Mercredi 12 septembre, l’association de consommateurs UFC-Que Choisir a publié un rapport dans lequel elle dénonce les pratiques des mutuelles étudiantes. S’appuyant sur un sondage auprès de 850 étudiants, UFC-Que Choisir balance des chiffres qui font très mal :
> 39% des étudiants pensent que la mutuelle étudiante remplace la sécurité sociale.
> 77,3 % que la complémentaire santé est obligatoire.
Ce qui n’est évidemment pas le cas.
UFC-Que Choisir déplore également que les tarifs des mutuelles étudiantes sont supérieurs à ceux des autres assureurs avec une qualité de service médiocre. Enfin le rapport épingle les mutuelles étudiantes pour leurs frais de gestion, trois fois supérieurs à ceux de l’assurance maladie.
Alain Bazot, président d’UFC-Que Choisir, préconise carrément la disparition des mutuelles étudiantes. Leur mission devrait, selon lui, revenir aux Caisses Primaires d’Assurance Maladie.
Cédric Chevalier, président du réseau EmeVia (Smerep, MGEL), a répondu à nos questions « avec plaisir ».
C’est la collectivité qui vous finance, et pourtant, d’après UFC-Que choisir, vos produits sont plus chers que ceux des autres assureurs. Comment ça se fait ?
Déjà, j’aimerais bien revoir un peu les critères de comparaison d’UFC-Que choisir. S’ils s’arrêtent au prix ou aux structures de garantie, effectivement il peut y avoir des différences. Ceci étant, il y a des éléments que d’autres organismes de santé ne prennent pas en compte, notamment la prévention à destination d’un public jeune qui a sa façon de fonctionner.
Concernant la couverture santé, les gros organismes aux moyens extrêmement importants peuvent faire des prix attractifs sur les complémentaires, pour la simple et bonne raison que si on attrape un étudiant tout de suite, on a la possibilité de le garder pendant des années. Ce qui n’est pas le cas pour les mutuelles étudiantes puisqu’elles s’arrêtent au moment ou l’étudiant change de statut.
Donc effectivement, la charge est peut-être un peu plus importante parce qu’elle est moins lissée dans le temps. D’ailleurs, ces charges sont décidées par des assemblées générales d’étudiants qui sont les mieux placés pour savoir quelles sont les vraies problématiques de prix ou de garanties.
Vous évitez pourtant de dire qu’ils peuvent souscrire à une mutuelle ailleurs, et moins chère ?
Pas du tout. Là-dessus je m’inscris complètement en faux, parce qu’on défend depuis des années l’instauration d’un chèque santé ou la modification des critères de l’aide à la complémentaire santé (ACS). Des aides non pas destinées à faire en sorte que les étudiants prennent une complémentaire dans les mutuelles étudiantes mais qu’ils soient couverts. Aujourd’hui, la plupart des étudiants ne sont pas couverts par une mutuelle étudiante. Ils sont soit couverts par celle de leurs parents, soit sont au régime de la CMU (la couverture médicale universelle), ou ne le sont pas.
Elles peuvent aussi vous proposer des mutuelles complémentaires. Ces forfaits ne sont pas obligatoires, ils se payent chaque mois en contre-partie d’un taux de remboursement supérieur à celui de la sécurité sociale et d’autres services.
Il existe en France deux réseaux de ce type. La LMDE, première mutuelle étudiante nationale. Et EmeVia, un réseau de mutuelles étudiantes de proximité (MGEL, SMENO, Smerep…)
Votre présence au sein des universités, c’est quand même du démarchage commercial ?
Pas du tout. Je vous invite à aller sur d’autres campus universitaires en France où le seul rôle que portent nos conseillers, c’est bien d’informer sur la sécurité sociale. Non pas de dire, il faut choisir le réseau LMDE ou EmeVia, mais d’aider à choisir le régime en fonction du profil de l’étudiant. Aujourd’hui, les universités font de plus en plus de dématérialisation et donc les inscriptions se font sur Internet. Pour le coup, qu’on ne vienne pas nous dire qu’on préconise des complémentaires santé puisqu’on n’en a physiquement pas l’occasion.
Le financement que vous percevez dépend du nombre d’affiliés. Vous devez quand même être tentés de tout faire pour les attirer ?
Il y a une concurrence entre le réseau EmeVia et la LMDE depuis les années 70. Ce système fonctionne depuis une quarantaine d’années et personne ne s’en plaignait. Un rapport de l’IGAS a même spécifié que ce système à deux réseaux permettait une émulation et donc une amélioration des prestations. Alors en effet une remise de gestion nous est versée. Toutefois, le mode de calcul a changé et ces dernières années, le montant de la remise de gestion ne couvrait pas de manière juste le coût véritable de la gestion d’un étudiant.
Le seul rôle que portent nos conseillers, c’est bien d’informer sur la sécurité sociale
Les mutuelles étudiantes sont en charge d’un service public, tout en étant des organismes de droit privé. N’y a t-il pas là un conflit d’intérêt ?
Dans ce cas, on va remettre en cause tous les régimes délégués ? Alors oui, le terme « mutuelle étudiante » peut prêter à confusion. Elles ont pour mission principale de gérer la sécurité sociale et à terme, de proposer des complémentaires santé. Mais les deux activités sont bien différenciés.
Si comme le dit UFC-Que choisir, nous embobinons des étudiants qui n’y connaissent rien en leur vendant des produits complémentaires non obligatoires, on aurait une proportion d’étudiants à avoir un contrat dans une complémentaire santé étudiante beaucoup plus importante.
Les chiffres avancés ne tiennent pas compte des missions qui sont celles des centres de sécurité sociale étudiante. Elles sont présentées dans les universités comme gestionnaires d’un centre de sécurité sociale, et pas comme des mutuelles complémentaires. Certains établissements sensibilisent à l’acquisition d’une complémentaire, mais d’autres ne le font pas donc il ne faut pas jeter l’opprobre sur l’ensemble du système.
Quelle est votre réaction au rapport de l’UFC-Que choisir qui vous accuse de taxer les étudiants ?
Je me demande dans quelle mesure l’UFC-Que choisir n’a pas été piloté par l’assurance maladie parce que ça fait des années qu’un certain nombre de gens de l’assurance maladie nous disent « on va vous récupérer ». Sans compter les complémentaires parentales qui ont tout intérêt à voir disparaître ce régime.
Je suis extrêmement étonné par l’opportunisme de cet article à la veille d’une annonce sur le déficit de la sécurité sociale. Après vérification, les clauses soi-disant abusives ne le sont pas du tout, donc je m’interroge sur le bien-fondé de la démarche. On en prend acte mais les chiffres avancés sont très largement discutables. Imaginez dans quel état d’esprit est le personnel des mutuelles quand on leur dit qu’une analyse d’UFC-Que choisir prône de les mettre au chômage demain.
bqhidden. Il ne faut pas jeter l’opprobre sur l’ensemble du système
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