Rue Infroit – Villepinte (93). Un bâtiment discret, niché dans l’ombre du stade de Villepinte. C’est ici qu’à 20h, trois fois par semaine, a lieu l’entraînement de kick-boxing du Faucon Gym Boxing. Derrière la porte noire de la salle, aucun des clichés du vieil antre de boxe. Pas d’odeur de transpiration féroce, ni de cris sonores. Pas même de sacs accrochés à des chaînes rouillées. Non, ici, règne un calme de salle de yoga. Les locaux sont neufs et le matos de première qualité. Seules quelques vieilles photos de champions et les posters un peu kitsch de galas de boxe accrochés au mur, donnent à cette salle une âme.
Ong bak Ici et là papotent les membres du club encore en civil, avant d’entrer au vestiaire. Quand un « maître » passe, on salue en s’inclinant, puis on continue de discuter. Romain, jeune chauffeur de poids-lourds, une larme tatouée au coin de l’œil : « On n’est pas non plus en Thaïlande mais il y a un respect vis-à-vis de son maître. » Ici un maître s’appelle « sensei ». MC Gamani, jeune rappeur en recherche d’emploi, ne se pose pas trop de questions :
« Je ne sais pas c’est en quelle langue “sensei”, mais ça veut dire qu’on respecte à fond. »
Près des deux jeunes, Marcel, trempé de sueur « fait du sac », il cogne avec grâce et nous sourit : « Je ne suis pas tout jeune, j’ai 45 ans, je viens ici surtout pour le loisir. A mon âge c’est pour ça qu’on vient. »
Phuket-sur-Seine Bagdad, petit brun timide de 12 ans n’a jamais loupé un cours en 5 mois, sauf une fois « parce que c’était l’anniversaire de [sa] mère ». Avec Dahmene, son pote un peu enrobé, ils ont de plus grands objectifs :
« On est sérieux ! On a envie d’être pros, enfin si c’est possible. »
Si les jeunes rêvent de gloire, c’est qu’ils partagent l’entraînement des stars de la discipline. Samedi 1er mars, c’est tout le club qui vibrait pour soutenir son champion : Freddy Kemayo alias « Crazy horse », 100 kilos, pour 1.87 mètre. Et des stats impressionnantes : 90 combats, 70 victoires dont 48 par KO. A 32 ans, Freddy a décroché son troisième titre de champion du monde. Après des combats en K1 et à l’UFC. C’est dans le petit club de Villepinte qu’il a appris la boxe, il continue de s’y entraîner. Tout comme Philippe Salmon, un autre champion du monde, cru 2014, qui combat en super-welters.
Peu à peu, les participants sortent des vestiaires, habillés, parés. Ce lundi, une trentaine de personnes sur le tapis d’échauffement pour un entraînement militaire d’au moins une heure, avant de les envoyer au ring et aux combats. Des petits garçons en jogging rose, des jeunes filles en short de boxe thaï satinés côtoient quelques anciens. Les débutants comme les boxeurs confirmés s’exercent en cadence : pompes, abdos, course effrénée, cardio… Le coach hurle « Allez les filles ! Comme tout le monde ! Gainage. » Jean-Luc, entraîneur des tous petits explique que « l’idée première du club est le loisir. »
« Après il y en a qui évoluent, qui font des championnats. »
Freddy sort de la nuit Quand Freddy Kemayo, le mythe de la salle arrive, vers 21h, les regards épuisés se tournent vers lui. Les sourires s’élargissent, les enfants vibrent. Jean-Luc, le coach des tous petits est lucide :
« L’image de Freddy tient le club, il a été formé ici ».
Freddy est grand, noir, baraqué – évidemment – mais fatigué lui aussi. Le boxeur au crâne rasé vient de s’entraîner 2 heures : « C’était léger pourtant. En fait, je suis en vacances depuis le 1er mars. ». C’est à 16 ans, après une bagarre de rue qui a mal tourné, que Freddy s’est mis à la boxe :
« Je me suis fait amocher. Pour un regard de travers, ils étaient six contre moi, alors j’ai voulu apprendre à me battre. »
Le futur champion du monde cherche le club de boxe le plus près de chez lui. Ça sera le Faucon et le début d’une grande histoire. Comme Freddy est bon, son entraîneur l’inscrit en championnat de France. « J’étais bagarreur, je faisais marcher mon mental ». A 17 ans, il est champion de France junior, à 18 ans champion de France classe A et à 19 ans champion de France tout court.
Ils étaient six contre moi, alors j’ai voulu apprendre à me battre
La fédération française de boxe lui présente alors un manager international. Le russe Igor Jusko, 100 boxers à son actif. Et à 19 ans à peine, Freddy va combattre dans les salles les plus chaudes du monde : Las Vegas, la Corée, le Japon…
Home sweet home S’il adore voyager, il confesse avoir « peur en avion, j’ai les mains moites ». Mais c’est avec des étincelles dans les yeux qu’il raconte ses souvenirs : « En Corée, on a mangé un petit poulet dans une soupe, c’était bon comme dans “le petit chef” du Club Dorothée. Tu sais, les jurys mangent la soupe et pleurent tellement c’est bon, sur un arc-en-ciel, en plein délire. » Malgré les sollicitations et les combats aux 4 coins du monde, c’est au « Faucon » qu’il se sent chez lui :
« Tous les numéros un mondiaux s’entraînent en Hollande, comme élèves, où ils sont rémunérés. J’y suis allé, c’est chiant, c’est triste. Ici, il y a tous mes amis. »
Alors Freddy est resté. Il entraîne les jeunes quand il n’est pas en compétition, soit à peu près huit combats par an. Quand il monte sur le ring avec Miriam, on la sent émue de combattre avec le champion. Freddy est fier :
« J’ai prouvé aux jeunes de ma salle qu’on peut croire en nos rêves ».
bqhidden. J’ai peur en avion, j’en ai les mains moites
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