C’est probablement la lecture la plus délirante du mois. Tenez-vous bien : Brigitte Macron serait transgenre et née homme… Et pourtant, cette « enquête » a réussi à s’extraire du marais de la presse d’extrême droite pour se répandre dans les médias mainstream. Au point que la première dame a fait savoir au Figaro qu’elle allait porter plainte.
« L’affaire » Jean-Michel Trogneux a éclaté dans Faits & Documents, la lettre confidentielle du journaliste d’extrême droite Emmanuel Ratier décédé en 2015. Très connu à l’extrême droite pour ses enquêtes jugées sérieuses, il était le disciple du journaliste collabo Henry Coston (membre du PPF de Jacques Doriot). Une feuille de chou désormais reprise en main par Egalité & Réconciliation de l’antisémite Alain Soral, qui frappe donc un grand coup avec ses « révélations » sur Brigitte Macron. Une évidente fake news transpirant la transphobie. Et qui a été reprise avec délectation par les sphères complotistes de tout poil, QAnon en tête, qui l’ont fait vivre pendant des jours sur le web. Au point que les rubriques de fact-checking des grands médias ont dû s’en emparer…
« L’enquête » de Faits & Documents se décline sur pas moins de cinq numéros (en vente pour la modique somme de 40 euros), que StreetPress s’est fadés. Des dizaines de pages censées lever le voile sur le « Mystère Brigitte Macron » mais qui tournent surtout au long portrait fantasmé d’Emmanuel Macron. Les vieilles obsessions antisémites et antimaçonniques d’Emmanuel Ratier sont omniprésentes. L’objectif : tenter de prouver que le président de la République serait sous ces deux influences.
Avec une touche homophobe et le retour de la thèse de l’homosexualité d’Emmanuel Macron. Ses proches collaborateurs ne sont « évidemment » que des hommes, argumente l’auteur et le président admire Cocteau et Gide et l’espagnol Pedro Almodovar, « cinéaste de l’homosexualité, de la pédophilie et du transsexualisme », selon Faits & Documents. Quand il n’est pas carrément question de son satanisme supposé, que les « enquêteurs » décèlent dans la décoration de l’Elysée…
On ne reviendra pas en détail sur la litanie de preuves bancales de la transidentité de Brigitte Macron. Mais l’une d’elle nous a tout de même fait bien rire : si elle porte si souvent des écharpes ce n’est pas par coquetterie. Non, non. C’est uniquement dans le but de dissimuler son menton « masculin » et sa pomme d’Adam selon le canard de Xavier Poussard. Délirant, donc.
Et comme si ça ne suffisait pas, Faits & Documents en remet une couche : sa source, une inconnue dénommée Natacha Rey, serait désormais menacée suite à ses « révélations ». Complot fantasmé, « Système » soit disant tout puissant, prétendue mainmise juive : les QAnons français sont en boucle.
L’Incorrect voit des minarets partout
Solide numéro de décembre pour le magazine L’Incorrect qui s’ouvre pour le deuxième mois consécutif sur une publicité pour Les Corsaires, ce collectif qui veut se payer les Sleeping Giant, sans grand succès pour l’instant (voir notre enquête sur l’un de ses fondateurs). Le mensuel de Jacques de Guillebon (un proche de Marion Maréchal-Le Pen) consacre une large part de ses pages à une interview d’Eric Zemmour. L’entretien est suivi d’un article très critique sur sa campagne et surtout sur sa compagne, Sarah Knafo. En bref : l’entourage du candidat maurrassien est nul. « Tous, Christine, tous ! ».
