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    26/07/2017

    L'asso qui fait tourner des livres dans une cave

    Biblio'tess : les soirées littérature de Sarcelles au « Fouquet's du ghetto »

    Par Inès Belgacem

    Presque chaque mois, l'asso Biblio'tess invite un auteur issu de la banlieue. Objectif : « rendre la littérature accessible à tous ». Ce soir là c'est Lassana Bathily, le héros de l'Hyper Cacher qui est à l'honneur.

    Place Andre Gide, Sarcelles (95) – « Bienvenue au Fouquet’s ! Enfin, le Fouquet’s du ghetto. » Ce samedi soir de juillet, Hocine Radjai reçoit dans le bar mythique du quartier Flanades. « On a dû barrer le nom. Il paraît que c’est une marque déposée… alors que le lieu est là depuis les années 70. » Le militant hausse les épaules avant d’inviter à entrer. « Tout droit, puis tu descends. Ca se passe en bas. » L’intérieur est en travaux, le sous-sol éclairé d’une lumière blafarde. Une petite cinquantaine de chaises a été disposée autour d’une estrade improvisée habillée d’un tapis usé. Tukan Inan, grande brune et co-proprio du lieu, sourit :

    « C’est vraiment l’esprit Biblio’tess : avec l’image du quartier, à l’arrache mais accueillant. »

    Depuis presque un an, avec Hocine ils ont lancé Biblio’tess, des événements pour mettre en lumière les auteurs issus de banlieue. « On veut rendre la littérature accessible à tous, y compris aux jeunes de nos quartiers de Sarcelles », explicite Turkan.

    Lassana Bathily, Rachid Santaki et Nadir Dendoune

    Les participants arrivent petit à petit. Pour cette 6e édition, c’est Lassana Bathily – ancien employé de l’Hyper Casher, qui a mis à l’abris des clients dans la chambre froide pendant la prise d’otage du 9 janvier 2015 – qui vient présenter son livre, Je ne suis pas un héros. Avant lui, sont passés sur l’estrade Rachid Santaki, Nadir Dendoune ou encore Mourad Benchellali. « On aimerait bien inviter Samuel Nadeau pour la prochaine, il est de Sarcelles en plus », pense à voix haute Turkan, alors que des petits groupes se sont formés et discutent ici et là.

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    Tukan Inan /

    « Nous sommes très heureux de vous recevoir ce soir. On commence un peu plus tard que prévu. On ne l’a pas précisé mais c’est l’heure africaine ici », blague Hocine avant de lancer les « premières parties » :

    « Des auteurs passés sous les radars qu’on aimerait vous faire découvrir. »

    C’est Brahim Kermaoui, auteur de L’enfant égaré, qui ouvre le bal. Il revient sur la genèse de son livre, sur son histoire. « Je n’étais pas fait pour écrire, j’ai arrêté l’école tôt. » Le bonhomme s’est auto-édité et vend ses livres dans son taxi, pendant ses courses. Et ça marche bien d’après l’intéressé. « J’ai lu le bouquin d’une traite, il est super », lance une femme brune et cheveux courts dans l’assemblée. Hocine embraye, un sourire au coin des lèvres :

    « Moi aussi j’ai adoré. Il y a beaucoup de fautes d’orthographe et de syntaxe. Et c’est pour ça qu’il est beau ce livre ! Parce qu’il l’a écrit avec autant de sincérité qu’il vous parle aujourd’hui. »

    Au tour de Bael Souleymane, auteur d’Avec les moyens du hood. Après une présentation, une question fuse : « Comment tu passes du mec de quartier à écrivain ? ». Hocine sous-titre en aparté :

    « Tous ces auteurs sont des modèles de réussite. Ils prouvent, qu’ils soient connus ou non, qu’écrire est possible même quand tu n’es pas bon à l’école, même quand tu ne parles pas le français de Molière. »

    « Les jeunes ont peur d’être à côté de la plaque »

    Une bonne heure est passée et la salle est comble lorsque Lassana Bathily prend le micro. Des lycéens d’une quinzaine d’année passent timidement la tête à la porte. Turkan :

    « Les jeunes sont souvent gênés de venir, ils n’ont pas l’impression d’être à leur place. Ils ont intégré que les livres et la littérature, ça n’était pas pour eux. »

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    Lassana Bathily en pleine explication. /

    Alors elle a mis des banquettes à l’entrée, excentrées par rapport à l’estrade et la foule, pour que les plus timides puissent écouter de loin. Elle raconte que certains se sont depuis installés dans la salle, au fil des soirées :

    « Ils avaient peur qu’on leur pose des questions et d’être à côté de la plaque. Je les comprend, j’ai vécu la même chose. »

    L’éducatrice d’origine kurde est arrivée à l’âge de 7 ans à Sarcelles. A l’époque, ses parents fuient la Turquie et accèdent au statut de réfugiés politiques en France. « J’avais peur de parler français, de sortir de mon milieu, de passer pour une imbécile. » Puis elle a rejoint le milieu militant, s’est engagée dans différentes causes – aides au réfugiés, maraudes, anti-racisme, jeunesse -, tout comme Hocine :

    « On voudrait redonner confiance aux jeunes de Sarcelles. »

    Pour le moment, l’auditoire est surtout composé de militants et d’éducateurs. Mais les profils évoluent au fil des éditions. Une jeune fille d’un vingtaine d’années, rouge de traque, décide de prendre la parole :

    « En fait je voulais juste te remercier, Lassana. On n’aurait pas pu venir te voir dans une librairie à Paris. On a connu ton histoire depuis notre écran de télé ou grace à ton livre. C’était assez abstrait finalement. T’entendre de vive voix, ça fait chaud au cœur. Merci d’être un auteur aussi abordable. »

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