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    01/07/2015

    « Toujours quelqu’un pour te dépanner une clope ou te ramener de la bouffe…»

    Le Wonder à Saint-Ouen : bienvenue chez les squatteurs « bisounours »

    Par Juliette Surcouf

    L’ancienne usine de piles « Wonder », près du marché aux puces de Saint-Ouen, est squattée par des artistes entre 20 et 30 ans. Bien organisés, ils promeuvent un fonctionnement « bisounours », sans hiérarchie, où tout le monde se file des coups de main.

    Saint-Ouen (93) – Derrière un portail rouillé, au bout de la rue Marie Curie à Saint-Ouen, Naïma, 19 ans, se livre à une expérience artistique. Aujourd’hui, la jeune fille au look bohème fait des boules avec des poils d’animaux et de la résine :

    « Une fois, j’ai voulu faire exploser un poulet pour un projet. Ça a fait sauter les plombs de tout le Wonder. J’avais tellement honte ! Je n’ai pas osé dire aux autres que c’était de ma faute »

    Il y a quelques mois, c’est au Wonder que l’étudiante en prépa artistique s’est installée. Pour 5€ le mètre carré par mois, elle a son atelier dans cette ancienne usine de piles électriques construite en 1920 et abandonnée après sa fermeture en 1983. Les murs appartiennent désormais à Habitat (la marque de meubles). Et dans 6 mois, tout sera rasé pour faire place à de grands immeubles.

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    Ce jour-là, au Wonder, c'est menuiserie et camaraderie / Crédits : Juliette Surcouf

    « On a longtemps cru que le sol était noir, alors qu’en fait non »

    Les cheveux blonds décolorés de Nelson s’agitent. A 21 ans, il est étudiant aux beaux-arts et plasticien. Et c’est l’un des leaders de ce squat légal :

    « Comme Habitat ne veut pas détruire le bâtiment dans l’immédiat, on a proposé ce deal : en attendant sa destruction, on veille sur le Wonder, on l’assainit et on le fait vivre. Les travaux ont débuté en octobre 2013, et à partir de février 2014 l’endroit était vivable. C’est un laps de temps plutôt long pour un squat mais il y avait un boulot énorme. Les fougères avaient envahi l’intérieur. On a longtemps cru que le sol était noir alors qu’en fait non ! »

    La création de ce squat d’artistes c’est une quinzaine de personnes, six mois de travail et 30.000 euros récoltés à droite et à gauche. Au début, les fondateurs ont aussi du mettre la main au portefeuille. Visiblement, aucun ne le regrette.

    Ambiance bisounours

    Aujourd’hui, le Wonder compte 40 à 60 artistes et 10 résidents. Max, 28 ans, casquette sur la tête, caresse d’une main distraite Makita, le chat du squat. Aujourd’hui, c’est le Wonder qui fait rester ce baroudeur à Paris :

    « On est tous devenu super potes ici. Ça arrive qu’on ait même pas besoin de sortir pendant 15 jours ! Toujours quelqu’un pour te dépanner d’une clope, qui te propose de te ramener de la bouffe… Puis c’est bisounours de dingue ici, on n’a jamais eu un vol, pas de problème avec les voisins ou la municipalité. »

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    La fine équipe du Wonder / Crédits : Juliette Surcouf

    Son pote Nelson est sur la même longueur d’onde :

    « Il n’existe pas de hiérarchie comme dans certains squats où celui qui a ouvert détient la suprématie. C’est plutôt à celui qui passe le plus le balai dans le couloir, qui fait le plus pour l’endroit.»

    Ils rient de bon cœur entre deux taffes :

    « On est jamais seul, quand tu fais des pâtes, c’est rarement moins d’un kilo ! »

    Et Max d’ajouter :

    « On a même fait Noël avec certains. »

    « Squat ne veut pas dire je-m’en-foutisme »

    Le Wonder cherche à briser les clichés qui entourent les squats : « Il y a quand même un minimum de règles pour que ça fonctionne. Squat ne veut pas dire je-m’en-foutisme. Au contraire, on est tous des hyperactifs. La terrasse sur laquelle on est posés en ce moment, elle n’existait pas y a une semaine », explique Max. Un esprit communautaire qui permet à chacun d’avancer, ajoute Nelson :

    « Quand t’as un coup de mou dans ton projet, tu descends dans la cuisine prendre un café et un autre artiste te parle de ce qu’il fait en ce moment. Il est tellement à donf que toi ça te remotive à bloc. »

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    Au Wonder c'est batterie au sous-sol / Crédits : Juliette Surcouf

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    Et atelier de peinture à l'étage / Crédits : Juliette Surcouf

    A l’intérieur, chaque étage résonne d’une musique différente. Le son d’une batterie nous arrive du sous-sol, la zone des musicos. En poussant une première porte on tombe sur Valentin, 22 ans, baguettes en mains. La pièce est plutôt grande, il a peint une fresque inachevée sur le mur :

    « C’était censé représenter un soleil et un tas d’autres trucs… »

    Au sol, un matelas, des oreillers et une couette trônent à côté du bureau de fortune et des instruments. Valentin vient de terminer son BTS audiovisuel et vit au Wonder « sa première expérience en squat »

    Coup de foudre

    En traversant l’ancienne usine, on aperçoit un four à métal d’origine, toujours utilisé par les artistes. Et on croise un autre Valentin, artiste plasticien « tombé amoureux du groupe », pour qui cette expérience squat « est devenu un gros chapitre de [sa] vie ».

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    Après le Wonder, à quand le prochain squat ? / Crédits : Juliette Surcouf

    Même chose pour Naïma :

    « J’aimerais bien les suivre sur le prochain squat. J’ai tellement de bons souvenirs là. Au tout début, quand je suis arrivée, je faisais exploser des pétards de pigments dans mon atelier. Ça faisait à mort de bruit. Tout le monde est monté voir. Et on a fait péter les trucs à l’intérieur en riant. Y’a qu’au Wonder qu’on peut faire ça. »

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