Un prénom pour « s’intégrer » en France, un autre pour passer inaperçue en Tunisie. Agnès Rim est cash quand on lui demande pourquoi ses parents lui ont donnée deux prénoms :
« C’est juste pour faciliter l’intégration en France. C’est ce que ma mère m’a dit. »
À l’école, au travail, avec ses amis d’ici, son prénom c’est « Agnès » tandis qu’à la maison et en Tunisie – où vit presque toute sa famille, on ne l’appelle que « Rim ». Au point qu’au bled, certain membres de sa famille ne savent même pas qu’elle s’appelle « Agnès »…. et qu’à Paris, c’est presque la totalité de ses amis qui ignore qu’elle porte le prénom de «Rim».
Fierté Par la force des choses, « Rim » est « devenu comme un 2e prénom ». Celui des vacances en Tunisie, où elle se rend environ 1 mois chaque année et où elle « verrait mal dire s’appeler Agnès » :
« Déjà, ce n’est pas facile à prononcer et ce serait comme dire “coucou, je suis différente”. »
Mais sa vie sociale en France, elle l’a construite sur le prénom d’ « Agnès ». Bien aidée par sa mère qui lui a imposée une intégration « intensive. » Car quand « Agnès » s’installe à Paris à 5 ans, elle ne parle pas un mot de français : « Et ma mère a insisté pour que je ne parle plus arabe, que je ne lise plus l’arabe. »
Agnès Rim / Bio Express
> 1985 : Naissance en France
> 1986 : Déménage en Tunisie
> 1990 : S’installe définitivement à Paris
> 1999 : Arrive dans son nouveau collège, une Zep
> 2012 : Devient massothérapeute
Ma mère a insisté pour que je ne parle plus arabe
Elle s’amuse avec tendresse de sa maman qui « faisait vraiment tout » pour qu’elle s’intègre :
« Les seuls moments où ma mère m’appelle “Agnès”, c’est devant des gens. Devant les parents des enfants qu’elle garde (sa mère est nounou, ndlr) par exemple ! Même chose devant les parents de mon copain : elle prend une intonation bourgeoise et ne dit plus que “Agnès” ! Je crois qu’elle est fière d’avoir donné un prénom français à sa fille ».
Tête de turc Mais ce prénom d’ « Agnès », il a aussi été source d’ennuis, un prétexte pour que quelques gamins cruels de son collège se défoulent contre elle. Agnès Rim effectue toute sa scolarité dans des Zep du 20e arrondissement à Paris. En 6e elle tombe «dans une classe où il y avait une majorité de petites frappes» et en devient la tête de turc :
« C’était vraiment compliqué. Vraiment. Physiquement, j’étais censée m’intégrer dans le groupe des renois et des rebeus, sauf que je m’appelais Agnès et que je ne traînais pas avec eux. On disait que je me “babtouïsais” parce que j’avais un prénom français et que soi-disant, j’avais des manières. J’en ai vraiment trop bavé. Et ça a recommencé en 2nde ».
Plus âgée, ce sont d’autres réflexions, plus franchouillardes, qui lui font dire que sa vie n’aurait pas été la même si on l’avait appelée plus souvent «Rim» en France :
« Un petit copain français par exemple m’a dit : “Heureusement que tu t’appelles Agnès pour mes parents”. Pareil, je suis sûr que ça m’a ouvert des portes pour le boulot de m’appeler Agnès plutôt que Rim ».
Physiquement, j’étais censée m’intégrer dans le groupe des renois et des rebeus
Encore aujourd’hui, quand ses amis veulent « la faire chier », ils l’appellent « Rim ». « Comme pour me rappeler d’où je viens… Car ça les amuse beaucoup que j’ai une tête d’arabe et que je m’appelle Agnès. »
Identité Quand on lui demande lequel de ses deux prénoms elle préfère, Agnès Rim n’hésite pas une seconde : « C’est Rim ! » En arabe, c’est le mot pour désigner « une gazelle blanche du désert », nous apprend la miss qui en rajoute une couche :
« Et puis Agnès franchement, c’est passé de mode comme prénom. Je trouve que ça fait grand-mère. »
Jamais pourtant, elle n’a eu envie de se faire appeler « Rim » plutôt qu‘«Agnès» dans sa vie de tous les jours à Paris. Loin des crispations identitaires, elle assure n’avoir rien à revendiquer :
« Ce serait complètement vide que du jour au lendemain, je demande à ce qu’on m’appelle “Rim”. Ce serait comme dire que je suis lesbienne alors que je ne le suis pas ! »
Et puis Agnès franchement, c’est passé de mode comme prénom
Cliquez sur les photos pour découvrir les autres portraits :
Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.
Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.
Je fais un don à partir de 1€Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.
Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.
Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.
Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.
Je donne
NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER