En ce moment

    15/06/2017

    « On va ramener des tentes, on va occuper les lieux. »

    A Aulnay, les habitants du Galion refusent la destruction de leur quartier

    Par Aladine Zaïane

    La mairie a décidé la destruction du Galion, un quartier emblématique d’Aulnay en sursis depuis 10 ans. Mais les habitants ne lâchent pas l’affaire. « Ce Galion ils ne vont pas le détruire ! C’est le patrimoine de notre quartier » lâche Hadama Traoré.

    Aulnay-sous-Bois (93) – « Le Galion c’est le patrimoine de notre quartier. Même plus, du département ! », s’écrie Hadama Traoré, 33 ans et figure associative du quartier de la Rose des vents. Traversée par la rue Hector Degar, la galerie commerciale du Galion est un lieu central de la vie aulnaysienne. Magasins d’alimentation, de vêtements, les assos, tout y est… Sauf que ce vieux bâtiment est voué à disparaître. « Dès 2005, on a commencé à nous parler d’un projet de “réaménagement” », explique Ahmed, l’un des commerçants du coin :

    « A l’époque, il n’était nullement question de détruire le Galion. On nous promettait même de reloger nos commerces. »

    En 2016, patatras ! Dans le cadre du PRU (Plan de Rénovation Urbaine) et du Grand Paris, la ville d’Aulnay obtient un financement de 13 millions d’euros ainsi que le permis d’abattre la barre du Galion et deux tours situées à proximité. La destruction est finalement repoussée à 2018. Le temps pour les autorités de reloger les quelques 150 locataires. Mais à Aulnay, les riverains ne désarment pas. Dans les couloirs du Galion beaucoup se demandent ce qu’il va advenir des derniers commerçants… et ce qui va remplacer l’imposant bâtiment. Contactée par StreetPress, la mairie d’Aulnay n’a pas donné suite à nos multiples demandes d’interview.

    Le Grand Paris, une fausse bonne idée ?

    « Le Grand Paris, on le voyait comme une opportunité d’améliorer nos conditions de vie. Avec le nouveau métro, on ne sera qu’à 20 minutes de La Défense par exemple. Mais plus ça va et plus je m’interroge », s’inquiète Moussa, un jeune père de famille qui habite le quartier.

    Car à Aulnay, depuis plusieurs années, c’est branle-bas de combat niveau rénovation urbaine. Il y a d’abord eu la construction de ces résidences flambant neuves, en bordure de la nationale qui traverse la ville. Rien à voir avec l’architecture des grandes tours du quartier. Une partie de ces nouveaux logements a d’ailleurs été proposée aux habitants du coin. « Si on pouvait acheter, il y a bien longtemps qu’on se serait barré ! », s’insurge Hadama Traoré :

    « Ils disent que c’est en accès à la propriété, mais ça n’est pas à taux zéro. Tout le monde n’a pas les moyens de prendre un crédit ! »

    « Nous sommes les victimes du Grand Paris. Au final on voit qu’ils veulent nous repousser plus loin dans le 77 », abonde Moussa défaitiste.

    Comment va se reconstruire le centre ?

    Au centre de danse du Galion, on s’interroge aussi sur l’avenir des activités. Avec plus de 500 membres, le complexe offre aux jeunes du quartier un lieu d’activité culturelle de qualité, avec des professeurs réputés. « C’est un poumon dans un quartier qui ne compte déjà pas beaucoup de lieux culturels », raconte Bénédicte, ancienne danseuse du centre, aujourd’hui professeure. Mais comme pour tous les autres, les jours de la structure sont comptés :

    « On nous a annoncé que nos activités allaient être dispatchées sur plusieurs lieux dans la ville. Ils n’ont pas pu trouver un lieu centralisé comme celui-ci. »
    Bénédicte et d’autres adhérents du centre pointent du doigt le manque de communication de la mairie. Et l’absence de calendrier précis :

    « Lorsqu’on demande à la mairie de nous expliquer ce qu’ils vont faire, ils en ont été incapables. Ils n’ont même pas de visibilité sur 6 mois. Ou alors ils ne nous disent pas tout. »

    Des locataires et des commerçants poussés vers la sortie

    En haut des marches du Galion, Souleyman fait la gueule. Lui, sa femme et ses 4 enfants vivent dans les tours prochainement détruites. Il fait partie des 7 familles en attente de relogement :

    « J’y suis très bien dans ce logement. On ne peut plus trouver de logement aussi grand dans le coin. J’ai jamais demandé à partir moi. »

    On lui a proposé plusieurs options de relogement. « J’ai choisi un pavillon HLM ». Manque de bol : aucun n’est dispo. L’homme campe sur ses positions : il a refusé tous les logements qu’on lui a proposés.

    Quant à Ahmed, il en a également gros sur la patate. Debout devant sa boutique, le commerçant discute avec quelques passants. Il gère la boutique de vêtements orientaux de son père. Une galerie de tissus, des robes orientales aux coutures dorées et des foulards s’alignent sur les murs de son magasin. Ahmed s’est vu refuser un transfert dans des nouveaux locaux de la rue en face du Galion. Le nouveau complexe, un grand bâtiment avec rez-de-chaussée commercial et appartements flambant neufs, est détenu par le groupe Immo Mousquetaire. Le commerce d’Ahmed aurait été jugé trop communautaire :

    « J’ai rencontré l’expert judiciaire qui gère les transferts vers les nouveaux locaux. Il m’a dit explicitement que les commerces comme le mien ne sont pas les bienvenus dans les nouveaux emplacements. »

    David contre Goliath

    En dédommagement on a proposé à Ahmed 40 000 €. Insuffisant selon lui pour pouvoir se réinstaller ailleurs :

    « J’ai refusé. Je demande au moins 100 000 € et pour cela je vais en procès contre Sequano, le bailleur des locaux commerciaux du Galion. »

    Il y a un mois, un autre commerçant a fermé boutique. « On a face à nous des bailleurs avec une énorme force de frappe. Pour tenir face à eux il faut avoir les reins solides. » Ahmad est l’un des seuls à aller au tribunal. Les autres commerçants, eux, ont accepté l’indemnisation que leur a offerte le bailleur.

    Hadama, non plus, n’est pas prêt de lâcher l’affaire. Lui et ses camarades ont invité des activistes de Notre-Dame-des-Landes pour organiser la lutte :

    « Ce Galion ils ne vont pas le détruire ! On va ramener des tentes, on va occuper les lieux. S’il le faut on va ouvrir les commerces de force. »

    Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.

    Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.

    Je fais un don à partir de 1€
    Sans vos dons, nous mourrons.

    Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.

    Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.

    Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.

    Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.

    Je donne

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER