Pour les élections européennes des 8 et 9 juin prochains, 37 listes – un record – ont réussi à aligner les 81 noms nécessaires et sont donc candidates. Sept d’entre elles sont d’extrême droite. Derrière le Rassemblement national (RN) et Reconquête qui peuvent légitimement espérer passer les 5% qui permettent de siéger à Bruxelles, on rêve d’obtenir le remboursement des frais de campagne soit de 3% ou on profite simplement de la campagne pour exister. Tour d’horizon.
Les favoris : le Rassemblement national
Mené par son président Jordan Bardella, le Rassemblement national a toutes les chances d’être le premier parti français au Parlement européen. D’après un sondage Ifop-Fiducial du 21 mai, le parti fondé par d’anciens Waffen-SS et autres membres de l’OAS pourrait atteindre plus de 30% des suffrages au niveau national. Un score élevé qui propulserait une trentaine d’élus frontistes au Parlement européen, bien plus que leurs 18 eurodéputés sortants.
Parmi les presque déjà élus, les controverses commencent dès la numéro deux de la liste, Malika Sorel, politicarde passée par toutes les chapelles de la droite et qui a notamment écrit sur « la sauvagerie des enfants issus de l’immigration ». Numéro trois, Fabrice Leggeri, ex-directeur de l’agence européenne Frontex, est quant à lui visé par une plainte pour complicité de crime contre l’humanité et complicité de crime de torture lorsqu’il était encore à la tête de Frontex. En neuvième position, on retrouve le très russophile Thierry Mariani, qui vise le renouvellement de son siège. 23e mais éligible, Pierre-Romain Thionnet, le boss du Rassemblement national jeunes (RNJ) et ex-assistant parlementaire de Jordan Bardella, dont on vous dresse le portrait ce mois-ci, monte en grade. Emmènera-t-il avec lui à Bruxelles tous ses camarades proches de groupuscules violents ?
Enfin, il y aura peu de chances de le croiser en tant qu’élu, même si c’est un habitué des couloirs du Parlement européen : Gauthier Bouchet, fils de Christian Bouchet, figure tutélaire du nationalisme-révolutionnaire, et grand habitué de Metapedia, le Wikipedia des fafs, est 55e. Il reprendra peut-être son poste d’assistant parlementaire d’André Rougé, 31e sur la liste Rassemblement national, si celui-ci est réélu.
Les seconds couteaux : Reconquête
Les 7% à la présidentielle et le glorieux chiffre de zéro député aux législatives de 2022 n’ont pas découragé Éric Zemmour, qui espère toujours briser son plafond de verre électoral. Le parti est pour le moment crédité de 5,5% d’intentions de vote, à peine assez pour passer le seuil lui accordant des députés. Le nombre de places accordées à chacun dépend du nombre de listes au-dessus de cette barre symbolique. Selon les projections actuelles, ils obtiendraient cinq sièges et enverraient à Bruxelles Marion Maréchal, tête de liste, son numéro deux Guillaume Peltier – ancien vice-président Les Républicains –, Sarah Knafo – l’énarque qui a murmuré à l’oreille de tous les fafs –, l’eurodéputé sortant Nicolas Bay et Laurence Trochu, présidente du Mouvement conservateur, allié des Zemmouristes pour ce scrutin. Stanislas Rigault, le soldat médiatique « corvéable à merci » du parti, resterait lui aux portes du Parlement. À noter la présence de Jean Messiha, ex-délégué national du RN, en 8e position, et celle des deux ex-membres et figures de Génération Identitaire Philippe Vardon et Damien Rieu, respectivement 10e et 12e sur la liste.
Les « anti-système » : Patriotes, UPR, NON et Nous le Peuple
Les Patriotes
Florian Philippot rêve de faire exploser le Parlement Européen. L’ancien vice-président du Front National, qui a quitté la formation lepéniste en 2018 pour fonder son parti les Patriotes, attend beaucoup de ce scrutin et jure qu’il a ses chances d’aller à Bruxelles pour mettre à bas l’Europe à la solde des États-Unis. Pour ça, il s’est entouré de complotistes et de personnalités controversées, qui représentent bien sa fan base, que StreetPress est allée rencontrer le mois dernier. Problème, et pas des moindres : pour l’heure, la liste qu’il mène n’est créditée que de 0,5% des intentions de vote.
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Les Européens n’auront donc pas la chance – sauf très improbable rebondissement – de faire la connaissance de Myriam Palomba, ex-patronne de presse people devenue figure de la complosphère la plus délirante, et qui passe ses soirées avec Mila Orriols, militante du collectif Némésis, ou Bruno Attal, ex-flic passé chez Reconquête. Ou de revoir Jean-Frédéric Poisson, troisième sur la liste et président de Via, parti de droite chrétienne conservatrice, défenseur de la famille « traditionnelle ».
Union populaire républicaine
Pour François Asselineau, l’autre énarque « antisystème » de ces élections européennes, les prévisions ne sont pas meilleures. Pour l’heure, ses troupes ne récolteraient aussi que 0,5% des suffrages : c’est encore moins que lors des présidentielles de 2017 où l’ancien directeur de cabinet de Charles Pasqua avait grappillé un peu moins d’1% des bulletins.
Contacté, le parti antisystème a fait part, par le biais de son service presse, de sa « vive surprise devant l’étiquette d’extrême droite accolée à [son] mouvement », « qui ne reflète ni les positions de François Asselineau, ni la perception que le public a de lui ». Pourtant, les prises de position complotistes et prorusses du président de l’Union populaire républicaine (UPR) ne laissent que peu de place au doute, l’énarque ayant également donné il y a quelques années une réunion publique au Local, bar tenu à l’époque par Serge Ayoub, leader des Jeunesses nationalistes révolutionnaires, groupuscule dissous en 2013 suite au meurtre de Clément Méric par ses militants.
Rester libre
Une troisième liste souverainiste, tendance conspifaf, est également sur la ligne de départ : NON ! Prenons-nous en main. Cette « liste citoyenne » fait avant tout campagne, comme Philippot et les Patriotes, sur la sortie de l’Europe. Lancée en octobre 2023 par le mouvement Rester libre, elle est menée par Edouard Husson, un historien membre du conseil scientifique et professeur de l’Issep fondé par Marion Maréchal. Habitué des médias fafs Boulevard Voltaire et TV Libertés, il est directeur de publication du site complotiste Le Courrier des Stratèges, fondé par Éric Verhaeghe, ex-énarque – encore un – et fondateur de Rester libre, qui figure en 5e position sur la même liste.
République souveraine
Enfin, « Nous le peuple » propose également un programme souverainiste et anti Europe. Elle est portée par Georges Kuzmanovic, qui a claqué la porte de la France Insoumise en 2018 pour fonder République souveraine, un parti qui revendique une ligne « transpartisane et citoyenne », mais flirte surtout très souvent avec l’UPR, et tente de draguer les Patriotes de Philippot, ou de Nicolas Dupont-Aignan et Debout la France. À la frontière permanente avec l’extrême droite, Kuzmanovic rêve d’une alliance de tous les souverainistes, quitte à faire surtout alliance avec des fafs.
Les pétainistes : Forteresse Europe
S’il fallait élire la liste la plus faf de ces élections, Forteresse Europe remporterait sans aucun doute le titre. Soutenue par les Nationalistes, parti politique dirigé par le pétainiste et négationniste Yvan Benedetti, la liste est menée par son grand ami et membre du parti, l’avocat Pierre-Marie Bonneau, ex-conseil d’Alain Soral, du néonazi Boris Lay ou des négationnistes Hervé Ryssen et Robert Faurisson, dont les références vont d’Hitler à Charles Maurras, en passant par des collaborationnistes français. On retrouve par exemple sur sa liste Sébastien Trejo, dit « Monsieur K » : un antisémite notoire très proche d’Egalité & réconciliation, dont StreetPress dressait le portrait il y a quelques années.
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Le 9 mai dernier à Paris, Bonneau a d’ailleurs trouvé judicieux d’organiser une réunion publique en présence de Manuel Andrine, chef de la Falange, parti politique espagnol poursuivant les idées du parti unique de l’Espagne franquiste, pour présenter sa liste. L’occasion d’évoquer l’arrêt complet des flux migratoires, l’établissement du droit du sang, la révision des naturalisations accordées depuis 1975, l’abolition de l’IVG, la sortie de l’Union européenne ou le rétablissement du franc : tout un programme.
Les confusionnistes : Francis Lalanne et Dieudonné
Leurs deux noms associés pourraient être le début d’une (mauvaise) blague. Pourtant, le chanteur conspi et l’humoriste antisémite rêvent de Bruxelles. Après leur spectacle commun, place à la politique. Les deux ont l’avantage d’avoir déjà bataillé de nombreuses fois dans l’arène politique. Francis Lalanne a été trois fois candidat aux élections législatives, une fois aux municipales à Montauban et deux fois aux élections européennes, en 2009 pour l’Alliance écologiste indépendante et au dernier scrutin en 2019 avec l’Alliance jaune, une coalition issue des Gilets jaunes.
Dieudonné, connu pour ses condamnations pour antisémitisme, a lui aussi roulé sa bosse en politique. Quatre fois candidat aux législatives, il se présente en 2004 sur la liste EuroPalestine aux européennes, avant de rejoindre la liste du Parti antisioniste en 2009, aux côtés notamment d’Alain Soral, président-fondateur d’Egalité & réconciliation. Cette année, le duo a réussi à rassembler les 81 noms nécessaires au dépôt d’une liste. Lalanne est tête de liste, Dieudo est troisième – parité oblige –, et aucun des deux ne sera élu. Leur notoriété aurait pu leur permettre de dépasser 1%, mais pour celà, il faudrait imprimer et fournir des bulletins à chaque bureau de vote. Ce qu’ils ne feront probablement pas.
Ils ont tenté : l’Alliance royaliste
Les royalistes de l’Alliance royale auraient également dû être de la partie, mais ils n’ont pas réussi à réunir 81 personnes dans le temps imparti. Créée en 2001, l’Alliance royale rêve d’un roi sur le trône de France mais, contrairement à sa cousine l’Action française, elle défend l’idée d’une monarchie basée sur la Constitution de la Ve République. Une idée qui peine apparemment à convaincre.
Droit de réponse : StreetPress a écrit plus haut que Georges Kuzmanovic était à la « frontière permanente avec l’extrême droite », ce qu’il conteste. Il nous a fait parvenir le droit de réponse suivant :
« Nous le peuple » n’a rien à faire parmi les « listes d’extrême-droite ». La tête de liste G. Kuzmanovic ne « flirte » ni avec l’UPR, ni avec les Patriotes, ni avec Nicolas Dupont-Aignan ; il n’a jamais fait alliance avec des « faf ». Son mouvement République souveraine défend la justice sociale, la solidarité, les grands services publics et la laïcité qui sont attaqués par l’UE de Maastricht. Dans l’esprit du Conseil national de la Résistance, il a formé une liste avec des mouvements et citoyens issus de la droite sociale pour bloquer la fuite en avant fédéraliste de l’UE.
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