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    29/10/2021

    « On en avait marre de voir des insultes d’extrême droite sur le portrait de Steve »

    À Nantes, la fresque pour Steve, mort de la police, est remplacée

    Par Zaid Zouihri

    À Nantes, une nouvelle fresque a remplacé l'œuvre représentant Steve Maia Caniço, mort dans la Loire après une charge de police en 2019. Une initiative soutenue par la famille face aux tags d’extrême droite qui n’a pas mis tout le monde d’accord.

    Le 24 septembre, le mur de la Maison du Port a été recouvert de noir. Ce lieu situé sur l’île de Nantes est un incontournable de la vie nocturne locale. Il accueille notamment chaque année les jeunes fêtards de la ville pour la fête de la musique. Avant ce jour, le mur affichait la fresque réalisée par deux graffeurs du collectif Nantes Révoltée, en hommage à Steve Maia Caniço. Le jeune nantais était mort noyé le 21 juin 2019 suite à une charge policière au quai Wilson, à deux pas du bâtiment.

    Une œuvre militante « représentant des scènes de répression », et se voulant « contre les violences policières », relate à StreetPress le collectif par écrit. Avec, au milieu du graff, un portrait de Steve.
    Entre la fresque et le drame, l’espace est devenu un lieu chargé de symboles. Quand ils ont vu le grand filtre noir à la place du visage du vingtenaire sur la façade de six mètres de haut, les passants se sont interrogés. Notamment Nantes Révoltée : « Nos lecteurs croyaient qu’il s’agissait d’une nouvelle dégradation de l’extrême droite. » Il faut dire que, depuis que la fresque a été réalisée moins d’un mois après la disparition de Steve, le mur a régulièrement été vandalisé par des tags injurieux et racistes.

    Mais quelques jours plus tard, l’association de street art Plus de couleurs, installée dans les locaux depuis 2020, explique dans un communiqué : « On l’a repeint en noir pour préparer une transition vers une nouvelle œuvre. »

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    L'ancienne fresque réalisée par deux graffeurs du collectif Nantes Révoltée en hommage à Steve Maia Caniço. (1) / Crédits : Erwan Corre via Wikimedia Commons

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    La fresque a été repeinte en noir afin de réaliser une nouvelle œuvre. / Crédits : Plus de couleurs

    Un nouveau portrait

    C’est le 4 octobre que les Nantais ont pu voir sur la façade du bâtiment le portrait de James Baldwin, un auteur américain, réalisé par l’artiste La Fleuj. Pourquoi représenter Baldwin ? « Il était un artiste noir et homosexuel qui a écrit sur les violences policières, milité pour les droits civiques et était un poète subversif », avance l’auteur de la fresque.

    Une référence « subtile », assumée par l’artiste qui « prend sens » avec le passé colonial de la ville de Nantes et les conditions de la mort du jeune nantais. « Steve est décédé lors d’un événement musical où la police est venue pour le charger. J’ai voulu reprendre cette idée de la musique arrêtée et stoppée par l’autorité en traitant de la poésie subversive », développe La Fleuj.

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    Depuis le 4 octobre, la façade du bâtiment est recouverte du portrait de James Baldwin, un auteur américain, réalisé par l’artiste La Fleuj. / Crédits : Plus de couleurs

    Un hommage aseptisé ?

    Un portrait de Steve, dessiné en toute sobriété, a trouvé place sur un autre mur du bâtiment, car pour l’asso Plus de couleurs, il était hors de question de se séparer de la mémoire de Steve. Un hommage suffisant ? Pas pour le collectif Nantes Révoltée qui critique « cette peinture moins visible » :

    « Elle ne précise ni la date, ni les circonstances, ni les responsables du décès. Un “hommage” lisse, à minima, incompréhensible pour des gens qui ignoreraient l’affaire. »

    D’autant plus que les messages « Que fait la justice ? » et « Où est Steve ? », présents sur l’ancienne fresque et qui faisaient référence aux 38 jours qui ont suivi la disparition du défunt n’ont pas été ajoutés. Pour Guilhem, membre de l’association Media’son qui a coordonné une plainte collective dans l’affaire Steve, ce sont aussi les 14 personnes qui se sont retrouvées dans la Loire suite à la charge de la police ainsi que les autres touchés par ce drame qui se voient « retirer leur lieu de mémoire. » Il conclut : « c’est lisser complètement l’événement et faire comme si c’était normal ».

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    Un nouveau portrait de Steve, dessiné en toute sobriété, a trouvé place sur un autre mur du bâtiment. / Crédits : Plus de couleurs

    Pourquoi avoir changé la fresque ?

    Même si So’ membre du collectif Ju’Steve, un groupe d’amis du vingtenaire, soutient le projet de changement, elle insiste :

    « Steve fait partie des injustices des violences policières. C’est la police qui a causé sa mort. On ne souhaite pas retirer Steve de cet héritage. »

    Pour autant, les dégradations de l’ancienne fresque « presque tous les mois » selon So’, ont provoqué un ras-le-bol chez les proches. « Voir la famille désespérée et le portrait d’un ami saccagé comme ça à chaque fois que la fresque était taguée, c’était horrible », raconte-t-elle.
    C’est cet épuisement qui aura conduit après un an de concertations, l’asso Plus de couleurs, Ju’Steve et la famille à accepter de changer la fresque.

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    L'ancienne fresque était régulièrement dégradée, notamment par des tags d'extrême droite. / Crédits : Collectif Ju'Steve

    « C’est donner raison à l’extrême droite »

    Malgré les raisons avancées, la nouvelle fresque ne fait pas l’unanimité à Nantes. Ce changement a fait « scandale » dans le milieu militant et techno nantais selon Guilhem. « On trouve ça un peu dommage de s’approprier la mémoire de Steve en disant qu’on en a marre que l’extrême droite fasse des tags dessus », enchaîne Guilhem. Une action vue comme un aveu de faiblesse même pour le collectif Nantes Révoltée :

    « C’est donner raison à l’extrême droite. Les individus qui ont dégradé ce mur le faisaient parce qu’ils voulaient voir cette peinture disparaître. D’une certaine manière, désormais, ils ont gagné. »

    À qui profite le tag ?

    Pour le collectif Nantes Révoltée, c’est « une dénonciation visible des violences policières à l’endroit où elles ont eu lieu, qui disparaît. À notre avis, cela doit beaucoup arranger les autorités. » La mairie aurait-elle demandé à retirer la fresque initiale ? L’association Plus de couleurs ne cache pas qu’elle est subventionnée par la ville. Pour autant, Sarah insiste : « Nous n’avons pas été subventionnés pour cette façade. On ne nous impose jamais des artistes, si c’était le cas on n’accepterait pas. La mairie n’était pas au courant de ce projet. »

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    À Nantes, une nouvelle fresque a remplacé l'œuvre représentant Steve Maia Caniço, mort dans la Loire après une charge de police en 2019. / Crédits : StreetPress

    (1) La fresque en hommage à Steve Maia Caniço sur le quai Wilson à Nantes par Erwan Corre le 30 août 2019 via Wikimedia Commons. Certains droits réservés.

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