« Il m’est arrivé d’aller boire une bière au local de Génération identitaire à Lille, mais comme je le fais dans d’autres bars politiques, même un bar écologiste ! » Au téléphone, Rémi Meurin, membre du Rassemblement National, voit son passé au sein de Génération identitaire le rattraper. Tête de liste du parti de Marine le Pen pour les municipales à Tourcoing, face au ministre Gérald Darmanin – une ville où le RN a fait 26,27% lors des dernières élections européennes –, il répète n’avoir jamais été membre de ce groupe identitaire violent et raciste. Pourtant, plusieurs éléments récoltés par StreetPress montrent que son rôle au sein du mouvement était beaucoup plus important qu’un simple copain de comptoir.
Un habitué de la Citadelle à Lille
À Lille, le bastion de Génération Identitaire (GI) était le bar « la Citadelle ». Rémi Meurin en est un habitué, comme l’a montré le documentaire « Generation Hate », sorti en décembre 2018 par Al Jazeera Investigation (antenne anglaise de la chaîne qatarie). Pendant six mois, leur journaliste a infiltré le groupe muni d’une caméra cachée. Ses images sont accablantes : violence verbale, saluts nazis et agressions physiques… Le film met aussi en lumière ses liens du mouvement avec le Rassemblement national. Rémi Meurin y est présenté comme étudiant à Sciences Politiques et collaborateur de Philippe Eymery, chef du groupe RN au Conseil régional des Hauts-de-France.
Rémi Meurin apparaît plusieurs fois dans le documentaire d'Al Jazeera. À gauche, il est aux côtés de Philippe Eymery et de Pierre Larti, ancien porte-parole de Génération identitaire. / Crédits : Captures d'écran du documentaire Generation Hate
Pendant le documentaire, le journaliste sous couverture – qui fait mine de vouloir trouver un job au sein du parti d’extrême-droite – échange avec Meurin. Ce dernier affirme que c’est Aurélien Verhassel lui-même, patron des identitaires dans le Nord et proche de certains cadres du RN dans la région, qui l’a « complètement » placé au Conseil régional. « Il a un bon réseau », lance Meurin au journaliste en parlant de Verhassel.
À l’évocation de ces scènes, Rémi Meurin souffle : « Franchement si c’est ça votre source, ce n’est pas sérieux. Al-Jazeera est une chaîne islamique et ce documentaire n’a aucune crédibilité. » Il poursuit : « Je reviens d’un VIA [un volontariat international, ndlr] d’un an et demi en Roumanie où j’étais prof de français. Je n’ai pas eu de contacts avec ces gens-là depuis que je suis revenu. Ni même avant ».
Le bar associatif La Citadelle, ouvert par Aurélien Verhassel en septembre 2016, sert de base d’opération et de lieux de convivialité pour tout le gratin d’extrême droite lillois. Depuis la diffusion du documentaire, le rade et certains de ses membres sont dans le viseur de la justice pour des histoires de violences xénophobes. Martine Aubry, la maire de Lille, souhaitait à l’époque voir le bar fermer, sans effet pour le moment.
Actif sur un groupe Telegram identitaire
Pour gérer ce bar, un groupe sur l’appli de messagerie privée Telegram a été créé. Il comptait une petite quarantaine de membres très proches. D’après les informations obtenues par StreetPress, Rémi Meurin était bien membre de ce groupe, sur une période qui s’étale, au moins, de novembre 2017 à avril 2018. Lui nie en bloc : « C’est peut-être arrivé qu’on m’ajoute à ce groupe, mais je n’ai jamais participé aux discussions ». Le candidat d’extrême-droite a pourtant été un membre actif. À plusieurs occasions, il répond présent sur le groupe pour régler quelques soucis d’organisation : vérifier la quantité de bières pour une soirée, ou organiser une équipe de membres pour un grand nettoyage du QG.
Et quand un membre demande à publier quelque chose sur Twitter, Rémi Meurin est désigné comme le Community Manager du groupe par Aurélien Verhassel :
« Rémi gère le Twitter. »
Sur Telegram, Rémi Meurin est désigné comme le Community Manager du groupe par Aurélien Verhassel. / Crédits : Capture d'écran de Telegram
D’autres participations à des actions identitaires
D’autres informations viennent confirmer la place centrale du candidat RN à Tourcoing au sein du mouvement identitaire. En 2017, la chaîne anglaise Channel 4 vient tourner un reportage au coeur de la Citadelle. Tout fier, Aurélien Verhassel l’annonce sur son compte Twitter, « Channel 4 était cette semaine en tournage à la Citadelle lors de notre réunion de travail hebdomadaire. #thinktank ». Rémi Meurin est reconnaissable sur la photo.
