En ce moment

    16/03/2018

    Le commissariat de la ville aurait refusé de prendre une plainte

    Burn out et malaises en série à la mairie de Bobigny

    Par Mathieu Molard , Tomas Statius

    En 48 heures, les secours sont intervenus à trois reprises dans les locaux de la mairie de Bobigny pour des malaises d'employés municipaux. Le commissariat de la ville aurait refusé de prendre une plainte pour harcèlement.

    Documents dans son escarcelle, Malika se présente à l’accueil du commissariat de Bobigny. Deux autres salariés de la commune l’accompagnent. Ce jeudi 15 mars, les trois employés ont décidé de porter plainte contre des membre de leur hiérarchie qu’ils accusent de harcèlement. Il faut dire que les dernières 48 heures ont été rudes. Selon des informations de StreetPress, les pompiers sont intervenus à trois reprises dans les locaux de la mairie de Bobigny, pour des malaises de salariés en plein burn out.

    Le fonctionnaire qui les reçoit sait le sujet sensible. « Il est parti demander à sa hiérarchie s’il pouvait prendre la plainte », assure Malika. L’échange ne dure que quelques minutes. À son retour, la sentence tombe. « Il a refusé. Il nous a conseillé de porter plainte directement auprès du procureur ou dans une autre ville », affirme-t-elle. Tétanisés, ses deux collègues ne mouftent pas. L’un d’eux nous confirme le refus des policiers. « J’ai compris que c’était peine perdue. Qu’il fallait qu’on aille ailleurs », complète Malika. Les trois employés battent en retraite. Contacté par StreetPress, le commissariat de Bobigny reconnaît leur venue, mais se refuse à tout commentaire.

    Sauve qui peut

    De lourds nuages planent sur la mairie de Bobigny. Le 21 novembre dernier, la chambre régionale des comptes (CRC) d’Ile-de-France transmettait au maire UDI de la commune, Stéphane De Paoli, un rapport provisoire portant sur la gestion de la ville. Le document au vitriol, dont StreetPress dévoilait le contenu ce jeudi, pointe de nombreux et graves dysfonctionnements : possibles emplois fictifs, rémunérations indues, pistons… La municipalité disposait alors de deux mois pour apporter ses réponses.

    Il y a le feu à la maison commune. Il faut apurer au plus vite les situations litigieuses : dans sa réponse à la CRC, qu’il a, pour partie, communiquée à StreetPress, Stéphane De Paoli s’engage à « régulariser » l’ensemble des « situations individuelles » pointées dans le rapport, d’ici au 30 juin 2018. Il faut nettoyer les écuries d’Augias à vitesse accélérée. « Tout le monde s’est retrouvé encore un peu plus sous pression », rapporte un fonctionnaire sous couvert d’anonymat. La majorité « est en train de détourner le rapport à sa sauce », analyse un représentant du personnel :

    « Certaines personnes citées vont être mises à la porte mais ca n’a pas empêchée [une employée jugée proche du maire] d’obtenir une promotion. »

    Les secours sont intervenus à trois reprises

    Le cas de Malika est évoqué par la CRC. Elle est sur la touche depuis décembre dernier, le jour où on lui a signifié qu’elle était relevée de ses fonctions de directrice générale de l’administration. En cause, selon son employeur ? Des absences injustifiées ainsi qu’une perte générale de « confiance » qui justifierait la sanction. Deux motifs que cette dernière entend contester devant le tribunal administratif. Depuis son retour au bureau, après un congé maladie de près de deux mois pour « dépression réactionnelle sévère », cette employée dit vivre l’enfer. Mercredi 14 mars, après un échange musclé avec l’une de ses supérieure, elle s’effondre :

    « Dans l’ascenseur pour rejoindre mon bureau, je sentais que mon dos était en train de se bloquer. Puis cela s’est diffusé dans la colonne vertébrale. Mes nerfs étaient en train de lâcher. »

    Incapable de parler, ni de se mouvoir, paralysée de l’ensemble du visage pendant de longues minutes… La jeune femme est prise en charge par des collègues avant que les pompiers ne soient avertis. Elle est finalement emmenée à l’hôpital Avicennes de Bobigny. Jeudi 15 mars, c’est une seconde employée qui est emmenée à l’hôpital. Elle aussi est prise d’un malaise, à la suite d’une passe d’armes avec plusieurs de ses collègues.

    Dans l’après-midi, ce jeudi toujours, nouvelle intervention des pompiers dans les locaux de la mairie. Un troisième salarié de la commune vient de faire un malaise. Sébastien Breuvart, secrétaire général de la CGT des territoriaux de la ville, est l’un des premiers arrivés sur place :

    « Quand je suis entré dans la pièce, les collègues l’avaient mis en position latérale de sécurité. »

    Pour le syndicaliste, l’histoire aurait pu prendre une tournure tragique :

    « Son bureau est isolé et s’il n’y avait pas eu un baptême républicain ce jour-là, personne ne l’aurait vu. Il aurait pu y rester. »

    Sa situation est également évoquée dans le rapport. Selon la CRC, la commune n’a pas la population suffisante pour justifier l’emploi d’un collaborateur pour l’opposition. Son poste pourrait donc être supprimé, il le sait. « C’est quelqu’un qui intériorise tout, la pression est montée progressivement », témoigne le syndicaliste qui dénonce une volonté de se débarrasser de ce collab’ de l’opposition :

    « Il suffisait de changer sa fiche de poste pour qu’elle corresponde à celle d’un secrétaire, ce qui représente l’essentiel de son travail. »

    Ce vendredi, en milieu d’après-midi, une vingtaine d’élus CGT s’est rendue à la préfecture pour demander un rendez-vous en urgence. Un membre du cabinet est sorti à leur rencontre et leur a promis un rendez-vous avec le préfet délégué avant le prochain conseil municipal, prévu pour ce mercredi. Le syndicat appelle à un rassemblement devant la mairie à 17h30 ce jour-là.

    Contacté par StreetPress, la municipalité n’a – à l’heure de la publication – pas donné suite à nos demandes d’interview.

    Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.

    Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.

    Je fais un don à partir de 1€
    Sans vos dons, nous mourrons.

    Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.

    Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.

    Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.

    Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.

    Je donne

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER