L’ultra-droite picarde a eu droit à un réveil corsé, lundi 9 mars. A 6h du matin les forces de l’ordre ont déboulé aux domiciles de plusieurs membres présumés du White Wolf Klan, un groupuscule local. Bilan : 16 interpellations d’anciens membres du mouvement Troisième Voie, domiciliés à Chauny, Compiègne et Ham, trois communes voisines de l’Aisne, de l’Oise et de la Somme.
Crânes rasés et fusils à pompe
Jean-Christophe Puissant, chef d’entreprise, est installé au 5 rue de Pierrefonds à Compiègne, dans l’immeuble où habite un des suspects. Arrivé à neuf heures sur place lundi, il est resté sans voix devant les moyens mis en oeuvre :
« Il y avait des flics partout. Ils étaient bien armés et portaient des gilets pare-balles. Il y avait deux fourgonnettes en face de l’immeuble et plusieurs dans les alentours »
Trois heures plus tard, les flics sortent de l’immeuble avec un homme menotté qu’ils font monter dans une camionnette avant de lever le camp. Crâne rasé, barbe de trois jours, Jean-Christophe Puissant ne l’avait jamais vu dans le coin.
Si les forces de l’ordre ont sorti leur attirail, c’est que les suspects ne sont pas des tendres. Au cours de l’opération, les gendarmes auraient saisi un arsenal de guerre digne des paras : fusil à pompe, fusil à canon scié, poings américains, couteaux à quatre branches et chaînes. Mardi en fin d’après-midi, cinq personnes ont été déférées au parquet qui aurait requis la mise en détention de deux d’entre eux. Le reste du crew serait toujours en garde à vue.
Vol, trafic de drogue et tentative d’homicide
Ça fait huit mois que la gendarmerie est sur le dos du White Wolf Klan. Un groupuscule formé d’hommes âgés de 20 à 30 ans pour la plupart, mais dont le plus jeune est mineur. Tous seraient des anciens de Troisième Voie, une organisation chaperonnée par Serge Ayoub aka Batskin, dissoute en 2013. Les charges retenues sont lourdes : violences, vols, reconstitution de groupes de combat, incendies, infractions à la législation sur les stupéfiants et tentative d’homicide. Des embrouilles entre les membres du groupe seraient à la base de certains faits reprochés, explique un proche du dossier :
« On pense qu’il y a eu des violences aggravées entre eux. Mais pour l’instant on est sûrs de rien. »
Un nom revient à plusieurs reprises dans les couloirs du Palais de justice d’Amiens : Jérémy Mourain, 25 ans et déjà impliqué dans une affaire similaire en 2013. « Cela pourrait être lui le meneur de la bande » explique-t-on à StreetPress avant d’ajouter :
« C’est un fou furieux, on le connaît depuis longtemps Mourain. »
Gourou local
En 2008, bourré et armé d’une batte de base-ball, Jérémy Mourain avait agressé le conducteur d’une camionnette. Le tort de ce dernier : avoir collé Jérémy d’un peu trop près alors qu’il était au volant. Lui et son complice, « Skinou » pour les intimes disaient vouloir faire « une ratonnade » et cogner « un gris ». A la barre, Jérémy avait crié sa haine des immigrés. Et d’expliquer qu’ado, il avait été « agressé par des Noirs et des Maghrébins parce qu’il était tecktonik ». Le parquet l’avait condamné à huit mois de prison ferme.
Pas découragé pour un sou, le jeune homme originaire de Ham remet le couvert en 2013. En septembre il agresse trois hommes dont un ancien membre de son crew alors qu’ils buvaient une bière devant leur immeuble. Résultat des courses : un genou déboîté pour l’une des victimes, huit mois ferme et une réputation de gourou local pour Jérémy Mourain qui se défendait d’être un skin lors de l’audience. Un témoin de l’affaire racontait en off :
« Mourain, on est sous sa coupe. Il dit où aller et on y va. Surtout, on ne le quitte pas. »
Il serait le fondateur du White Wolf Klan, selon le blog antifa Info Raciste.
300 skinheads hantent les rues du coin
Selon Gautier Lecardonnel, journaliste au Courrier Picard, le White Wolf Klan se prend au sérieux :
« Il a été créé sur le modèle d’une association, avec un président, un secrétaire, un trésorier. »
Pour être membre, deux exigences : payer 20 balles chaque mois et afficher ses « couleurs », de la tenue martiale à une « brûlure à la main en forme de croix ».
Stéphane François, maître de conf’ à Valenciennes et spécialiste de l’extrême droite en France s’est pas mal penché sur la question et il confirme la présence de « 300 skinheads de Noyon à Chauny et de Ham à Péronne ». Il précise qu’un noyau dur hanterait les rues du coin, connu pour chercher les embrouilles à tout bout de champ. Plusieurs organisations d’extrême droite ont d’ailleurs essayé de les récupérer selon lui, sans succès, hormis Troisième Voie. Leur intégration dans l’organisation réactivée en 2010 par Serge Ayoub les aurait un temps canalisés. « Ils étaient plutôt calmes à cette époque », se souvient le chercheur. Une exception dans l’histoire récente du groupe.
Le Triangle d’or Chauny – Ham – Noyon
« Dans le coin, des problèmes avec les skins, il y en a depuis 2010 – 2011 » poursuit Stéphane François, lui-même originaire de Chauny. Dans le « triangle d’or Chauny, Ham et Noyon », trois communes distantes de vingt kilomètres l’une de l’autre, « les skinheads ne se cachent plus » :
« On les voit boire des coups en terrasse. Une fois j’ai même vu une gamine de 15-16 ans avec un tee-shirt de Stormfront »
A Chauny, ils squattent le café de l’Hôtel de Ville, sur la place principale du village, un troquet où Esteban Morillo, principal suspect du meurtre de Clément Méric, avait ses habitudes. Pour le reste, ce n’est pas rare de les croiser dans les boîtes de nuit à la frontière belge. C’est là-bas, explique le politologue, que ces fans de gabber vont faire la teuf’ :
« Un flic m’a expliqué que quand il les chope, il est arrivé que les mecs leur fassent des démos de jump-up en cellule. »
Edit le 13 mars : La gendarmerie a interpellé 15 personnes et non 16 comme il l’a été dit dans un premier temps. Depuis 13 membres du Klan ont été mis en examen, 9 en détention. L’enquête est toujours en cours, selon le Courrier Picard.
Photo de couverture : Les militants des JNR de Serge Ayoub, en 2012 à Paris. Photo tirée des archives de Reflexes.
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