Sur Twitter, Aurélien Verhassel avait vanté le tournage de Channel 4 lors d'une « réunion de travail hebdomadaire » de Génération identitaire. Rémi Meurin y était présent. / Crédits : Captures d'écran
Lorsque Robin D’Angelo et Yann Castanier, journalistes indépendants (qui collaborent régulièrement à StreetPress) enquêtent sur le mouvement identitaire en 2017, ils photographient plusieurs fois Rémi Meurin, malgré ses efforts pour éviter l’objectif. Peine perdue, il est reconnaissable sur quelques clichés. Notamment lorsque le groupe identitaire organise en sous-main une course de soutien à Lucie – jeune fille agressée sexuellement par des membres de la communauté Roms – le 26 février 2017. Les membres de Génération identitaire se chargent d’assurer la sécurité autour du parcours, tous vêtus d’un gilet orange, comme le révèle à l’époque Libération. Là encore, Rémi Meurin y est photographié.
Le Génération identitaire nordiste a organisé en sous-main une course de soutien à une fille agressée en février 2017. Des membres du groupuscule d'extrême-droite ont assuré la sécurité autour du parcours, dont Rémi Meurin (à droite, les bras croisé). / Crédits : Yann Castanier
Avant d’être à Lille, Rémi Meurin a même commencé à militer en 2015 au sein de Génération identitaire à Amiens. Le site antifasciste La Horde l’a notamment reconnu lors d’un tractage devant la gare picarde. L’info a été reprise par le média local Médiacités dans un récent article sur le candidat RN de Tourcoing.
Rémi Meurin a commencé à militer en 2015 au sein de Génération identitaire à Amiens. / Crédits : Capture d'écran du site La Horde
Un « problème » pour sa candidature ?
Les journalistes de Médiacités l’ont également retrouvé dans une vidéo d’une web-télé autrichienne, lors d’un meeting regroupant plusieurs mouvements identitaires européens à Vienne en 2015. Cité dans l’article, Sébastien Chenu, député RN du Nord et porte-parole du parti, assure « croire de bonne foi » le jeune candidat quant à sa non-appartenance (1) au groupuscule. « Il a affirmé devant la commission [d’investiture] qu’il n’avait aucun lien avec Génération Identitaire. C’est grotesque ! »
Encarté depuis 2015 au sein du RN, le candidat de 25 ans vient « d’une vieille famille du Nord ». Bien implanté à Tourcoing, il mène une liste élargie à différents mouvements de la droite. On y trouve le parti chrétien démocrate de Jean-Frédéric Poisson ou des membres anciennement Les Républicains et des partisans de Debout la France. Face à Gérald Darmanin, le ministre en charge du Budget. Le candidat axe sa campagne contre son adversaire gouvernemental, mais aussi sur l’insécurité. Et il veut « redonner à Tourcoing ses lettres de noblesses ».
Rémi Meurin mène une liste élargie à différents mouvements de la droite. On y trouve le parti chrétien démocrate ou des membres anciennement Les Républicains et des partisans de Debout la France. / Crédits : Capture d'écran de Facebook.
Du point de vue de Rémi Meurin, cette histoire avec Génération identitaire n’intéresserait d’ailleurs « pas les Tourquennois et ça fait le jeu du ministre Darmanin ». Mais l’affaire pourrait faire des remous du côté du RN. Selon Bruno Bilde, député et conseiller spécial de Marine Le Pen, également cité par Médiacités, le fait que Rémi Meurin n’ai pas mentionné sa proximité avec le groupe Génération Identitaire pourrait « poser un problème ».
Des liens entre RN et identitaires déjà bien ancrés
Depuis son arrivée à la tête du parti en 2011, Marine Le Pen tente à tout prix de dédiaboliser son image, assurant que le RN n’entretient aucun liens avec des groupuscules violents et racistes, à l’image de Génération identitaire ou du Bastion Social. Pourtant ses frontières sont bien poreuses. À l’image de cette soirée, filmée par le journaliste d’Al-Jazeera, le 10 mars 2018, en clôture du grand congrès du parti frontiste à Lille et qui avait officialisé son changement de nom. Plusieurs cadres étaient alors venus faire la fête à la Citadelle, comme Christelle Lechevallier, ancienne députée européenne, ou Eric Dillies, à l’époque boss du parti à Lille (il a depuis rejoint Dupont-Aignan).
D’autres connexions se sont faites directement entre les identitaires et le RN. Damien Rieu, un des fondateurs du mouvement, a été l’assistant parlementaire de Gilbert Collard à l’Assemblée nationale. Quant à Philippe Vardon, co-créateur du Bloc Identitaire (ancêtre de GI), il a participé à la campagne présidentielle de Marine le Pen en 2012. Il est aujourd’hui en lice pour conquérir la mairie de Nice. On peut désormais rajouter Rémi Meurin à la liste.
(1) Contacté, Sébastien Chenu n’a pas répondu à nos sollicitations.
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