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    18/06/2024

    Un militant du Gud déjà condamné

    Un néofasciste violent a bossé pour les Jeux olympiques et la Fédération française de football

    Par Arthur Weil-Rabaud , Christophe-Cécil Garnier

    Kléber Vidal est cordiste et a travaillé sur la façade de la FFF et au Stade de France dans le cadre des JO. Ce membre du Gud est pourtant en lien avec les pires néonazis français et a déjà été condamné dans une affaire de violence.

    Derrière son téléphone, Kléber Vidal est satisfait. Le cordiste, spécialiste des travaux en hauteur, filme le Stade de France ce 13 juin et publie la vidéo sur ses réseaux sociaux. Depuis mars dernier, il a travaillé à plusieurs reprises dans le cadre des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) sur la pose des drapeaux dans l’enceinte (1). En mai, l’homme a même bossé pour la Fédération française de football (FFF), sur la façade du siège des Bleus. Sauf que Kléber Vidal est un militant d’extrême droite et membre du Gud, une organisation néofasciste étudiante adepte du coup de poing. Il est en lien avec les pires néonazis français – comme Loïk Le Priol et Romain Bouvier, les assassins présumés du rugbyman Federico Aramburu –, et a déjà été condamné plusieurs fois par la justice. En 2022, il a par exemple écopé de trois ans de prison, dans le cadre d’une histoire de torture d’un ancien chef du Gud il y a quelques années.

    Contactés, la FFF et les JOP sont pour le moins embêtés par les découvertes de StreetPress. Le schéma a été le même pour les deux institutions : elles ont fait appel à une société prestataire spécialisée, qui a ensuite sous-traité à Kléber Vidal et son entreprise sans qu’elles le sachent. La FFF a répondu qu’un « habillage visuel événementiel » a bien été réalisé mais assure : « La FFF ne connaît pas la personne que vous mentionnez. Toute société prestataire recrutée par la FFF fait l’objet d’une étude de marché. Tous les contrats établis par la FFF dans le respect du droit comportent une clause de compliance. » L’association a également rappelé ses valeurs contenues dans l’article 1 de ses statuts. Les JOP, eux, ont indiqué qu’ils travaillaient avec « plus de 2.500 entreprises prestataires » (qui elles-mêmes recourent à des sous-traitants comme Vidal) via des marchés publics et qu’eux comme les prestas ne disposent « ni du pouvoir d’enquête, ni de celui de demande des extraits de casiers judiciaires ».

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    Fier de son travail, Kléber Vidal a communiqué son activité pour les JOP 2024. Les prestataires et sous-traitants de l'événement sont tenus par un certains nombre de règles et Vidal n'aurait d'ailleurs « pas dû associer Paris 2024 » à son post, nous indique un connaisseur. / Crédits : Linkedin

    Le Gud et les pires néonazis

    Quant à Kléber Vidal, le militant néofasciste n’a pas répondu aux sollicitations de StreetPress et a renvoyé vers son avocat, qui n’a pas plus donné suite à nos questions. L’homme de 27 ans à la barbe fournie a déjà pas mal bourlingué dans le milieu de l’extrême droite très radicale. Il a rejoint le Gud dès ses 15 ans en 2012 et a grenouillé dans pas mal de groupuscules radicaux avec son frère Hugo, comme le Renouveau français. Leur père, Marc Vidal, décédé en 2020, est passé par le Grece, l’organe principal de la Nouvelle Droite, et a tenu une librairie à Pontault-Combault (77) où l’on trouvait le gratin des auteurs antisémites : le collaborationniste Henry Coston, le dignitaire nazi Hermann Goering…

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    Kléber Vidal a participé à un « habillage visuel événementiel » sur la façade de la Fédération française de football en mai 2024. / Crédits : Linkedin

    Aujourd’hui encore, les deux hommes baignent dans le milieu et font figure d’anciens. Kléber et son frère ont encadré avec d’autres gudards les jeunes néonazis de la division Martel et leur ont donné des conseils dans un groupe de discussion commun sur Telegram. Les deux hommes bodybuildés se sont affichés avec le cercle restreint du Gud lors de la manifestation néofasciste du Comité 9 mai en 2023, qui avait provoqué une indignation médiatique et politique. Quelques semaines plus tôt, Kléber se serait également rendu à Saint-Brévin (44), lors du rassemblement d’une centaine de néofascistes venus protester contre l’installation d’un centre d’accueil de demandeurs d’asile.

