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    07/10/2021

    À leur majorité, des jeunes de l’Aide sociale à l’enfance se retrouvent à la rue

    « J’ai dû vendre ma console pour qu’on dorme deux nuits à l’hôtel »

    Par Clara Monnoyeur

    Quand les enfants accompagnés par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) atteignent leur majorité, ils perdent brutalement leur prise en charge. Dans le Val-d’Oise, une association composée d’anciens de l’ASE accompagne ces jeunes pour leur éviter la rue.

    Le jour de ses 18 ans, Maky est mise à la porte : « J’étais en panique totale. C’était deux mois avant mes examens », explique la jeune femme de 23 ans, aux grandes boucles d’oreilles dorées. Depuis presque trois ans, Maky était accompagnée par l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Elle était suivie par un éducateur et avait un logement au sein d’un foyer de jeunes travailleurs. Du jour au lendemain, tout s’est arrêté. Elle poursuit en colère :

    « C’est comme s’ils me laissaient au bord de la route. »

    L’impression de se retrouver seule, encore une fois. À 15 ans et demi, Maky a dû quitter son pays, la Guinée. « Mes deux parents sont décédés. J’ai grandi avec la deuxième femme de mon père, mais c’était une relation compliquée. À 14 ans, ils voulaient me donner en mariage à mon frère, mais comme j’ai refusé il y a pas mal de choses qui sont retombées sur moi. Je ne pouvais pas aller à l’école… » Maky entend alors parler d’un « monsieur » qui pourrait l’aider à quitter son pays, contre de l’argent. « J’ai travaillé, et quand je lui ai donné l’argent, il m’a donné rendez-vous à l’aéroport, m’a donné un passeport, et arrivés en France on s’est séparés. » Elle passe un mois dehors, seule avant d’être repérée par une association. Elle est reconnue mineure isolée et prise en charge par la protection de l’enfance, comme plus de 300.000 mineurs en France. Chaque année, plusieurs milliers d’entre eux, comme Maky, atteignent leur majorité et perdent leur prise en charge. Certains se retrouvent alors brutalement sans revenu ni logement.

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    Depuis un an Maky est accompagnée par l'association Repairs 95. / Crédits : Clara Monnoyeur

    Maky, elle, a eu peur de retourner à la rue :

    « J’étais perdue, je ne savais pas où donner de la tête. J’avais les examens, mon travail en alternance, et je devais en plus chercher un logement et un travail. »

    Sa demande de « contrat jeune majeur » – qui permet aux jeunes de l’ASE de prolonger les aides jusqu’à leurs 21 ans – lui est refusée. Elle trouve finalement refuge chez une amie. Après cinq ans de « galères », elle trouve « enfin du soutien » auprès de l’association Repairs 95. Depuis un an, c’est elle qui l’accompagne pour toutes ses démarches. Quand elle est sortie, Maky n’avait ni carte d’identité, ni sécurité sociale :

    « J’étais grave en colère. On avait un contrat. Je devais trouver une école et une alternance et eux s’occuper de l’administratif. J’ai tout fait bien, mais eux n’ont pas tenu leur promesse. C’est ça qui fait mal… »

    À Repairs, Maky est entourée de bénévoles qui sont eux aussi d’anciens enfants placés. Aurore, qui accompagne les jeunes comme Maky, a connu l’ASE de ses deux ans à ses 21 ans. « Du jour au lendemain, je me suis retrouvée sans sécurité sociale car je n’avais pas mis à jour mes droits, je ne savais pas. Quand je suis sortie, j’aurais bien aimé trouver quelqu’un qui comprenne vraiment » explique la jeune femme de 35 ans. « On leur demande d’être autonomes à 18 ans, mais qui l’est ? Déjà, pour n’importe qui c’est compliqué mais là, en plus, on n’est pas sur des parcours anodins… », complète Martial, un autre bénévole, avant de montrer de la main un espace qu’il aimerait aménager en coin cuisine pour apprendre aux jeunes à faire à manger.

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    Aurore, bénévole à l'association est elle aussi une ancienne enfant placée. / Crédits : Clara Monnoyeur

    Des jeunes à la rue

    Diodio Metro est la présidente de l’association. Elle passe son temps à courir dans les bureaux. Son téléphone sonne : « Il faut que je prenne, c’est un jeune qui va avoir 18 ans, il est en terminale, il a 17 de moyenne et il va être à la rue dans deux jours. » Elle suit plus de 200 jeunes. Ce soir, Birahima – qu’elle accompagne depuis un an et demi – lui montre fièrement sur son téléphone les yeux qui brillent, les photos des pâtisseries qu’il a réalisées dans le cadre de son apprentissage : « Quand je l’ai rencontré, il devait être à la rue dans trois jours et maintenant il travaille comme boulanger et à son appartement ! » commente d’un ton enjoué Diodio. « Quand j’ai eu 18 ans, mon éducateur m’a mis en contact avec l’asso, ça a été difficile au début, avec les papiers pour la Caf… Et maintenant, quand il faut aider, je suis là », raconte Birahima, casquette sur la tête. Il attend de passer le permis pour être totalement indépendant.

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    Durant le repas organisé par l'association Repairs, jeunes et bénévoles échangent sur leur situation et leurs galères. / Crédits : Clara Monnoyeur

    Ce mercredi 29 septembre l’association organise dans ses locaux : « Les pieds dans le plat », un repas entre bénévoles et jeunes majeurs pour partager ses difficultés et conseils. Une fois installés, les jeunes échangent timidement sur leur situation et leurs galères. Un premier explique qu’il vit à l’hôtel, dans une chambre qui ressemble « à une cellule de prison ». À l’autre bout de la table, un autre lui rétorque : « Toi, t’es en hôtel mais moi je suis à la rue. » Depuis une semaine, Mathéo, 19 ans, et son meilleur ami Théophile, 18 ans, dorment dehors. « J’ai dû vendre ma console pour qu’on dorme deux nuits à l’hôtel », confie Théophile, avant que son acolyte le coupe : « Allez, on se remet sur le numéro fétiche. » Tout au long de la soirée ils tentent de joindre le 115, dans l’espoir de trouver un hébergement d’urgence. Tous les autres jeunes et bénévoles présents ce soir-là tentent à leur tour de joindre le service, sans succès. En France, une personne sans abri sur quatre est issue de l’ASE. « Comment veux-tu que les jeunes s’en sortent si on te donne un numéro d’urgence qui ne répond pas ? » souffle Mathéo, le téléphone à la main et les bips en fond sonore. L’association finit par leur prendre une chambre d’hôtel pour passer la nuit.

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    Lors du repas, Aurore et Théophile tentent de joindre le 115, dans l’espoir de trouver un hébergement d’urgence pour la nuit. / Crédits : Clara Monnoyeur

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