Rue Charles Robin, Paris 10e – Une heure avant l’ouverture, Lionel, t-shirt moulant posé sur ses larges épaules, a encore quelques courses à faire. Dans le quartier, le patron du Gumbo Yaya, premier resto de Soul Food de la capitale, est chez lui. Un check avec un pote, deux bises claquées à une connaissance. De retour dans son resto et une fois le café allongé servi, « pour tenir le coup ce soir », Lionel peut se mettre à table :
« Ce restaurant, c’est une histoire de famille. J’ai des tantes qui habitent à Macon, près d’Atlanta. Quand j’étais gosse, j’allais les voir. Je bouffais du poulet frit tout le temps. Et surtout, je les voyais cuisiner. »
Vingt ans plus tard, le bonhomme ouvre le Gumbo Yaya, un boui-boui où il sert les petits plats qui ont bercé son enfance. Et pour faire tourner la boutique, la famille n’est jamais loin. Ce soir-là, l’une de ses serveuses le lâche au dernier moment. Un coup de fil à son cousin plus tard et le tour est joué. Ce soir, le Gumbo Yaya aura bien une équipe au complet.
Le temple parisien de la Soul Food est bien caché / Crédits : Rodrigue Jamin
POULET FRIT PARTOUT, VEGAN S’ABSTENIR
Avant le coup de feu, Lionel nous donne un petit cours de Soul Food. Les origines de cette cuisine très populaire dans le sud des Etats-Unis remontent à la période esclavagiste :
« Les maîtres mangeaient les meilleurs morceaux de viande. Le reste, ils le laissaient à leurs esclaves. Du coup, ces mecs-là se réunissaient le dimanche et devaient magnifier ce qu’on avait bien voulu leur filer. »
Les classiques du genre ? Poulet frit, pain au maïs, les incontrounables mac and cheese (des macaronis au fromage) ou encore le traditionnel gumbo, un ragoût originaire de la Nouvelle-Orléans. Et pour se rincer le palais, les incontournables red drinks à base de cerise ou d’hibiscus.
Ici, pas de véganisme ! On mange gras et le modèle culinaire ricain est respecté à la lettre. Pour une douzaine d’euros se dresse devant le client un « Chicken waffle », la spécialité de la maison : une gaufre, du sirop d’érable à foison, du poulet frit « roulé deux fois avec du lait fermenté, comme chez les Cain-ri ! » et des frites !
Son poids en frite / Crédits : Rodrigue Jamin
LA LOUISIANE AU CŒUR DE PANAME
C’est en 2010 que Lionel, 32 ans, ouvre son premier établissement. Un « american diner très classique », raconte l’homme devant son café-crème. Rapidement l’affaire vivote. Lionel rêve d’ouvrir un resto où il célébrerait la cuisine de ses tantes. Il revend et s’installe dans le même quartier. Un petit lieu et une atmosphère qui veut rappeler le charme de La Nouvelle-Orléans : le Gumbo Yaya, brouhaha en langue cajun, voit le jour en août 2015.
« J’ai envie de devenir une institution populaire. Un truc où le daron vient manger. Puis, dix ans plus tard, son fils se ramène et rien n’a bougé. »
Derrière son comptoir, Lionel vérifie que tout est prêt. Dans cette salle, de 40m2 grand maximum, le tour est vite fait. L’ambiance est plutôt détente. Les tables ? des planches en bois posées sur des tréteaux et des bancs façon camping. À chaque table ses tubes de sauce : de la barbecue à la chili en passant par l’énigmatique curry mango.
Au mur, des posters parachèvent la déco. Le but : donner au Gumbo Yaya un supplément d’âme issu des States.
Lionel, le patron, est dans les starting-blocks / Crédits : Rodrigue Jamin
FAUT PAS ÊTRE PRESSÉ, C’EST TOUT !
Juste avant l’ouverture, quelques clients font déjà la file devant la petite gargote où deux cuistots sri lankais s’affairent. Lionel, le sourire pendu aux lèvres, motive ses troupes : « Allez les gars, courage ! ». Du son US sort des baffles. La serrure saute, les premiers affamés s’installent.
À une table de quatre, une habituée rameute ses potes qui, eux, découvrent le lieu, curieux de voir le mariage « gaufre-poulet ». Vingt minutes plus tard, le Waffle burger débarque dans leurs assiettes. Les bouches pleines, ils répondent d’un pouce levé. Ça leur plaît !
Pourtant, ce mercredi, le restaurant ne fait pas salle comble. « Fin de semaine et le week-end, les gens font la file dehors », assure Lionel :
« Ça plaît même aux Cain-ri. On a déjà eu les gars des Frères Scott qui sont venus. Même un mec de NCIS. »
Chicken Waffle Burger et Ginger Beer... Un combo sur / Crédits : Rodrigue Jamin
Le resto de Lionel séduit donc outre-Atlantique. Le Black Dallas, média afro-américain, le classe même parmi les 8 raisons pour lesquelles les « Black Americans » doivent continuer à visiter Paris.
Mais sur internet, certains clients grognent : service trop lent, temps d’attente monstre. Et même ce mercredi où il n’y a pas foule, on est loin d’un service express. Lionel, qui en impose derrière son comptoir, en a bien conscience :
« Ça ne me fait pas plaisir de voir les mecs poireauter dehors ou patienter à leur table. J’aurais envie de les servir directement. En plus, notre cuisine mérite de manger tranquillement, c’est de la comfort food. »
D’ailleurs, le Parisien espère grandir :
« J’ai deux idées : ouvrir un deuxième plan, ailleurs dans Paris, mais avec le même concept. Ou bien acheter un local à côté et faire un Gumbo Yaya bien plus grand. »
Gumbo Yaya
3 rue Charles Robin, 75010 Paris
- Du lundi au vendredi de 12h00 à 15h00 et de 19h30 à 22h30. Le samedi de 19h30 à 22h30.
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