Paraît que la première impression est toujours la bonne. Quand nous sommes arrivés chez Simon, Michaël, Roxane, Antoine et June, du côté de la place Clichy, nous avons d’abord… eu une hallucination. Du haut du cinquième étage où ils habitent, Simon nous crie : « L’interphone est mort. Je vous envoie les clés par la canne à pêche. » Et de voir descendre doucement des clés accrochées à un hameçon, comme si de rien n’était. Quand il nous voit arriver sur le pas de la porte, Simon se marre : « Une fois j’ai tenté de remonter de l’huile d’olive, mais ça a foiré grave. »
Ce petit groupe, à l’ambiance « testostéronée », a débarqué ici il y a deux ans, à un prix d’or. Il a fallu tout refaire, du sol au plafond, mais le résultat est inventif, décalé, surprenant. Comme cette porte de la cuisine sans vitre et ces films de l’année 49 dans les toilettes. Ou le jeune chien qui passe tranquillou avec la culotte d’une des filles dans la gueule.
Ce soir-là, pour se prêter au jeu de nos questions-réponses, ils sont 5 : quatre colocataires et le petit frère de Simon qui est venu tellement de fois dormir sur le canap’ qu’il s’intègre parfaitement au paysage. June est rentrée trop tard pour participer à l’interview mais elle apparaît quand même sur la photo.
L’interphone est mort. Je vous envoie les clés par la canne à pêche.
Vous vous connaissiez avant d’habiter ensemble ?
Michaël : Non… enfin, pas tous ! June connaît très bien la voisine, c’est elle qui nous a fait part du fait qu’un grand appart se libérait, et nous avons sauté sur l’occas’. C’est elle qui nous a réunis. Au début y’avait June, Antoine, Julien et moi.
Antoine : à ce moment-là, y’avait pas encore Simon et Roxane. Ni mon père d’ailleurs qui habite souvent avec nous parce qu’il a des missions free-lance à Paris ! Il est obligé de dormir 3 nuits par semaine à Paris et je ne me voyais pas lui dire d’aller à l’hôtel.
Michaël : et il est très cool son père, il nous ramène du rhum !
Simon : et moi, je suis arrivé parce que mon petit frère était très pote avec Antoine. Au début, ils m’ont dépanné, j’ai dormi pendant plusieurs mois sur le canap’ du salon – parfois, je mettais le matelas sous la table du salon, j’avais presque l’impression d’avoir une chambre. Et puis, là, depuis la fin du mois de mai, j’ai remplacé Julien, un des colocs du début. Il a fallu convaincre June que j’étais un bon coloc, mais j’y suis arrivé !
Roxane : et sachant aussi que vous venez tous du même monde, donc vous vous connaissiez pas forcément, mais vous êtes tous graphistes et tous dans le milieu du hard-core !
Michaël : sauf June qui fait des études de droit, c’est la seule à être encore étudiante d’ailleurs. Mais c’est vrai qu’on est dans le même milieu. D’ailleurs, on s’entend tous trop bien !
Simon : et on est presque tous nés en décembre, aussi !
> Michaël, 27 ans, graphiste
> Simon, 26 ans, graphiste
> June, 24 ans, étudiante en droit à Nanterre
> Antoine, 25 ans, graphiste
> Le père d’Antoine, Pierre, 55 ans, conseiller en NTIC
June connaît très bien la fille de la proprio, c’est comme ça qu’on a eu l’appart
Vous vous êtes fixés des règles ?
Antoine : non le ménage, c’est les femmes qui le font ! Non, je plaisante ! Au début, on avait un planning mais on l’a abandonné.
Simon : en fait, c’est un peu le premier qui en a marre qui fait le ménage mais globalement, on n’est pas maniaques…
Roxane : quand on est motivés, parfois, ça nous arrive de faire le ménage tous ensemble le dimanche.
Michaël : on essaie de ranger aussi quand y’a des groupes qui viennent chez nous parce que June a une asso de métal (qui s’appelle I scream), du coup on accueille souvent des groupes le week-end. Ils viennent de partout, c’est sympa.
Antoine : sur les courses, au début, on partageait un peu plus, mais ça se passait pas super, on se disait toujours « qui est-ce qui a fini le lait ? » Depuis, on s’achète chacun sa bouffe, sauf pour les soirées où on se fait à manger tous ensemble. Tiens, hier, tu vois c’était soirée crêpes. Mais c’est vrai que ce qui pourrait faire qu’on s’engueule, c’est le ménage.
Roxane : ah si, y’a une règle, c’est que maintenant, on évite de faire dormir des gens sur le canap’ parce que y’en a eu un peu trop à un moment…
Simon : ouais c’était un peu trop le bordel… et on s’interdit de fumer ailleurs que sur le balcon !
Vous avez un appart immense, vous faites des très grosses soirées ?
Simon : ça s’est un peu calmé, non ?
Antoine : ouais, la dernière c’était y’a pas mal de mois mais ça c’est mal terminé. On a des potes trop bourrés qui avaient foutu la merde, qui avaient balancé des fruits et légumes sur les voisins et pissé dans la cour intérieure.
Simon : c’était moyen, surtout qu’on a normalement de bons rapports avec les voisins, mais là, ça a eu du mal à passer, on s’est bien fait engueulés
Michaël : même si la concierge t’adore !
Simon : ouais c’est parce que je bosse ici, et que du coup, je prends le courrier pour qu’elle n’ait pas à monter les 5 étages !
> 1.700 € à diviser en fonction du nombre de personnes qui dorment (« c’est allé jusqu’à 8 »)
> 4 chambres
> 2 canapés
> 1 balcon
[Musique] Les colocs ont enregistré un disque, on vous laisse découvrir
Vous êtes presque tous graphistes et presque tous musiciens, vous avez déjà bossé ensemble ?
Antoine : oui ! On a un demi-groupe avec Michaël au chant et moi à la guitare. On s’appelle six foot revolver !
Michaël : d’ailleurs, c’est rigolo, parce qu’avant d’habiter ensemble, on est allés aux mêmes concerts sans le savoir. C’est sûr qu’on s’était déjà croisés avant.
Simon : c’est clair, y’a plein de connexions improbables entre nous !
Roxane : moi, Simon m’aide sur mon projet de création d’entreprise. Ce qu’il faut voir, c’est qu’ils sont tous très créatifs, Simon par exemple, quand son bac de frigo est vide, il met une pierre tombale dedans.
Simon : ouais, j’aime bien. J’ai collé plein de bulles dans les toilettes aussi, et puis j’ai créé notre mascotte. (une sorte de Bob l’Éponge en papier carton)
Roxane : ils sont tous tellement créatifs que, moi, au début je me sentais inférieure à eux, je trouvais que j’avais pas d’idées, mais finalement, l’avantage, c’est que ça me booste. Julien m’a fait reprendre la flûte traversière, par exemple.
Et quand vous allez pas bien, vous gérez la promiscuité ?
Roxane : tu sais, c’est des mecs, ils parlent pas trop quand ça va pas…
Michaël : ouais et je dirais même que moi, la coloc m’aide quand ça va pas… je sais que j’ai eu à vivre le décès d’un proche, et quand j’étais ici, j’y pensais pas, ça m’empêchait de ruminer.
Simon : parce que faut savoir qu’on est des colocs, mais qu’on est aussi des vrais amis. D’ailleurs, quand Roxane vient me voir parce que ça va pas avec Michaël, je lui dis « je sais » parce que Michaël est venu me voir avant.
Roxane : d’ailleurs le premier truc que m’a dit Michaël quand on est sortis ensemble, c’est « tu vas voir, c’est une famille. »
Martin (le frère de Simon) : c’est vrai que je me sens comme chez moi ici.
Roxane : même pour nous, qui sommes en couple, c’est plus de pouvoir être trop seuls qui nous fait peur. On va bientôt habiter que tous les deux, et ça nous fait un peu peur.
bqhidden. On va bientôt habiter que tous les deux, et ça nous fait un peu peur
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