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    13/03/2020

    « Il faut entrer dans les lieux de pouvoir pour peser dans le débat »

    Mara Kante voudrait prendre la parole pour les quartiers à la mairie de Sarcelles

    Par Inès Belgacem

    Détenu à tort après les émeutes de 2007, militant local, Mara Kante est une figure des quartiers de Sarcelles. Il voudrait entrer à la mairie « pour peser dans le débat ». Quitte à s'associer avec l’indéboulonnable et controversé François Pupponi.

    « On est la jeunesse, on est le futur. » Alors quand Mara Kante, 32 ans, militant des quartiers de Sarcelles, a décidé de se lancer dans la course aux municipales avec son équipe, les candidats locaux ont accouru. « Ils nous ont tous appelés », assure le bonhomme, sûr de lui, en col roulé et trench beige. Lui défend les intérêts des délaissés, ceux touchés par les violences policières et les injustices sociales, ainsi que contre le mal-logement. Il a une petite réputation dans le coin, avec ses actions associatives et ses maraudes, mais aussi depuis 2007 et les émeutes de Villiers-le-Bel. À l’époque, il passe 29 mois en prison, accusé à tort de tentative d’homicide volontaire sur un policier :

    « Je crois en moi, en mes idées, en mon vécu. Personne n’a vécu ce que j’ai vécu. »

    Mara Kante a fini par choisir la liste du député divers gauche François Pupponi, 57 ans, obnubilé par la « montée de l’islam politique » et maire de Sarcelles pendant 20 ans. Jusqu’en 2017, quand ce dernier a été détrôné par Patrick Haddad, étiqueté PS.

    Entrer en politique

    Dans un kebab du centre, une assiette devant lui, Mara Kante revient sur ses galères pour monter sa liste. Problème de parrainage, aucune connaissance en politique locale, arrive rapidement le classique : « Tu n’as pas les épaules ». Il est d’accord. 2020 ne sera pas l’année où il se présentera comme tête de liste. Ce qui n’enlève rien à sa motivation. Ses amis le décrivent comme un leader. Avec son association le Grand Défis, fondé il y a quatre ans, il arrive, avec son bon copain Malik Diallo, à motiver des dizaines de jeunes pour des distributions de vêtements, de produits d’hygiène ou de nourriture, pour des migrants et des sans abris.

    « Mais pour aller plus loin, il faut entrer dans les lieux de pouvoir. Pour peser dans le débat », assure-t-il. Très éloigné du milieu politique, méfiant, il évite de le fréquenter. Les partis, les étiquettes, les élus locaux, il ne les connaît pas. Jusqu’à sa première réunion publique. « Il n’y avait personne pour nous représenter, nous les quartiers populaires. » Et pourquoi pas lui ? « Malik m’a toujours dit “un jour tu pourrais être maire de Sarcelles”. »

    C’est la mort d’Ibrahima Ba, 22 ans, en octobre 2019 à Villiers-le-Bel, qui finit de le convaincre. Le jeune homme a violemment percuté un poteau en moto, lors d’une intervention de police. Une caméra de surveillance municipale a tout filmé et pourrait faire la lumière sur l’implication de la police dans l’accident. « On a toujours pas vu le film. Si ça avait été un agent qui avait eu l’accident, ça n’aurait pas été la même musique ! »

    Entendons-nous

    À l’époque, un rassemblement est organisé en hommage à Ibrahima. Des membres de la famille, des militants locaux, des proches de victimes de violences policières, se passent le micro devant une foule submergée par la colère et la tristesse. Jusqu’à Mara Kante, touché comme tout le monde :

    « C’est toujours les nôtres qui meurent ! C’est toujours les nôtres qui sont enfermés. La mort, l’emprisonnement, ça n’est pas anodin. Ça ruine des vies. »

    Un écho à sa propre histoire et à ses 29 mois de prison provisoire. En 2007, des émeutiers tirent à balle réelle sur les forces de l’ordre. Les incidents interviennent après la mort de deux adolescents, Moushin Sehhouli et Larami Samoura, en moto dans une collision avec une voiture de police. 33 personnes passent en tribunal correctionnel, cinq en cour d’assises, dont Mara Kante. Il est acquitté après ces 29 mois. De cette période, il en a fait un livre : Préjugé(s) coupable(s): Villiers-le-Bel, une vie après les émeutes.

    « J’ai pu être remonté à bloc. Parfois je suis dans l’émotion, comme au rassemblement pour Ibra. Mais je ne suis pas vindicatif. Même en détention je ne l’étais pas. Ça n’est pas mon état d’esprit. » Le petit nouveau en politique préfère le calme et les compromis. Sur Instagram, il partage des messages inspirationnels, comme « Ne jamais rien lâcher » ou « Détermination, discipline, travail », en mettant en scène ses séances de sport. Il ne se dit pas radical. Alors quand on lui a proposé de rejoindre des listes, il s’est encore une fois dit : « Pourquoi pas ? ». Encore une fois, il ne connaît aucun des candidats. Avec son équipe du Grand Défis, il en a parlé. Ensemble, ils ont choisi François Pupponi. « Parce qu’il est venu en premier et parce qu’il pèse dans le game », justifie-t-il.

    Les Sarcellois connaissent pourtant les casseroles du député Divers Gauche, notamment ses sorties de route sur l’Islam. Dernièrement, il sortait son nouveau livre, Les émirats de la République, comment les islamistes prennent possession de la banlieue, aux éditions Le Cerf. « Mais on peut dire ce qu’on veut, on le voit tout le temps à Sarcelles ! », assure Mara Kante. Il sait que Pupponi ne défendra pas, notamment, les victimes de violences policières. Mais qu’importe : il voudrait une porte d’entrée pour peser dans les négociations. « On veut agir, on veut être sur le terrain. »

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