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    12/06/2024

    « Être homosexuel ne veut pas dire être un militant d’extrême gauche »

    L’extrême droite joue la carte raciste pour récupérer les votes gays et lesbiens

    Par Arthur Weil-Rabaud

    Malgré une histoire et des engagements homophobes, l’extrême droite tente de récupérer les votes gay et lesbiens en jouant sur la peur de l’insécurité et des thèses racistes. Un nouveau groupuscule se monte.

    Samedi 24 juin 2023, la Pride parisienne s’élance de la place de la Nation. Alors que le cortège défile dans son dos, un homme se filme déchirant un drapeau arc-en-ciel, criant qu’il « ne le représente pas et ne le représentera jamais », avant de le jeter à la poubelle. Celui qui porte un tee-shirt avec l’inscription « homo de droite et contre les lobbies LGBTQIA+ », se fait appeler Yohan Pawer. Un influenceur identitaire gay qui s’apprête à lancer son propre collectif pour contrer l’influence « des militants d’extrême gauche dans la cause LGBT » et faire « entendre la voix de la majorité des homosexuels ».

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    Celui qui porte un tee-shirt avec l’inscription « homo de droite et contre les lobbies LGBTQIA+ », se fait appeler Yohan Pawer. / Crédits : DR

    Petit frère de Némésis

    Yohan Aigrisse – c’est son vrai nom – est un ancien candidat suppléant Reconquête! aux élections législatives de 2022 dans la 11e circonscription du Val-de-Marne. Gay out, il a fait de la lutte contre le « wokisme » et les « lobbies LGBT+ » son cheval de bataille. En mars 2023, il gagne une petite notoriété dans la fachosphère en réalisant une « infiltration » dans un club de lecture par des drag queens pour les enfants. Une action qui lui a ouvert la porte des médias d’extrême droite, de CNews à Boulevard Voltaire en passant par Valeurs Actuelles… Sur la chaîne d’info, il défend les bambins devant Morandini, pourtant condamné en décembre 2022 pour corruption de mineurs – le procès en appel doit avoir lieu en novembre prochain. C’est aussi un proche de Bruno Attal, le flic préféré des fafs, de l’ancien délégué national du RN Jean Messiha, de la présidente-fondatrice du collectif Némésis Alice Cordier ou de Mila Orriols, influenceuse identitaire elle aussi membre du groupuscule.

    À LIRE AUSSI : Bruno Attal, le flic que l’extrême droite adore mais que les policiers n’aiment pas

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    En 2023, il gagne une petite notoriété en réalisant une « infiltration » dans un club de lecture par des drag queens pour les enfants. Une action qui lui ouvre la porte des médias d’extrême droite / Crédits : Capture d'écran

    Inspiré par ces dernières, Yohan Pawer a décidé de lancer son propre groupuscule. Jeremy Marquie, chroniqueur sur les médias fafs Radio Courtoisie et TV Libertés ou chez les complotistes de Géopolitique Profonde, va endosser le rôle du vice-président. Joint sur X (ex-Twitter), il affirme que ce collectif, également ouvert aux femmes lesbiennes, a pour but de « faire savoir qu’être homosexuel ne veut pas dire être un militant d’extrême gauche » et de « dénoncer les actions militantes et les dérives idéologiques de la sphère LGBT ».

    Il affirme que son collectif sera entièrement indépendant du collectif Némésis. Il en partage néanmoins l’idéologie identitaire, en vogue jusqu’au Rassemblement national. Lui qui n’hésite pas à parler de « grand remplacement » ou de « France islamisée » à longueur de tweets, veut « démontrer l’incompatibilité entre cette liberté individuelle et sexuelle » – comprendre être homosexuel – et « l’immigration notamment islamique ». Pour lui, les étrangers seraient les premiers responsables des agressions subies par les gays et lesbiennes. Le militant radical se dit « ouvert » à toute collaboration avec le Rassemblement national ou Reconquête. Deux partis dont il déclare partager « des combats ».

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    Pawer affirme que son collectif sera entièrement indépendant du collectif Némésis. Il en partage néanmoins l’idéologie identitaire, en vogue jusqu’au Rassemblement National. / Crédits : DR

    Une vision qui se propage

    Ce nouveau collectif, qui devrait voir le jour à la fin du mois de juin, s’inscrit dans la continuité d’une adhésion croissante des lesbiennes, gays et bisexuelles (LGB) aux idées d’extrême droite. Une enquête de l’IFOP, commandée par le magazine Têtu à l’occasion de la présidentielle de 2022, révélait que l’électorat LGB votait dans les mêmes proportions – près de 30% – que l’électorat hétérosexuel pour les partis d’extrême droite. Une adhésion qui s’explique en partie par la stratégie déployée par le Rassemblement national : prôner la défense des personnes LGB face à la « menace civilisationnelle » que fait peser l’islam, et plus largement l’immigration. Une rhétorique déjà mobilisée, notamment par le collectif Némésis, pour prendre la « défense » des femmes.

    Depuis quelques années, le parti lepeniste tente de se donner une image bienveillante auprès de la communauté LGB et se targue régulièrement d’être celui qui a envoyé le plus de députés gays à l’Assemblée nationale en 2022. Ils seraient « entre 20 et 25 sur 89 » selon un décompte du magazine Têtu. Certains comme Bruno Bilde, Jean-Philippe Tanguy ou Sébastien Chenu n’hésitent pas à jouer cette carte dans leurs campagnes. Ce dernier a fondé en 2001 l’association GayLib, anciennement associée à l’UMP et qui regroupe « les personnes LGBTI libérales et humanistes ».

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    Yohan Pawer s'affiche avec Jean-Marie Le Pen. / Crédits : DR

    Une « nouvelle » image qui vaut au RN d’être parfois pointé du doigt par l’extrême droite la plus radicale. Ainsi Jérôme Bourbon, le rédacteur en chef pétainiste de Rivarol, qualifiait dans les colonnes de sa feuille de chou le « néo-FN » de « vraie cage aux folles ».

    Pourtant, comme le reste de la mouvance d’extrême droite, le Rassemblement national reste un parti hostile aux droits des personnes LGBT, en témoigne les différents votes de ses élus au Parlement européen ces dernières années, la proximité du parti avec la Manif pour Tous et les liens de Marine Le Pen avec Vladimir Poutine ou Viktor Orbán, connus pour leurs politiques farouchement anti-LGBT. Et dans la nuit de dimanche à lundi 10 juin, des militants du Gud, pour certains proches du RN, sont sortis « casser du PD » après la première place de Bardella aux élections européennes.

    À LIRE AUSSI : Au soir de la victoire de Bardella, le Gud sort « casser du PD »

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