« On n’est pas des ayatollahs », lâche Nicolas Blas. Le jeune homme, président du néo-collectif Génération changement, communique sous pseudo par peur des représailles. Son combat ? Un recrutement plus diversifié au sein des cabinets ministériels. « On est quelques dizaines de jeunes à être déçus de ne pas être dans les cabinets, on trouve ça assez injuste, on pensait qu’on méritait notre place. »
Anonymat relatif Frustré, le jeune homme lance la fronde le 8 juin dernier en publiant avec une trentaine de comparses une tribune anonyme dans le journal Libération. « On est militants du Parti Socialiste et si notre nom apparaissait, on serait morts politiquement. » Ah ? Pourtant il suffit de choper le numéro de Nicolas Blas et de tomber sur sa messagerie pour apprendre sa réelle identité – et, du même coup, de découvrir qu’il travaille pour un édile socialiste dans l’ouest de la France. Des imprudences à faire rougir les corbeaux de métiers.
Si on sent rapidement que c’est le premier coup politique du genre de Nicolas Blas et ses compères, leur cause, elle, n’est pas si nouvelle : dénoncer « l’entre-soi de la haute fonction publique d’Etat » :
« L’expérience, les réseaux, le statut ont eu raison de l’imagination, de la créativité, de la vitalité. Le militantisme et la soif d’idéal ont été balayés par la permanence rassurante des grands corps. »
Une fois présentées les grandes lignes de l’argumentaire, on sent poindre une autre frustration, plus prosaïque : « on envoyait 30 ou 40 CV, on se faisait recommander, et on n’avait même pas d’accusé de réception par mail ! »
div(border). Génération changement c’est quoi ?
Le collectif est composé d’une trentaine de jeunes militants du Parti Socialiste, de Terra Nova et autres organisations apparentées ayant milité pour Hollande pendant la campagne présidentielle. Après avoir prévenu Matignon et l’Elysée de son intention, il publie une tribune le 7 juin 2012 dans Libération appelant à diversifier le recrutement dans les cabinets de la République. Notamment pour embaucher plus de jeunes de 25 à 34 ans et surtout plus de jeunes aux parcours diversifiés.
Matignon : «Vraiment, je tombe de l’armoire quand je lis ça»
Tomber de l’armoire Dans la même veine, plus de deux semaines après la parution de l‘« Appel à l’Élysée et Matignon » dans Libé, les intéressés font toujours la sourde oreille. Contacté par StreetPress, Matignon semble même étonné que l’on s’intéresse à Génération changement. « Ce n’est pas la priorité des priorités », euphémise le conseiller presse. « Je sais vaguement de quoi ils parlent », ajoute-t-il, avant de lâcher un rien agacé : « vraiment, je tombe de l’armoire quand je lis ça. » Une indifférence mêlée d’hostilité qui fait écho à celle de l’Elysée, qui n’a pas tenu à commenter l’action de Génération changement, malgré plusieurs relances.
Malgré cette ostensible indifférence du Palais pour ses idées, Nicolas Blas compte bien reprendre son « bâton de pèlerin. » Il publiera d’ici la fin de la semaine des chiffres sur la sous-représentation d’une part des jeunes de 25 à 34 ans et, d’autre part, des parcours « diversifiés » dans les cabinets. Il confie :
« Il y a 5 énarques en moyenne par cabinet, et seulement un jeune entre 25 et 34 ans pour un ou deux cabinets. On veut mettre ça en avant pour objectiver nos données et ne pas être dans l’incantation. »
Lui-même a-t-il un parcours diversifié ? « Moi non, pas spécialement, mais y’en a d’autres hein. »
Jeunes isolés Si le collectif en est à ses balbutiements, les faits leur donnent raison, à quelques exceptions près. À 23 ans, Gabriel Attal est le plus jeune conseiller en fonction. « Je ne suis pas là pour symboliser quoi que ce soit », assure-t-il à StreetPress. « L’avantage d’embaucher un jeune est qu’il est sur le pont 24 h sur 24, 7 j sur 7, car il n’a pas encore de famille ni d’enfants », continue Gabriel Attal, conseiller parlementaire dans le cabinet de Marisol Touraine. Un exemple isolé ne pouvant pas occulter les pratiques de copinage et de reproduction sociale tenaces dans les hautes sphères du pouvoir, comme l’a notamment démontré l’enquête de Libé à la fin du mois de mai, « Les cabinets blancs de la République », suscitant de très nombreuses réactions.
Il publiera d’ici la fin de la semaine des chiffres sur la sous-représentation des jeunes de 25 à 34 ans
Edit du 28.06 Matignon précise que l’anonymat du collectif rend impossible toute réaction officielle.
Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.
Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.
Je fais un don à partir de 1€Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.
Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.
Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.
Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.
Je donne
NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER