Face aux grilles du jardin du Luxembourg, son auvent rayé et sa façade bleue ne passent pas inaperçus. À quelques pas du Sénat, Le Mareyeur a pignon sur rue. Au menu : huîtres, planches de charcuterie et vins régionaux. Un bistrot parmi d’autres qui, comme ses voisins, accueille souvent des parlementaires de la haute assemblée. À la différence près que le lieu accueille également régulièrement des événements politiques ancrés à l’extrême droite, parfois la plus radicale.
Reconquête connection
Le 12 juillet dernier, une vingtaine de militants de Reconquête Paris, réunis pour le bureau politique de la section, prennent la pause devant le Mareyeur, en compagnie de Samuel Lafont. Ce n’est pas la première fois qu’un événement du parti d’Éric Zemmour s’organise dans le restaurant. En novembre 2022, ils étaient une trentaine de militants à venir écouter Charles Millon, ex-ministre de la Défense sous la première présidence Chirac qui fricote désormais avec l’extrême-droite, pour une conférence sur l’union des droites. D’autres réunions de la section parisienne s’y sont également tenues. Le chef lui-même s’y est rendu en juillet 2022, aux côtés du désormais seul sénateur du parti Stéphane Ravier – Sébastien Meurant, l’autre parlementaire de Reconquête, n’a pas été réélu aux récentes dernières élections.
Éric Zemmour en compagnie du sénateur Reconquête Stéphane Ravier et le gérant du Mareyeur Olivier Courtois dans le resto à huîtres. / Crédits : DR
Contacté, le Mareyeur concède faire de la privatisation pour des événements, comme des « vernissages, anniversaires, réunion d’amicale bouliste ». « La plupart du temps ce sont des gens du quartier, souvent des sénateurs, et nous mettons un point d’honneur à préserver leur intimité », déclare le gérant Olivier Courtois. StreetPress a d’ailleurs découvert que Reconquête n’a pas le monopole des événements politiques dans le bar à huîtres. D’autres groupes, ancrés à l’extrême droite radicale, ont pu s’y retrouver à plusieurs reprises ces dernières années, conscients de l’esprit du lieu.
Philippe Cuignache, directeur du Mareyeur, en compagnie de Charles Millon, ex-ministre de la Défense sous la première présidence Chirac qui fricote désormais avec l’extrême-droite, pour une conférence sur l’union des droites, en novembre 2022. / Crédits : DR
Suprémacistes et royalistes dissidents
Le 38 rue de Vaugirard est agité ce soir d’avril 2023. Certains fument dans la rue, d’autres échangent autour d’un verre de vin à l’intérieur. Les hommes et les (rares) femmes présentes au Mareyeur – privatisé pour l’occasion – sont réunis pour la soirée mensuelle de l’Équipe communautaire Paris (ECP). Un groupe, issu du mouvement des Braves dirigé par Daniel Conversano, qui revendique la supériorité de la race blanche et qui entretient des liens avec le reste du milieu militant francilien. Elle participait par exemple en avril dernier aux olympiades organisées par le Groupe Union Défense (Gud) dans un parc de Saint-Cloud.
Ce soir d’avril 2023, les hommes et les (rares) femmes présentes au Mareyeur – privatisé pour l’occasion – sont réunis pour la soirée mensuelle de l'Équipe communautaire Paris (ECP). / Crédits : DR
Et les suprémacistes de l’ECP ne sont pas les seuls à investir les lieux. Pour la seule période d’octobre 2021 à novembre 2022, une trentaine de conférences d’extrême droite se sont tenues entre les murs du Mareyeur. Les organisateurs ? Dextra, un mouvement créé en 2008 par des membres dissidents de l’Action Française, dont l’objectif est « d’être un laboratoire d’idées centré sur la formation politique ». Plusieurs figures de l’extrême-droite radicale sont ainsi venues au Mareyeur. On peut citer le co-fondateur de l’Institut Iliade Jean-Yves Le Gallou, venu parler « Grand Remplacement », Jean-Eudes Gannat, le leader des néofascistes angevins, l’ancienne porte-parole de Génération Identitaire Thaïs d’Escuffon ou encore Alice Cordier, la cheffe du groupuscule féminin identitaire Némésis.
L'Équipe communautaire Paris (ECP) est un groupe issu du mouvement des Braves dirigé par Daniel Conversano, qui revendique la supériorité de la race blanche et qui entretient des liens avec le reste du milieu militant francilien. / Crédits : DR
De son côté, le Mareyeur indique qu’il ne vérifie « évidemment pas l’identité des personnes qui réservent ou se rendent » dans le bar à huîtres. Le bistrot dit avoir « accepté toutes les demandes de privatisation d’où qu’elles viennent » et qu’elles « ont toujours été payées ». Néanmoins, le gérant dit ne pas connaître Daniel Conversano et n’avoir eu aucune réservation « au nom de l’Équipe communautaire Paris ». Il n’a pas répondu aux autres questions de StreetPress.
Les suprémacistes de l’ECP ne sont pas les seuls à investir les lieux. Pour la seule période d’octobre 2021 à novembre 2022, une trentaine de conférences d’extrême droite se sont tenues entre les murs du Mareyeur. / Crédits : DR
50 nuances d’extrême droite
Les liens du resto avec l’extrême droite s’affichent aussi au fil des documents administratifs du Mareyeur. Deux cadres parisiens de Reconquête dirigent et gèrent le lieu. Olivier Courtois, le directeur général du lieu depuis septembre 2021, est par ailleurs délégué adjoint de la fédération parisienne de Reconquête et élu au Conseil national du parti. Il est le bras droit de Philippe Cuignache, qui dirige le Mareyeur depuis novembre 2019. Ce chef d’entreprise est aussi le délégué départemental de Reconquête pour la capitale. C’est aussi un vieux routier de l’extrême droite radicale. Premier président du Gud à déclarer le groupuscule en préfecture dans les années 1970, il a aussi été délégué de la branche jeunesse du Parti des forces nouvelles, force politique d’inspiration néofasciste concurrente au FN, en 1979.
Le 12 juillet dernier, une vingtaine de militants de Reconquête Paris, réunis pour le bureau politique de la section, prennent la pause devant le Mareyeur, en compagnie de Samuel Lafont. / Crédits : DR
Et parmi les investisseurs initiaux, on retrouve notamment son fiston : Alexandre Cuignache. Cet avocat gravite depuis plus d’une dizaine d’années dans les cercles d’extrême droite. Ex-membre du secrétariat général de l’Action Française Étudiante, il préside le mouvement des jeunes souverainistes du Siel, avant de se présenter pour le même parti aux élections départementales de mars 2015 avec le soutien du Front National. En juin 2022, il se présente aux législatives sous la bannière de Reconquête.
À ses côtés est présent un certain Mehdi Houfani. Juriste en droit des affaires, il était le trésorier de l’association « Les butineurs de l’Anjou ». Auto-dissoute en juillet 2023, cette structure avait été révélée par le Réseau angevin antifasciste (Raaf) : présidée par Axel Levavasseur, dont StreetPress a récemment parlé. Cette association était domiciliée au 33, rue du Cornet à Angers (49), dans les locaux de l’Alvarium. Le même Medhi Houfani apparaît dans une vidéo de propagande du groupe angevin.
Au fil des pages, on tombe également sur Arno Guibert. Directeur général du Mareyeur durant sept mois en 2018, c’est un ancien membre de l’Alvarium plus connu sous le nom d’Arnaud Danjou. Figure du mouvement catholique Academia Christiana, pour qui il prenait la parole lors de la manifestation contre les islamistes, organisée en 2019 par Génération Identitaire, il a aussi été directeur général de La Nouvelle Librairie, située à quelques centaines de mètres du Mareyeur. Des CV chargés pour un simple bar à huîtres.
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