Inaugurée en grande pompe le 17 octobre dernier – journée internationale pour l’élimination de la pauvreté – en présence de la ministre des affaires sociales et de la santé Marisol Touraine, l’Arche d’Avenirs est le plus grand centre d’accueil de jour pour SDF en France. Entièrement libre d’accès et gratuit, ce nouvel établissement situé dans le 13e arrondissement de Paris offre de nombreuses prestations. Il accueille plus de 300 personnes majeures quotidiennement dont près de 95% d’hommes.
Alors qu’en cette mi-janvier une chape glaciale a enveloppé la capitale, on se presse dans le hall du bâtiment baigné de lumière. Engoncés dans des blousons, chacun vient chercher un peu de chaleur et se sentir moins isolé. 6 pièces du centre ont un rôle particulier pour les SDF.
1 Les boîtes aux lettres, indispensables pour les démarches administratives
Où: 113 rue Regnault, 75013 Paris
Quand: Du mardi au samedi de 8h30 à 12h et de 13h45 à 17h.
« Par définition, un SDF n’a pas d’adresse postale, c’est pourquoi l’Arche d’avenirs offre un service de domiciliation reconnu par l’Etat », explique Heuria Mir, attachée de communication pour l’association La Mie de Pain. Ainsi, ce sont plus de 800 personnes qui reçoivent ici leurs courriers. Un élément ô combien indispensable pour toutes démarches administratives : demande de carte d’identité, de RSA, de CMU, ouverture d’un compte en banque, recherche d’un emploi… Des formalités pour lesquelles l’association se propose de les accompagner grâce à une équipe de travailleurs sociaux.
Au-dessus des casiers faisant office de boîtes aux lettres trônent fièrement des coupes. Autant de trophées glanés lors de compétitions – comme la coupe du monde des sans-abris à Paris en 2010 – par l’équipe de football de l’Association parrainée par le champion du monde Emmanuel Petit. Outre le sport, d’autres activités dites « de remobilisation » sont proposées tels que les échecs ou bien un atelier « paroles de femmes », des cours de français et même des excursions en Bretagne.
2 La bibliothèque pour lire ou recharger son téléphone portable
Moins vivifiant que les embruns iodés, le coin lecture est un autre moyen de s’évader quelques instants, de faire abstraction de son infortune. Il permet à chacun de s’asseoir pour lire quelques pages d’un livre en toute quiétude. Un endroit où l’on se tient également au courant de l’actualité en feuilletant le journal. « Ce qui mène parfois à de vifs débats. Surtout lorsque des sujets touchent certains de près comme la guerre au Mali en ce moment », raconte Michel, un agent d’accueil affable qui semble jouir d’une grande popularité parmi les hôtes.
Et si l’ensemble des personnes accueillies est en situation d’extrême précarité, cela n’empêche pas une grande majorité de détenir un téléphone portable. Et même d’y être accro. Des prises sont ainsi mises à leur disposition afin de pouvoir les recharger. Preuve, s’il en fallait, que ces hommes et ces femmes ne sont pas si différents que tout un chacun.
3 La cafet’, le poumon du centre d’accueil
C’est sans nul doute au sous-sol, au bas d’un grand escalier légèrement torsadé, que bat le cœur du lieu. La cafétéria, gérée par des bénévoles souriants et efficaces, ne désemplit presque jamais. C’est dans ce grand espace lumineux bordé de baies vitrées que se retrouvent la plupart des sans-abris autour d’un café, d’un thé ou d’un chocolat chaud gratuit. Assis dans un coin, un groupe de jeunes gens partagent un moment d’insouciance en discutant de football, tandis que d’autres plus ou moins âgés lisent la presse, pianotent sur leur mobile, jouent aux cartes ou observent…
Moussa, 36 ans, commis de cuisine au noir – 1/3 des sans-abris à l’Arche d’Avenirs ont un travail précaire, en France depuis 12 ans et toujours sans papier, rapporte venir dès qu’il ne travaille pas « pour boire un café, discuter avec des amis, prendre des nouvelles ». Le tout dans une ambiance conviviale et un joyeux brouhaha puisqu’ici toutes les langues s’entremêlent. Un véritable patchwork de générations, de nationalités et de cultures qui se côtoient dans une apparente harmonie.
