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    18/12/2019

    Menaces de mort, insultes et commentaires racistes

    « Le grand remplacement », le morceau du rappeur Younès qui rend fou la fachosphère mondiale

    Par Mathieu Molard

    Le 4 décembre, le rappeur Younès mettait en ligne son morceau « Le grand remplacement ». Une réponse ironique à la théorie raciste du même nom qui excite la fachosphère jusqu’aux États-Unis et lui vaut des milliers d’insultes et de menaces de mort.

    La mise en scène est soignée. À cheval, les épaules couvertes d’une cape, Younès rap ses couplets :

    « Le grand remplacement, c’est ta fille qui me kiffe. Qui va me faire des enfants et ils auront mon pif. »

    Plusieurs de ses potes, en costumes d’époque, l’entourent. L’un d’eux porte une grande ombrelle ronde. Pour qui connaît la peinture du XVIIe siècle, l’inspiration du clip est évidente : Le Chancelier Seguier, un tableau de Charles Lebrun exposé au musée du Louvre. Une manière, pour l’artiste d’appuyer le message porté par son morceau. « Je pointe avec ironie l’absurdité de la théorie du grand remplacement », détaille l’artiste.

    Popularisée par l’écrivain d’extrême droite Renaud Camus, cette théorie raciste défend l’existence d’un processus délibéré de substitution d’une population française dite « de souche » par une population non-européenne et majoritairement musulmane. « L’idée d’écrire un texte dessus m’est venue en regardant une énième vidéo d’Eric Zemmour qui parlait de ça », rembobine Younès. « J’ai pris conscience que c’était une insulte à mon égard. Et j’ai décidé de la tourner en ridicule avec autodérision et sarcasme. »

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    La fachosphère se lâche

    Sauf que les internautes d’extrême droite ne relèvent pas l’ironie. Ils y voient un aveu, voire même une revendication du projet secret. « Merci Youyou, tu nous donnes raison. Je fav’ ton bruit pour le faire écouter aux gauchiasses quand ils me répondront “complotisme” au sujet du grand remplacement », commente l’un d’eux. Au total en une semaine, plus de 3.000 messages sont postés sous le clip sur YouTube. La plupart sont haineux et tombent sous le coup de la loi. Certains sont de véritables appels au meurtre. De nombreux internautes promettent ainsi au rappeur Younes, « la valise ou le cercueil », reprenant le slogan du Parti du peuple algérien (mis en avant par l’Organisation de l’armée secrète (OAS), un groupe d’extrême droite putschiste qui s’était fixé pour objectif de conserver l’Algérie française, pour justifier ses exactions 2). Autre classique : « C’est les juifs » (sans qu’on ne sache pourquoi), liké 56 fois.

    https://backend.streetpress.com/sites/default/files/younes1_1.jpg

    Sur YouTube, c'est la foire aux insultes et demande de rémigration, et se cache une référence à un certain Adolf H. / Crédits : Capture d'écran de YouTube

    Si Younès, rappeur à la notoriété encore modeste, subit un tel trollage, c’est que le morceau a enflammé la fachosphère : des brèves sur fdesouche# ou sur les blogs La grande croisade et Adoxa, mais aussi un tweet de Renaud Camus himself. Ça c’est pour la France. Mais le morceau de Younès a dépassé les frontières.

    Le 8 décembre, soit quatre jours après la mise en ligne du clip, le site américain Breitbart consacre un article au morceau (1). Un temps dirigé par Steve Bannon (ex-conseiller stratégique de Trump), Breitbart est sans doute le média d’extrême droite le plus influent au monde. Dans la foulée, Martin Sellner, cofondateur du Mouvement identitaire d’Autriche, tweete un extrait des paroles traduites en allemand. Des comptes de soutiens au Premier ministre nationaliste hongrois, Viktor Orban, partagent le morceau. Le torrent d’insultes est planétaire.

    Ça va trop loin

    Si Younès reconnaît qu’il avait en partie anticipé la réaction, il ne s’attendait pas à ce qu’elle prenne une telle ampleur. « Les menaces de mort en MP, ça m’a fait quelque chose », témoigne le rappeur :

    « Deux jours après la sortie du clip, je marchais dans la rue et j’entends un bruit derrière moi. Je me suis surpris à avoir peur un quart de seconde, alors qu’en fait ce n’était qu’un mec qui courait. »

    Depuis, Younès s’interdit de lire les messages « pour éviter que ça n’entre dans [son] cerveau ». Il n’a cependant pas prévu de déposer plainte pour les menaces, se contentant d’une mise au point en commentaire sous le clip :

    « Pas pour les fachos. Eux, de toute façon, ils ne changeront pas d’avis. Mais j’ai vu qu’une partie de mon public ne comprenait pas vraiment la référence [à la théorie du grand remplacement] et pouvait mal interpréter le morceau. »

    Après avoir fait les premières parties des concerts de son pote Rilès, Younes prépare son projet. Sortie prévue « vers mars, autour de mon concert à Paris », le 9 mars à La Boule Noire.

    . Contacté par StreetPress, l’auteur de l’article, Chris Tomlinson, nous a bloqué. Nous en déduisons qu’il ne souhaite pas répondre à nos questions.

    . Edit le 19/12.

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