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    Kléber Vidal (à gauche) et son frère (à droite) se sont affichés avec le cercle restreint du Gud lors de la manifestation néofasciste du Comité 9 mai en 2023, qui avait provoqué une indignation médiatique et politique. / Crédits : DR

    Passé par de nombreux petits boulots, Kléber Vidal s’est lancé dans celui de cordiste en 2020 avec son entreprise Vid’Alpi, qui se vante d’être « spécialisée dans les travaux d’accès difficiles » et la construction de parc d’accrobranches – il aurait même aidé à construire un escape game parisien. Sur le réseau professionnel LinkedIn, il a bénéficié d’un « repost » de Gabriel Loustau, un des leaders actuel du Gud condamné en juin 2024 dans le cadre d’une agression homophobe. Sur Instagram, sa publication de son travail pour la FFF est quant à elle « likée » par César Aujard, un combattant néonazi français en Ukraine.

    Condamné pour avoir tabassé son ancien chef au Gud

    1er juin 2022. Kléber Vidal comparaît devant le tribunal judiciaire de Paris pour une affaire vieille de presque sept ans. Avec les anciens gudards Logan Djian, Loïk Le Priol et Romain Bouvier – ces deux derniers sont en détention en attendant leur procès pour le meurtre du rugbyman Federico Martin Aramburu (2) – il est jugé pour le tabassage de leur ancien chef, qui a viré à la torture pendant 20 minutes. Une histoire racontée à l’époque par StreetPress. Le débit du vingtenaire aux cheveux gominés est lent, il réfléchit beaucoup à ses phrases pour se justifier des deux coups de poing au visage qu’il a donnés à la victime. Devant les juges, il se présente comme quelqu’un de non-violent, même s’il concède faire « de la boxe dans les jardins publics, comme tout le monde ». Et il assure ne plus faire partie du Gud : un mensonge. Après l’audience, il n’a répondu aux questions des journalistes que par cette phrase :

    « Vous payez combien ? »

    À l’époque, il est condamné à trois ans de prison pour violences volontaires aggravées en réunion, avec préméditation et sous la menace d’une arme, dont une année avec sursis. Pendant deux ans, il a purgé sa peine avec un bracelet électronique.

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    Au mitan des années 2010, sur Facebook et Instagram, Kleber Vidal joue l’homme sandwich pour la marque de fringue de Loik Le Priol, un de ses amis. Ensemble, ils ont tabassé l'ancien chef du Gud Edouard Klein en octobre 2015. / Crédits : DR

    Le barbu néofasciste, qui a même servi d’homme sandwich pour la marque de fringues de Loïk Le Priol, a également eu une condamnation pour port d’arme en décembre 2018. Sur son CV qu’il a posté en ligne, il confiait avoir été un temps recruté par l’armée de terre et avoir été affecté au 8e régiment parachutiste d’infanterie de marine. Mais suite à un « défaut dans la construction du dossier », sa place aurait été « donnée à quelqu’un d’autre ». Peut-être que l’armée s’était alors renseignée sur son pedigree ?

    _ (1) Edit le 19/06 : Nous avions initialement écrit que Kléber Vidal travaillait « depuis plusieurs mois » sur le chantier des JOP. Paris 2024 a fait savoir que M. Vidal avait été « missionné uniquement de manière très ponctuelle et non sur plusieurs mois ». La phrase a été modifiée en ce sens.

    (2) En attente de leur jugement, les deux hommes sont présumés innocents.

    Illustration de Une de Nayely Rémusat.

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