Retour aux fondamentaux aussi avec une enquête au long cours sur l’islam. Et pas n’importe lequel, celui « des campagnes ». Il y est quand même question de « barbus qui surgissent derrière les vaches » et de « vendeurs de kebabs qui remplacent les bars du marché ». On s’horrifie de voir des « femmes en boubous » dans un bourg armoricain pour nous ressortir la théorie du « grand remplacement ». Rappelons à ce titre que le néo-nazi breton Boris Le Lay avait été condamné en 2015 pour « provocation à la discrimination raciale » pour avoir estimé « qu’il n’y avait pas de Celtes noirs ». Plus loin, on fait l’amalgame entre la présence de « djellabas » dans les allées d’un hypermarché de Saint-Malo et les violences conjugales et trafics de drogue dans un quartier de la ville…
Capture issue du site de l'Incorrect. /
On notera également que l’hebdomadaire s’insurge que des lieux de culte soient construits en Alsace et en Normandie à destination des fidèles musulmans qui n’en n’ont pas à disposition. Constructions souvent financées uniquement par les dons desdits fidèles, ce qui pousse les auteurs à s’interroger sur l’origine de cet argent. Sous-entendant – sans apporter la moindre preuve – qu’il ne serait pas licite. Et d’en tirer cette conclusion aux accents complotistes : « Ce phénomène est bien révélateur d’une assimilation lente mais sûre (…), révélatrice de la volonté d’expansion de cette religion subméditerranéenne ». Vous pensez bien, des fidèles qui veulent pouvoir pratiquer leur foi.
Présent nostalgique de l’ancienne Afrique du Sud
Alors que la presse mondiale, quasi unanimement, rendait hommage à Desmond Tutu, archevêque anglican et chantre de la lutte contre l’Apartheid, une voix s’élevait à l’inverse : celle du quotidien nationaliste Présent. Tutu, proche de Nelson Mandela qui est décédé ce 26 décembre 2021, avait reçu le prix Nobel de la paix en 1984. Il était devenu la voix des opprimés à travers le monde et avait fait de la lutte contre le sentiment de vengeance son credo. Pour Présent, il n’était qu’un marxiste antisémite et l’un des responsables de la création « d’Afrique du Sud “nation arc-en-ciel” où il ne fait pas bon être un fermier blanc ».
Vincent Reynouard et les Weetabix
Le journal antisémite Rivarol nous donne lui des nouvelles de Vincent Reynouard, qui avait été la cible d’une descente de police à son domicile fin octobre (et non celle d’un complot juif visant à l’enlever comme l’expliquait dans un premier temps l’hebdomadaire, on en parlait ici ). Un homme actuellement en cavale au Royaume-Uni. On y apprend surtout que le fugitif, caché chez des soutiens britanniques, mange « matin, midi et soir, des Weetabix (NDLR : céréales de blé complet) avec du lait en poudre, car cela ne nécessite ni réfrigérateur, ni préparation, et c’est compact ». Autre « info » : il a pu acheter des sous-vêtements propres.
Racisme biologique
Le site identitaire Breizh Info accueillait quant à lui une tribune de soutien à deux militants d’extrême droite poursuivis pour leur violence. Le premier, Marc de Cacqueray est le leader des Zouaves Paris. Il aurait simplement « répondu physiquement à une provocation de militants antifas de SOS Racisme lors du meeting d’Eric Zemmour à Paris ». Le second est François-Aubert Gannat, de feu L’Alvarium, groupuscule dissous notamment pour sa violence.
« Ces deux jeunes hommes ont réglé, physiquement, ce que tant de spectateurs et de commentateurs en Charentaises, assis bien au chaud dans leurs fauteuils et branchés H24 sur CNews à fantasmer sur la “guerre civile” qui viendrait, n’osent pas faire, n’oseront jamais faire. Ces deux jeunes hommes ont exprimé avec leurs poings ce que d’autres expriment quotidiennement, avec la plume, ou par la parole », peut-on lire, justifiant ainsi les coups portés contre des militants de gauche.
Sinon, le même site a produit un article délirant intitulé « QI, races, différences, intelligence, délinquance, wokisme. Tour d’horizon du négationnisme biologique »; digne des publications pseudo-scientifiques du début du 20e siècle. L’auteur y écrit, pêle-mêle, que « les Noirs ont un plus haut taux de crimes et délits pour des raisons essentiellement biogénétiques car leur QI est plus bas, la fréquence de personnalité psychopathique est plus élevée chez eux » ou alors que les femmes sont moins payés que les hommes car « ils ont un QI légèrement plus élevé (4,5 points de QI de plus à l’âge adulte) il est donc logique qu’ils aient un petit avantage financier ». Rappelons que sur les deux premiers jours de l’année, trois femmes sont déjà mortes sous les coups de leur conjoint. Ça aussi c’est une affaire de QI ?
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