Saint-Denis – 93. C’est ma première visite sur cette terre exotique qui a donné naissance à NTM et au Stade de France et qu’on appelle Seine-Saint-Denis. Je m’égare une petite heure dans le centre-ville avant d’entrer dans un grand bâtiment blanc, attiré par le bourdonnement d’une musique. Pas de doute, c’est bien le siège de l’église évangélique de « La révélation de Christ Dieu le Rocher », association de Villeneuve-La-Garneuve publiée au journal officiel.
Une troupe de jeunes nymphettes africaines m’accueille avec beaucoup de chaleur et d’amabilité : C’est simple, on dirait qu’elles n’attendaient plus que moi pour que la fête commence. Les filles portent des badges d’hôtesses, et ceux des hommes sont siglés par le mot « commando ». Commando ?
« On les appelle “commandos” parce qu’ils sont souvent sollicités pour porter les corps des gens qui s’évanouissent pendant leur transe », me renseigne l’un d’entre elle. Me voilà prévenu.
Vallée des ossements
On m’installe directement sur la seconde rangée de sièges, au milieu d’une assistance clairsemée. Pour l’instant, il n’y a pas plus d’une vingtaine de personne. Sur la scène, une prédicatrice chante et psalmodie mais ses paroles sont presque étouffées par un orchestre de musique africaine. Le son est juste un peu moins fort que pour un concert de Metallica, mais nettement plus dansant. Ainsi planté devant ce spectacle pour le moins inédit, je n’ai d’autre choix que de me trémousser timidement. Je dois surement avoir l’air complètement perdu dans ce tableau et cette pensée m’arrache quelques sourires difficiles à masquer.
Après avoir passé une demi-heure à bouger comme un punk à chien dans un concert de dub, je reçois une bible pour préparer le prêche du pasteur. Cet homme au costard impeccable et à la fougue démentielle va prophétiser pendant trois quarts d’heure. Il alternera les passages calmes et les grandes envolées lyriques avec un tel sens du drame qu’il ferait passer Gad Elmaleh pour un gamin sous Tranxen. Thème du séminaire : « La vallée des ossements » du livre d’Ezekiel. On ne comprend pas tout, mais on retient quand même que les homosexuels « se trompent d’amour et qu’ils doivent choisir celui de Jésus. »
Attention à l’évanouissement
Money for nothing
C’est maintenant l’heure des offrandes, que les fidèles de l’église sont fortement invités à déposer dans les paniers situés sur la scène. Egalement sollicité, je donne dix euros. Pour le salut total de mon âme, c’est plutôt une bonne affaire. Voyant les billets affluer, le pasteur nous assure que « ce soir va changer le cours de notre vie. » On lui donne volontiers raison.
De nombreuses femmes sont venues grossir les rangs de notre assemblée, et quelques-unes montrent une ferveur très particulière. Au contact du pasteur, elles entrent dans une transe progressive qui les fait s’évanouir. Je reste interdit devant une telle démonstration de piété, tandis que les « commandos » relèvent ces corps touchés par la grâce.
On fait maintenant place au prêche d’Odette Bouekou. « Apôtre prophétesse » de métier, elle organise de nombreux séminaires dans des pays comme la Suisse, la France et le Congo. Côté énergie, rien à envier à son prédécesseur : elle déclame, hurle et harangue le public avec un niveau de décibels proche d’une fusée au décollage. Dans son discours, beaucoup de références à l’Amérique d’Obama, à la politique française mais surtout à Jésus, qui reste la raison de notre présence à tous.
A la fin de son tour de piste, elle exhorte encore une fois l’assistance à partager ses biens avec le Tout-puissant. Sentiment de gêne dans l’assistance. Personnellement, j’ai déjà donné et je n’ai plus un sou à offrir à des fins purificatrices.
Prism
Je quitte vers vingt-deux heures cette joyeuse ambiance musicale teintée de mysticisme. Avant de partir, on me recommande chaudement de remplir un petit formulaire dont les informations demandées sont :
> Le nom, prénom, téléphone, email.
> La profession, le numéro de carte d’identité, la nationalité, le numéro de visa.
Devant tant d’enthousiasme à connaitre ma personne, je me justifie gauchement : « C’est que je n’ai pas ma carte sur moi ». Pris d’une hésitation mystique, je laisse quand même mon mail. Les voies du Seigneur sont impénétrables, mais elles mènent à Saint Denis.
Le pasteur sue à grosse gouttes
bqhidden. Thème du séminaire : « La vallée des ossements »
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