Qui n’a jamais eu de Nguyen dans son collège ou son lycée ? Lui, c’est «Louis». Sauf qu’à la maison, ni sa maman, ni son papa, Français d’origine vietnamienne, ne l’ont jamais appelé par ce prénom made in France, qu’ils lui ont pourtant donné à la naissance. Pour eux, il s’appelle «Dac-Minh». Comme pour le reste de la famille.
« Ma mère ne m’a jamais appelé “Louis” et mes amis ignorent que je m’appelle “Dac-Minh” »
Cette situation a longtemps tourmenté « Louis » qui n’hésite pas à parler de « schizophrénie » pour évoquer son cas. Un terme d’autant plus fort qu’on n’imagine pas ce garçon, à la réussite insolente et au physique de gendre idéal, enfermé à l’asile avec une camisole de force.
Complexes C’est à l’école primaire que Louis Dac-Minh prend conscience de sa « double identité » avec cette histoire de prénom. Car sur les listes scolaires, « Dac Minh » a disparu. Volonté des parents, ou des instituteurs ? Il n’en a pas la moindre idée. Mais le résultat c’est que pendant toute sa scolarité, ses amis, même les plus proches, l’appelleront « Louis », sans même savoir qu’il a un autre prénom à la maison et sur le passeport.
« C’est un sentiment débile, mais à l’époque je n’osais pas dire que j’avais aussi un prénom vietnamien. J’avais un besoin très fort de tout compartimenter entre la maison et les amis. Peut-être que j’avais honte de cette identité. »
Quand il repense à son enfance, Louis Dac-Minh a le souvenir d’une période « socialement pas évidente », accentuée par ses atermoiements identitaires :
« Je ne comprenais pas pourquoi j’avais deux prénoms. Je me demandais pourquoi je ne suis pas blond, pourquoi je ne suis pas ceci… »
Le garçon oscille entre deux extrêmes : la pudeur – c’était « impossible de parler de ma vie à la maison avec des amis non-asiatiques » – et ce qu’il appelle « une fierté mal-placée » :
« Tu affirmes haut et fort “moi je suis Vietnamien” dans un mimétisme débile avec mes potes des autres cultures qui jouaient les gros bras. Pourtant aujourd’hui, je ne me sens pas du tout Vietnamien et je ne connais pas plus le Vietnam qu’un touriste. »
Louis Dac-Minh / Bio Express
> 1992 : Naissance en France
> Années 2000 : C’est le collège, Louis Dac-Minh « compartimente » ses identités
> 2010 : Entre à Sciences-Po où il s’affirme. Il s’inscrit d’ailleurs en tant que « Louis Dac-Minh Nguyen »
> 2011 : Etudie en Asie, expérience qui l’aide à « faire la part des choses entre son identité occidentale et asiatique »
Je ne connais pas plus le Vietnam qu’un touriste
Coming out C’est avec son entrée à Sciences-Po que Louis Dac-Minh va en partie régler cette histoire de prénom. D’abord parce que pour la 1ere fois, il a « réussi par [lui]-même quelque chose d’important » et que cela lui a « donné confiance. » Par « fierté », il décide donc « d’un commun accord avec [sa] mère » qu’à Sciences-Po, ses deux prénoms seront utilisés. Un coming-out qu’il renouvelle à chaque fois qu’il est amené à parler en public pour de grandes occasions. Comme lors de conférences ou d’émission de radio où il se présente comme Louis Dac-Minh.
Ses deux prénoms, il les assumera encore plus facilement à son retour d’Asie, après un échange universitaire d’un an, « un gros choc » qui l’a aidé à « mieux faire la part des choses entre [son] identité occidentale et asiatique. »
« Et là-bas, tout le monde m’appelait “Louis” ! »
C koi ton 06 ? Aujourd’hui, ce n’est « plus par honte mais juste par flemme » qu’il utilise le plus souvent le prénom de « Louis » pour se présenter.
« Puis “Louis Dac-Minh”, ce n’est pas naturel. »
Même si, avec ses autres amis d’origine vietnamienne, il se fait appeler «Dac-Minh» tout court. Il réfléchit aussi à utiliser plus souvent son prénom vietnamien pour aller draguer les filles :
« Souvent les amis me disent que Dac-Minh, ça a plus de swagg. Mais en fait je ne suis pas sur… »
Warning Louis Dac-Minh Nguyen est un nom d’emprunt
Les amis me disent que Dac-Minh ça a plus de swagg. Mais je ne suis pas sûr…
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