autre affaire. Dans un document du département de la justice des Etats-Unis, daté de juin 2017, que StreetPress s’est procuré, le Vagos MC est décrit comme « une organisation criminelle, dont les membres se livrent à la distribution de stupéfiants, au trafic d’armes à feu et à des actes de violence impliquant des meurtres, des enlèvements, des agressions, des extorsions, des vols et l’intimidation de témoins ».
L’aspect international du gang est également développé dans ce dossier protégé :
« 87 chapitres dans au moins sept pays, sur quatre continents, dont environ 75 chapitres aux États-Unis, la majorité au Nevada et en Californie. »
Le moto club n’est présent en Europe que dans quatre pays : la Roumanie, l’Allemagne, la Belgique et donc la France. Dans l’Hexagone, le groupe semblait entretenir des bonnes relations avec les bandes concurrentes. Les motards à la veste en jeans bleu s’affichent avec plusieurs autres cuirs : Outlaws, Rebels ou Gremium. Les chapitres français de ce dernier MC sont dirigés par Serge Ayoub, parrain de l’extrême droite meurtrière et ancien chef des Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires, un groupuscule dissous. Ce dernier a d’ailleurs invité les Vagos à célébrer le premier anniversaire de son moto club, en décembre 2019.
Dans l'Hexagone, les Vagos semblaient entretenir des bonnes relations avec les bandes concurrentes. Serge Ayoub, leader du chapitre français Gremium, a d’ailleurs invité les Vagos à célébrer le premier anniversaire de son moto club, en décembre 2019. Mais, depuis, il y a de l'eau dans le gaz ! / Crédits : DR
Tensions entre bikers
Mais voilà, deux années après ce beau moment d’amitié, la bromance entre Vagos et Gremium français pourrait avoir du plomb dans l’aile. Selon un bon connaisseur du milieu, l’homme à l’origine de l’implantation des Vagos sur Metz ne serait autre que l’ancien président du chapitre Gremium de Nancy.
Thor (c’est son pseudo en ligne) est un historique du gang noir et blanc, présent aux côtés de Serge Ayoub depuis 2018. Il dirigeait le chapitre East Front – le second à avoir vu le jour après celui de Soissons – depuis 2019. Son changement de blouson pourrait être très mal perçu par ses anciens compères. La fidélité prime au sein de cet univers. D’après nos informations, l’exclusion de l’ancien prez’ aurait été décidée à la fin du mois de novembre. Des membres du MC lui reprochent d’avoir organisé dans le local lorrain une soirée avec certains frères belges et allemands, sans que les autres chapitres français n’aient reçu leur petit carton d’invitation.
Un simple oubli ? Pas vraiment, selon une source dans le milieu qui a fait parvenir à StreetPress le message suivant :
« À Nancy, on a demandé au président de partir… C’est lui qui a monté les Vagos de Metz. Visiblement, il voulait être calife à la place d’Ayoub. Les Allemands ne lui ont pas laissé le temps : viré ! Et hop, ensuite : Vagos ! »
En clair, le reste de la sanction française des Gremium craignait un rapprochement entre le chapitre nancéien et certains chapitres allemands (cœur historique et décisionnel du moto club), pour prendre le lead à Serge Ayoub. Thor a été mis à la porte et a immédiatement rebondi chez les Vagos.
De quoi raviver un peu plus les tensions entre groupes de bikers de l’Est de la France. Comme StreetPress le racontait dans cette enquête, le déploiement des Gremium dans le quart nord-est de l’Hexagone inquiète la concurrence. En réponse à cela, les Bandidos, groupe historique sur le territoire, ont activé un chapitre à Besançon. À sa tête : Marc et Julien Bettoni, fondateurs et anciens leaders du Combat 18 français, petit groupe interdit en France depuis 2019, qui se définissait comme la branche armée de l’organisation néonazie internationale ouvertement terroriste, Blood and Honour. Les frangins avaient un temps été proches de Serge Ayoub. Ils ont rompu il y a quelques années, car ils le soupçonnent d’être une balance. L’implantation des Vagos à Metz pourrait être un nouvel épisode dans cette guerre de territoire déjà évoquée par les précédentes enquêtes de StreetPress.
À LIRE AUSSI : Règlement de comptes chez les bikers néonazis de Serge Ayoub
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