4 Les douches, pour « retrouver un peu d’estime de soi »
Direction l’espace hygiène. Celui-ci se compose d’une grande salle d’eau, comprenant neuf cabines de douche et des lavabos, réservée aux hommes – les femmes, très peu nombreuses et discrètes, disposant d’un endroit à part afin de ne pas être importunées. Savon, dentifrice, aftershave, eau de Cologne, rasoir ou encore serviette hygiénique, tout le nécessaire est fourni.
Au détour d’un couloir, Hervé, 61 ans, raconte à quel point pouvoir se laver est important. Prendre une douche, se brosser les dents ou encore se raser, autant de gestes qui peuvent sembler anodins mais qui revêtent une toute autre dimension lorsque l’on se retrouve sans rien. Pour cet ancien ouvrier du bâtiment à « la retraite misérable […] mais pas résigné », le fait de se sentir propre est « une question de dignité. Cela permet de retrouver un peu d’estime de soi, de se sentir plus humain et de garder un peu le moral ».
Une fois lavé, pas question de renfiler des vêtements souillés. Dans une buanderie aux murs d’un rouge éclatant, laves linge et sèches linges tournent en permanence. Tandis qu’une table et un fer à repasser patientent. Enfin, de nombreux casiers permettent de déposer en consigne ses bagages pour deux mois. Un service précieux pour des gens transportant souvent toute leur vie sur leur dos et « n’osant pas se rendre à des rendez-vous bardés de leurs sacs », selon Heuria Mir.
Cela permet de retrouver un peu d’estime de soi, de se sentir plus humain et de garder un peu le moral
5 La salle de repos, pour dormir après des nuits éprouvantes
« La plupart d’entre eux passent leurs journées à errer et arrivent ici épuisés », commente Michel devant l’une des deux salles de repos – une pour les hommes, une autre pour les femmes. Calmes, plongées dans la pénombre et remplies de larges et épais coussins sur lesquels s’allonger, elles permettent aux sans-abris de se reposer sereinement. De quoi récupérer au chaud des épreuves de la rue et des nuits dans les centres d’hébergement d’urgence pas toujours très apaisantes.
« Cela fait du bien de pouvoir s’allonger sans crainte, de faire une sieste de temps à autre. Ça permet de se détendre un peu », confie Abdel-Illah. Cet Algérien à l’allure élégante, arrivé en France en avril 2012, raconte entre deux taquineries que sa situation a basculé du jour au lendemain. « Cet endroit a été comme un tremplin. J’y viens pour les besoins nécessaires du quotidien. Tout le monde est formidable et il faut les remercier pour leurs efforts et leur accueil. Ici, c’est plus qu’une maison, on y trouve réponse à tout. Il y a toujours quelqu’un pour écouter, pour aider… », souligne l’homme au sourire ravageur et malicieux.
La plupart d’entre eux passent leurs journées à errer et arrivent ici épuisés
6 Le cabinet de la psy, « simplement pour discuter »
D’ailleurs, une psychologue est présente tous les jours pour apporter un soutien et soulager les maux de l’âme à ceux qui le désirent. Laurence Paquier reçoit dans son bureau 4 ou 5 personnes quotidiennement. « 1/3 des sans-abris en France souffrent de pathologie mentale grave. Sans compter les troubles anxyo-dépressifs et les problèmes d’addiction », explique la jeune femme.
Si certains demandent à la voir « lorsque cela ne va vraiment plus, beaucoup ne font pas cette démarche mais viennent simplement discuter ». Une façon de briser le silence pour des gens en rupture, dans un état de survie et mis au ban de la société. « Il s’agit de les aider à rétablir une certaine confiance en eux, de les réconforter… D’autant que dans leurs situations, la moindre chose génère des souffrances amplifiées », relève la thérapeute. Quant aux soins physiques, un médecin accueille les sans domiciles à l’infirmerie chaque vendredi après-midi.
« Ces gens, vivant souvent isolés, loin de leurs familles et de leurs racines n’ont pas seulement besoin d’un lit ou d’un repas mais aussi de reconnaissance, de contact. Nous sommes là pour les accompagner et leur apporter le maximum », justifie Heuria Mir. Pour beaucoup l’Arche d’Avenirs est ainsi devenue un véritable refuge, une étape quasi incontournable dans un quotidien parsemé d’embuches et d’incertitudes. Et la mission de l’association La Mie de Pain ne s’arrête pas là puisque celle-ci gère cinq autres structures – toutes fonctionnant grâce aux dons et aux subventions – à destination des plus démunis.
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