Une ballade virtuelle dans le bâtiment des Magasins Généraux: voilà ce que propose « Graffiti Général » pour immortaliser ce « temple » du street art avant sa disparition. Un joli coup de com' de BETC qui va s'installer dans l'immeuble.
C’est une nouvelle qui va ravir les amateurs de Street Art trop froussards à l’idée d’entrer dans un entrepôt désaffecté : le bâtiment des Magasins Généraux de Pantin (93) est désormais accessible depuis votre ordi. Sur le site « Graffiti Général », visitez façon Google StreetView les 5 étages de cette « cathédrale » du Street Art, avec en prime des notices explicatives qui vous racontent la story d’une quarantaine de ses graffitis.
(img) L’entrée du bâtiment
Depuis la fin des années 2000, le bâtiment des Magasins Généraux de Pantin s’est imposé comme un des hot spots du street art en région parisienne, comme StreetPress vous l’expliquait ici . « Cathédrale » pour les uns, « temple » pour les autres, il est régulièrement comparé à « 5 Pointz », la Mecque du graffiti new-yorkais rasée en 2013.
Mais depuis la mi-décembre, les graffeurs sont personna non grata dans l’ex-bâtiment abandonné. En 2016, les anciens Magasins Généraux vont accueillir le QG du mastodonte de la pub BETC (groupe Havas) – les travaux viennent d’ailleurs de commencer. C’est pour « conserver ce patrimoine culturel » que la multinationale de la com’ a lancé « Graffiti Général », « une visite 3D en temps réel du bâtiment. » Joint par StreetPress, Ivan Beczkowski, boss de BETC Digital et « papa » du projet se justifie :
« Quand on a visité le bâtiment, on s’est dit qu’on ne pouvait pas ignorer que c’était un temple du graf’ et qu’il fallait en faire quelque chose. »
Mausolée
Pour naviguer à l’intérieur du bâtiment, un plan des 5 étages. Cliquez sur un point et vous vous y téléportez. Avec les déplacements de votre souris, une vue à 360 degrés dans les pièces de l’entrepôt désaffecté. Ça pourrait ressembler à Google StreetView ou à la Tour 13 mais Ivan Beczkowski montre les muscles :
« On a fait ça en WebGL. C’est une technologie beaucoup plus pointue. Quant à la Tour 13, il n’y a pas autant de liberté. »
Map – L’entrepôt, c’est où ?
Gadget ultime : les internautes peuvent poser sur les walls du bâtiment virtuel grâce à des bombes numériques. Leurs productions sont sauvegardées et visibles par les autres visiteurs du bâtiment virtuel.
L’autre point fort de « Graffiti Général », c’est d’avoir référencé 40 graffiti posés sur les murs des Magasins Généraux. BETC a débauché le journaliste-scénariste-réalisateur, spécialiste du genre, Karim Boukercha, pour retrouver les auteurs des tags et écrire des notices. Le géant de la pub a aussi démonté une trentaine « d’œuvres » placées dans un entrepôt en attendant une future exposition. Un livre d’art et un webdoc consacrés aux graffitis du bâtiment devraient aussi voir le jour… toujours made in BETC !
Coup de com’
Mais pourquoi sont-ils si gentils ? « Ce travail, c’est d’abord une vraie vitrine technologique pour la boîte », reconnaît sans ambages Ivan Beczkowski qui fanfaronne : « Même Google ne propose pas ça. » Le boss de BETC Digital d’affirmer que « jamais un bâtiment aussi grand n’avait été modélisé avec la technologie WebGL. » Au total, plus de 20.000 mètres carrés ont été numérisés à l’aide de 5.200 photos, un travail qui a pris un an. « Ici, nous sommes bien dans de la Recherche et Développement », insiste M. Beczkowski. Attention à ne pas vous énerver devant votre Atari : « le prototype » de BETC ne fonctionne pas sur toutes les machines.
Mais « Graffiti Général » est aussi un exercice de communication interne lié au déménagement de BETC du centre de Paris vers la Seine-Saint-Denis. Beczkowski s’explique :
« Quand vous demandez à 700 personnes de quitter le centre de Paris pour aller à Pantin, ils ne sont pas forcément contents. Mais quand vous dites que c’est pour s’installer dans un lieu magique, les gens sont super fiers. Il faut faire de ce déménagement une fête. »
La multinationale est par ailleurs soucieuse de son image et ne veut « pas commettre les mêmes erreurs qu’à “5 Pointz“ » où le promoteur qui avait racheté la Mecque du graffiti avait tout repeint en blanc en une nuit. « A New-York, ça avait pas mal piaillé », pointe le boss de BETC Digital.
Money
Vidéo – Le teaser
“StreetPress vous en parlait en avril”:http://www.streetpress.com/sujet/83044-deco-d-appart-ou-animation-chez-alcatel-ces-street-artistes-qui-veulent-passer-pro , les grosses boîtes sont friandes d’activités liées au street art et jouent presque un rôle de mécène. Comme chez Alcatel où des graffeurs mettent au point des activités de « team building ». Sean Hart, artiste mix media qui a posé une quinzaine de fois depuis 2009 aux Magasins Généraux, n’a pas hésité à participer pour quelques heures au projet de BETC contre une rémunération de 500 euros :
« Pour moi ce n’est pas un compromis. D’autant plus qu’ici, il s’agit de la mémoire d’un lieu. Et ça me fait de la visibilité, c’est toujours bon à prendre. »
L’artiste de 32 ans d’ajouter que « BETC a investi beaucoup sans que ça leur rapporte de l’argent. » Karim Boukercha, référence sur le graff français depuis son livre « Descente interdite », a bossé pendant un mois pour documenter les graf’ du bâtiment :
« Ça m’intéressait de faire la radiographie d’un lieu. Celui-là s’y prêtait car très beau mais aussi très varié au niveau des supports qu’il propose. C’est typiquement le type de travail que j’aurais pu faire sans le site. »
Et si le milieu du graffiti trouve des plans win-win avec la World Company pour remplir son frigo, où est le problème ? Boukercha, en mode philosophe :
« Le graffiti n’est pas virginal, c’est un enfant de son époque »
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