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    25/11/2022

    Un mystérieux « comité 732 » fan de Génération identitaire

    Le député Thomas Portes et deux ONG menacés de mort par l’extrême droite

    Par Maxime Macé , Pierre Plottu

    Le député insoumis Thomas Portes et deux ONG engagées aux côtés des exilés ont reçu des lettres de menaces. Les courriers sont signés par un mystérieux « comité 732 » qui, en 2018 déjà, avait menacé trois députés du groupe LREM.

    « Votre bonne et vraie place ? Six pieds sous terre. » C’est par cette phrase lapidaire que se termine la lettre reçue ce jeudi 24 novembre par le député LFI Thomas Portes. Le ou les auteurs déversent leur haine contre, en vrac, les musulmans, les LGBTQI+ ou les militants de gauche. La missive est signée par un mystérieux « comité 732 ». Selon nos informations, au moins deux ONG humanitaires ont reçu ces derniers jours des courriers similaires de ce même comité.

    La tonalité générale de ces courriers est imprégnée du même racisme et des mêmes références idéologiques. Contactées, ces ONG confirment nos informations, mais souhaitent rester anonymes par mesure de sécurité. Sans en dire trop pour ne pas trahir leur souhait de discrétion, on peut signaler qu’elles sont menacées à cause de leur engagement en faveur des personnes exilées. De quoi en faire « des traîtres (sic) à votre patrie » selon le ou les corbeaux. Qui conclu(en)t : « Et à ce titre, vous méritez la mort ».

    L’une des deux ONG a déposé plainte. L’autre annonce avoir l’intention de le faire très prochainement « pour menace de mort » nous dit son avocat, pour qui « il ne faut pas laisser passer ». Les pouvoirs publics prennent l’affaire « très au sérieux » ajoute le conseil :

    « Les autorités ont renforcé la sécurité autour de l’ONG. »

    « Je ne me laisserai pas intimider par l’extrême droite », affirme à StreetPress Thomas Portes, qui annonce qu’il va également déposer plainte. « On voit passer des propos un peu du même genre en ligne. Mais là, c’est adressé personnellement, on le reçoit physiquement et ça s’apparente à des menaces de mort… C’est toujours particulier », ajoute le député. « Ça prouve qu’il faut faire attention, que ces gens sont violents et qu’il faut les combattre même si, en retour, on s’expose ». Le ou les auteurs du courrier précisent noir sur blanc que c’est la demande du parlementaire, annoncée dans Libération et soutenue par une centaine de députés Nupes, de création d’une commission d’enquête parlementaire sur les groupuscules d’extrême droite qui a motivé les menaces.

    Il y a quatre ans déjà

    Des tentatives d’intimidation qui rappellent celles d’un groupe au nom quasiment identique : le « comité patriotique 732 ». En 2018, un ou plusieurs expéditeurs avaient envoyé des missives similaires aux députés du groupe LREM Matthieu Orphelin, Sonia Krimi et François-Michel Lambert. Motif ? Les trois élus s’étaient abstenus lors de la ratification de la loi Asile et Immigration, portée par le ministre de l’Intérieur de l’époque : Gérard Collomb. Les trois lettres, identiques étaient truffées de remarques racistes et de propos islamophobes. Les auteurs disaient « avoir à l’œil » les députés :

    « On connaît votre bobine. Alors comportez-vous en députés responsables. Sans cela… »

    Les lettres de 2018 et celles de 2022 que StreetPress a pu consulter comportent des éléments de mise en page et de graphie communes. À l’époque, les trois députés de la majorité avaient annoncé déposer plainte.

    Le parquet de Paris, contacté par StreetPress, n’a pas été en mesure de répondre à nos questions sur l’avancée de ces dossiers. L’ex-député François-Michel Lambert précise quant à lui que sa plainte a été « classée sans suite assez tôt et l’enquête close », en raison de « l’incapacité selon les enquêteurs de déterminer l’auteur de cette lettre ». Il se souvient également : « J’avais été attaqué en diffamation par Génération identitaire pour un tweet où je parlais de cette lettre et établissais un parallèle avec leur action du col de l’Échelle (dans les Alpes en 2018, NDLR). » Un procès pour « diffamation et injure publique » qu’il a remporté.

    Qui sont-ils ?

    En dehors de ces séries de courriers, le « comité 732 » n’a pas d’existence militante connue. Difficile donc, de savoir qui se cache derrière. Son nom fait référence à la bataille de Poitiers qui, en 732, opposa l’armée franque de Charles Martel à celle du califat omeyyade. L’affrontement, dont l’importance fait débat chez les historiens contemporains, est devenu un totem de l’extrême droite française. La mouvance en a fait un mythe de son pseudo « choc des civilisations » aux relents racistes. C’est ainsi que la première action de propagande de Génération identitaire s’est déroulée sur le toit d’une mosquée en construction à Poitiers en 2012.

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    Le courrier reçu par le député LFI Thomas Portes. / Crédits : DR

    Un groupe auquel le ou les auteurs des menaces reçues par Thomas Portes tressent des lauriers (jugeant à contrario Marine Le Pen « nulle »). Dans un passage dénonçant une France « envahie par des hordes de migrants venus du tiers-monde », la lettre rend hommage aux « courageux jeunes gens » du groupuscule Génération identitaire, dissous pour son racisme et sa violence. Le message général du courrier est particulièrement imprégné de la propagande identitaire, et notamment la théorie conspirationniste du grand remplacement. Il fustige les « racailles maghrébines », mais aussi les mouvements de gauche « antifas », les « black blocS », les « gauches de merde écolo/socialo/coco/LFI et autres LGBT, wokistes et compagnie […] une grande bande de cons et de connasses à vomir ». Ambiance…

    À LIRE AUSSI : Argos France, les héritiers de Génération identitaire

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