Gaîté Lyrique, Paris 3e – « Tu sais, j’ai prévenu ma mère que j’allais être interviewé. Je dois t’avouer que je ne suis pas du tout connu », lâche Guillaume. Le comédien à la barbe de trois jours a du mal à comprendre pourquoi on s’intéresse à lui.
Guillaume Denaiffe, personne n’en a entendu parler, mais sans le savoir on a tous déjà vu sa tête à la télé. En 15 ans, le comédien a tourné dans une cinquantaine de pubs, dans lesquelles il a principalement incarné des « rôles débiles ». Le gars un peu crédule qui court après une fille dans la pub Vittel, c’est lui. Le concessionnaire Peugeot relou qui répète « Oui, elle l’a », c’est lui. Et la liste est encore longue.
Clip Guillaume en concessionnaire
De Quick à Peugeot
C’est Quick qui lui propose son premier job, dans une pub en 2001. Sa scène est simple : on doit lui envoyer « un seau d’eau dans la gueule ». Il n’est absolument pas identifiable dans ce spot. Le début d’une carrière bien remplie. « Certains disent que ma spécialité est de très bien manger la brioche devant la caméra, même quand c’est dégueulasse », vanne le comédien, en chemise et bombers. Il repend plus sérieusement :
« Il faut être honnête, dans la pub, ce n’est pas vraiment une histoire d’acting. Mon profil est simplement devenu à la mode à un moment. »
Rangé dans la case du trentenaire à la barbe de trois jours, il enchaîne les rôles un peu « ridicules ». « Ah, le spot pour Super Croix… se souvient-il d’un air amusé. C’est la honte de faire une pub pour de la lessive, c’est quand même le cliché de la publicité. Je suis vraiment allé au bout de mon métier ! »
La star des pubs
Sa dignité prend des coups, jusqu’à ce qu’il atteigne son « apogée ». Un jour, en plein casting, il tombe sur la fiche qu’utilisent les casteurs pour décrire les profils qu’ils recherchent. Surprise : sa photo fait office de référence. En guise de légende : « Nous recherchons quelqu’un de pas beau et de sympathique comme Guillaume Denaiffe. » Le comédien, qui gère parfaitement l’autodérision lance :
« C’était comme de gagner mon César de la pub. »
Sauras-tu reconnaître ces différentes pub ? / Crédits : Pub
Le métier d’acteur de pub n’est pas facile tous les jours. « J’ai répété des milliers de fois “Oui, elle l’a”, j’ai mangé des dizaines de brioches et bu des litres de Vittel », blague-t-il. « C’est détendu, mais c’est un vrai boulot. » Le comédien saute de casting en casting, jusqu’à ce qu’il tombe sur la bonne pioche avec Peugeot qui fait du barbu de 40 ans l’un des visages de la marque. Terminée « l’épée de Damoclès sur la tête ». On le paie pour chaque journée de tournage et pour ses droits à l’image qu’il cède généralement pour un an. Dès que l’un des onze spots est diffusé à l’étranger, ses droits sont multipliés. « Mes pubs sont diffusées dans quinze pays différents », renseigne-t-il, en restant mystérieux sur le montant de son salaire. Même s’il n’a que 298 followers sur Twitter, ces spots lui ont apporté une micro notoriété :
« J’ai même des haters, je ne sais pas si tu imagines, c’est génial ! »
Il fouille dans la boite à souvenirs et se met à rire : ce contrat avec Peugeot, il a failli ne pas l’accepter, inquiet de son étiquette de « mec de pub ».
Bye bye Hollywood
Être une star, c’est aussi accepter d’être en 4 par 3, pendant quatre ans, dans tous les magasins Leroy Merlin, pour promouvoir leur carte de fidélité. « Mes potes sont des enfoirés : ils faisaient des selfies dès qu’ils allaient acheter une vis, une perceuse ou une étagère pour leur salle de bain. »
Dur d’être crédible à Hollywood avec un tel book. « Quand l’assassin que tu incarnes dans un téléfilm joue le mec qui court après une fille dans la pub Vittel diffusée juste avant… On m’a dit que c’était un peu ennuyeux. » L’autre bémol, ce sont ses contrats d’exclusivité qui l’empêchent d’incarner des marques concurrentes.
Le comédien demande à son agence d’accepter moins de pubs. Car même s’il kiffe son job, il souhaiterait faire un peu plus de fiction. Ce jeudi aprem’, il ressort justement d’une audition pour intervenir en guest dans une série de TF1. Guillaume a déjà fait quelques apparitions dans des séries policières sur la première chaîne, dans Camping Paradis ou Joséphine, ange gardien. Il a aussi décroché en 2011 un rôle dans le film Les Biens-aimés, de Christophe Honoré. Mais sa plus grande fierté reste d’avoir pu jouer dans une pub tournée par Laurent Tirard, le réalisateur des Vacances du Petit Nicolas :
« Sans la pub, je ne l’aurais sans doute jamais rencontré. »
Pas de bol, le réalisateur ne l’a pourtant pas appelé pour tourner dans son prochain film. Guillaume envisage aussi de passer de l’autre côté de la caméra. Il a déjà réalisé quelques films d’entreprise et il compte bien passer à la vitesse supérieure :
« Je travaille aussi sur mon premier court métrage. C’est sur la mort de mon chien. Il s’est suicidé en avalant 500g de chocolat, alors qu’il devait être piqué le lendemain. »
Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.
Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.
Je fais un don à partir de 1€ 💪Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.
Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.
Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.
Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.
Je donne
NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER