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    27/11/2023

    Des néonazis venus de toute la France pour attaquer un quartier populaire

    Descente raciste à Romans-sur-Isère : quels sont les profils des interpellés ?

    Par Mathieu Molard , Christophe-Cécil Garnier

    Samedi, près de 80 manifestants masqués et armés de barres de fer, se sont rendus dans le quartier de la Monnaie à Romans-sur-Isère, prétextant un hommage à Thomas. StreetPress a identifié des néonazis venus des quatre coins de la France.

    Ce samedi 25 novembre en fin d’après-midi, près de 80 militants d’extrême droite ont déboulé dans le quartier de la Monnaie, à Romans-sur-Isère (26) dans la Drôme. Visages masqués et barres de fer en main, les manifestants semblent être là pour en découdre. En tête de cortège, des gros bras vêtus de noir brandissent une banderole sur laquelle est inscrit :

    « Thomas, ni oubli, ni pardon. »

    Depuis le meurtre de Thomas, 16 ans, tué lors d’une fête de village à Crépol (26), l’extrême droite tente de récupérer le drame. Sur les réseaux sociaux, la mouvance appelle à « rendre hommage » à ce « jeune français » tué par des « immigrés ». Qu’importe si c’est faux : le principal suspect est de nationalité française et habite le centre de Romans-sur-Isère. D’autres mis en examen dans le meurtre de Thomas seraient originaires du quartier de la Monnaie.

    Les forces de l’ordre, alertées par un « renseignement anonyme », les y attendent. Au total, ce sont près de 170 fonctionnaires de police qui sont mobilisés, selon le télégramme que StreetPress s’est procuré. Ce document de cinq pages, rédigé par un gradé, retrace de manière chronologique les événements du soir. Il détaille aussi les noms des 17 individus interpellés. Parmi eux, des néonazis membres de groupuscules violents, venus des quatre coins de la France.

    Aux alentours de 18h00, les militants d’extrême droite se mettent en mouvement. Ils scandent des slogans racistes et brandissent des drapeaux français dans le quartier. On peut lire dans le télégramme retraçant la soirée que les CRS déployés pour empêcher les violences sur des riverains essuient des « tirs de mortiers ». Ils répondent par des tirs de LBD. Les policiers procèdent à 11 interpellations. Le reste des manifestants prend la fuite. Six autres individus seront interpellés moins de dix minutes plus tard.

    Quelques militants néonazis vont aussi se faire cueillir par des jeunes du quartier, comme en témoignent plusieurs vidéos relayées par le compte Tajmaât. L’un d’eux est déshabillé et tabassé, puis abandonné sur un coin de trottoir. Sa présence est signalée par des riverains aux forces de l’ordre qui l’emmènent à l’hôpital. Deux autres manifestants, plus légèrement blessés, ont également été hospitalisés. Côté CRS, on compte cinq blessés légers.

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    Samedi, près de 80 manifestants masqués et armés de barres de fer, se sont rendus dans le quartier de la Monnaie à Romans-sur-Isère, prétextant un hommage à Thomas. / Crédits : DR

    Des néonazis de Besançon

    Les interpellés viennent de toute la France. On retrouve trois Bisontins : Ilann F., Romain J. et Vital V. Tous les trois sont membres des Vandal Besak, un groupuscule d’extrême droite, tendance nationaliste révolutionnaire. Une mouvance héritière du fascisme, dont les membres sont mis en cause pour de nombreuses agressions dans le Doubs.

    Ilann F., ancien membre de l’équipe de France de roller derby pour les championnats du monde junior, a depuis largement dérivé vers l’extrême droite la plus radicale. Avec les Vandal Besak, Ilann F. a participé à l’attaque d’un pompier lors d’une manifestation sauvage contre la réforme des retraites dans les rues de Besançon (25). Avec son comparse Romain J., ils y auraient également agressé deux personnes transgenres, le 4 août dernier, selon un journaliste local.

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    Photo des Vandal Besak à l'entraînement, publiée par Ilann F. Sur leurs têtes en guise d'anonymat : le symbole de la division Charlemagne. / Crédits : DR

    Ilann F. est aussi recruteur pour un canal Telegram nommé Nova Europa. Une resucée de FrDeter, groupe soupçonné de préparer des actions violentes dont les activités ont été révélées par la plateforme Tajmaât en avril dernier. Cette chaîne Telegram, qui comptait 7.800 membres en septembre, a un canal principal qui se décline ensuite par départements. Ilann F. tient celui du Doubs. En septembre, il était aidé dans cette activité de recrutement par son grand copain Lukas C., militaire néonazi du 35e régiment de Belfort qui appelait à « nettoyer le pays ». Il a été suspendu de l’armée après que StreetPress ait révélé ses activités. On voit notamment les deux hommes prenant la pose devant un drapeau du IIIe Reich. Sur une autre image prise le 11 novembre dernier, il s’affiche avec son comparse Romain J., également interpellé à Romans-sur-Isère, partageant une raclette avec des recrues de Nova Europa et des figures néonazies locales. Un drapeau à croix celtique était affiché dans la salle à manger.

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    Les trois bisontins des Vandal connaissent bien Lukas C., un ex-militaire du régiment de Belfort. À gauche, Ilann F. pose avec lui cet été devant un drapeau du IIIe Reich. À droite, la photo publiée par Romain J. est celle d'une raclette organisée par lui et Ilann F. / Crédits : DR

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    Ilann F. est membre du groupuscule d'extrême droite Vandal Besak. Il publie ces deux images avec un drapeau à croix celtique sur son compte Instagram. À gauche, il s'agit d'une raclette qu'il a fait le 11 novembre 2023, avec d'autres néonazis du Doubs et des recrues de Nova Europa. À droite, il s'agit d'une action des Vandal. / Crédits : DR

    À LIRE AUSSI : Drapeau nazi et appel à « nettoyer le pays », des militaires néonazis au régiment de Belfort

    Des membres de toute la France

    Parmi les interpellés, en plus des trois de Besançon, on trouve aussi deux Lyonnais, un Grenoblois, un Dijonnais, un Nîmois, deux de la région nantaise, un Savoyard et même un Italien. Leurs âges vont de 17 à 36 ans et sept d’entre eux ont 19 ans. Certains se font discrets sur les réseaux sociaux. D’autres laissent filtrer quelques informations. Ainsi, Noah L. s’affiche sur son compte Instagram prenant la pose aux côtés de Thaïs d’Escufon à un meeting d’Eric Zemmour.

    L’Italien, Mattia B., est lui aussi actif sur les réseaux sociaux. Aux policiers qui l’interpellent, il se déclare résident turinois. Il semble pourtant passer beaucoup de temps dans l’Hexagone, en témoignent les différentes photos de monuments parisiens présentes sur son compte Facebook. On le voit par exemple posant en faisant un salut de Kühnen, ersatz de salut nazi, sur les Champs-Élysées. Il défilait, à Paris toujours, en mai dernier, avec le gratin de la mouvance à l’occasion du C9M. Une manifestation organisée chaque année pour rendre hommage à un militant nationaliste-révolutionnaire décédé en 1994, alors qu’il était poursuivi par la police. Mattia B. y avait notamment croisé Ilann F. des Vandals Besak, interpellé comme lui samedi soir, ou des membres de la division Martel (DM).

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    Parmi les interpellés, il y a aussi Mattia B. Ici, il pose en faisant un salut de Kühnen, ersatz de salut nazi, sur les Champs-Élysées. / Crédits : DR

    À LIRE AUSSI : La division Martel, les bébés néonazis parisiens

    StreetPress a pu confirmer la présence de membres de la Division Martel, ce groupuscule néonazis d’Île-de-France, proche du Groupe Union Défense (Gud). Sur une vidéo partagée par le compte Twitter Tajmaât, tournée samedi soir dans le quartier de la Monnaie, deux jeunes hommes sont questionnés sur leur présence. L’un d’eux est Maxime L., jeune membre de la division Martel.

    Le ton est menaçant et le militant d’extrême droite n’en mène pas large. Les riverains se sont emparés de son téléphone et font défiler ses conversations. Sur la vidéo, on voit plusieurs de ses potes qui s’inquiètent de sa disparition. Derrière les pseudos Senty et Rex se cachent deux autres membres de la DM, présents ce soir-là à Romans-sur-Isère. Ils répercutent par message les ordres du bien nommé « Gros lardon ». Il s’agirait, selon des sources antifascistes, d’un surnom de Léo R. Un des leaders de la DM, originaire quant à lui de Rouen (76).

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