Pas moyen de terminer les vacances en paix. Alors que vous profitiez des derniers rayons de soleil de votre été, un livre à la main et la radio en fond sonore, le ministre du Travail, Michel Sapin, vous a sorti brutalement de votre torpeur : au détour d’une phrase, le voilà qui officialise le cap des 3 millions de chômeurs. Soit… plus de 10 % de la population active.
L’annonce n’a rien d’une surprise – on frôlait déjà ce chiffre en juillet, ce n’est pas non plus une première, mais elle est symbolique. Surtout que ceux qui vivotent entre les petits contrats précaires ne sont pas comptabilisés.
Au-delà du chiffre, effrayant, qui sont ces chômeurs et comment vivent-ils au quotidien ? Au printemps, nous avions demandé à plusieurs jeunes chômeurs de nous raconter leurs recherches, leurs angoisses et leurs envies. Si la plupart d’entre eux ont depuis retrouvé un travail, leurs parcours sont toujours d’actualité.
1 Gaëlle, en mode fight
Surtout, surtout, ne pas baisser les bras : le leitmotiv quotidien de Gaëlle pour ne pas sombrer. A 27 ans, elle était au chômage depuis 6 mois. « Pour moi, c’est super important de garder un rythme : je me lève tous les matins avant 9h – je suis aussi claquée que lorsque je travaillais ! Je prends des cours de yoga, d’abdos, de danse… […] Je n’ai pas mis les pieds dans un magasin depuis des mois alors que je suis une dingue de mode. Mes allocs chômage, je préfère les garder pour l’abonnement à ma salle de sport, pour tout ce qui peut me faire du bien physiquement et mentalement. […] Pour moi, chercher un boulot, c’est un emploi à plein temps. Avant, j’avais, comme tous les gens qui ne se sont jamais retrouvés dans cette situation, des préjugés sur les chômeurs. Je me disais, s’ils reçoivent des allocations, c’est normal qu’ils acceptent les boulots qu’on leur propose. La réalité est tellement différente… Aujourd’hui, les polémiques sur les chômeurs qui seraient feignants me rendent hystériques. »
Lire le portrait complet de Gaëlle.
Gaëlle a depuis retrouvé un boulot, toujours dans la finance mais à un autre poste.
2 Adeline, qui a écrit une lettre à Sarkozy
Adeline cherchait du travail depuis un an et demi quand nous nous étions rencontrées, alors qu’elle avait six ans d’études derrière elle. Pire, elle n’avait eu que 3 entretiens en 1 an « pour exactement 156 candidatures. » « 800 €, ça suffit pas pour vivre. Surtout que j’ai un prêt étudiant sur le dos et 300 € à rembourser chaque mois. Ajoute le prix de l’appart et les factures obligatoires, il me reste une centaine d’euros. Heureusement que mes parents sont là. Mais c’est pas une vie : j’ai 28 ans, j’ai envie d’être autonome financièrement, de rendre la pareille à mes parents, qu’ils soient fiers de moi. […] J’ai aussi renoncé à ma vie sentimentale parce que si j’ai un job, même si c’est au bout du monde, je dis oui tout de suite alors je ne veux pas trop m’attacher. Je ne demande que ça, travailler. Je ne demande que ça. […] J’ai écrit à Nicolas Sarkozy l’an passé, il venait d’intervenir sur le thème « on ne fait pas des études pour être au chômage. » Je lui ai expliqué ma situation, lui ai demandé « vous attendez qu’on s’immole ? » J’ai eu une réponse, pas de lui mais de quelqu’un de son équipe, il m’a écrit de m’adresser au ministère de la défense où j’ai déjà travaillé. Je ne m’attendais à rien, mais la réponse m’a déçue.
Lire le portrait complet d’Adeline.
3 Pierre, souvent tout seul chez lui
Pierre avait quitté un boulot dans lequel il ne se reconnaissait plus, mais 8 mois plus tard, il n’avait rien retrouvé – et surtout pas dans les domaines qui l’intéressaient. « Mon rythme s’accélère surtout quand je passe des entretiens. Le plus dur quand t’es au chômage, je crois, c’est cet ascenseur émotionnel : être pris pour un entretien, puis un deuxième, puis un troisième, te retrouver dans le top 3 et finalement échouer à la toute fin. Y’a pas longtemps, ça m’est arrivé pour un poste en Californie. J’avais déjà commencé à m’imaginer vivre là-bas. Quand tu redescends de ton petit nuage, c’est dur. […] En réalité, ce qui me pèse, c’est pas tant de me priver ou non de soirée, c’est plutôt quand, dans ces mêmes soirées, tout le monde te demande « Et toi, tu fais quoi dans la vie ? » Qu’est-ce que tu peux répondre ? Tu vas pas dire : « Je réfléchis sur le sens de mon existence… »
Lire le portrait complet de Pierre.
Pierre a depuis retrouvé un boulot, en retournant vers les achats, mais dans le public. Et félicitations à lui puisque son premier jour… c’est aujourd’hui !
4 Emilie, la nécessité d’être forte psychologiquement
Emilie était au chômage depuis 18 mois. Un trou dans son CV qui s’allongeait, sans qu’elle parvienne à le résorber. « J’ai renoncé à mes séances de shopping, à un forfait téléphonique digne de ce nom… Je vais beaucoup moins chez le coiffeur, aussi – bon, je m’accorde quand même une coupe tous les trois mois, si j’ai un entretien, j’ai pas non plus envie de ressembler à une harpie ! […] C’est bête mais sur un mois, 100 € de plus ou de moins, je le sens tout de suite. Parfois, c’est tellement frustrant que t’as envie de prendre le premier boulot qui vient, même s’il est nul et que t’es payée trois fois moins que le Smic. […] Au début, j’étais paniquée, je ne connaissais personne dans la région, mes amis étaient loin, je le vivais mal. Je regardais l’heure en permanence, je me disais : « Il est 18h, plus qu’une demi-heure avant que mon copain rentre. » Quand tu commences à te dire ça, c’est que t’es un peu déprimée ! Y’a des (très) longues journées, des moments où je suis anéantie. Mais j’ai la chance d’être bien entourée, mon ami m’aide beaucoup, j’ai pas envie de me laisser faire.
Lire le portrait complet d’Emilie.
Et pour relire tous les portraits de notre série sur les chômeurs, allez donc faire un tour par là.
Les polémiques sur les chômeurs qui seraient feignants me rendent hystériques.
Je lui ai demandé, vous attendez qu’on s’immole ?
En soirée, tu ne vas pas dire, je réfléchis sur le sens de mon existence
Je regardais l’heure en permanence.
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