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    24/03/2014

    « C'est ça la justice française ?! »

    Bavure de Garges : Prison ferme et amendes pour la famille qui accuse la police

    Par Mathieu Molard

    Octobre, la police déboule chez les Saounera pour interpeller l'un des fils. Coups, insultes, lacrymo : la situation dégénère. Vendredi, le père et le fils de la famille étaient lourdement condamnés pour les débordements. Mais pas la police.

    Tribunal de Pontoise – A la barre, père et fils attendent le verdict côte à côte. Droit dans son costume de velours, Thierno, 62 ans, les cheveux grisonnant, reste impassible à l’annonce de la condamnation : « 100 jours amende à 10 euros. » En clair payer 1.000 euros ou aller au trou… Au tour du fils, Samba 26 ans : « Coupable pour tous les chefs d’accusations. » La sanction, 4 mois de prison… avec mandat de dépôt. Ce vendredi soir, il dormira en cellule. Stupeur dans la salle. Une seconde plus tard le silence est brisé par les sanglots de sa mère. Puis la tristesse laisse place à la colère : « C’est nous les victimes ! C’est ça la justice française ? » hurle la matrone en boubou jaune. Aux portes de la salle d’audience, elle s’écroule, victime d’un malaise.

    Couteau ?

    Le 17 octobre, à 6 heures 15, la police se présente à la porte de la famille Saounera pour interpeller Amara, 18 ans – innocenté par la suite. Une simple arrestation qui aurait viré à la bavure policière, comme nous le racontaient, quelques jours après les faits , de nombreux témoins. A StreetPress, Kadiatou, la mère avait expliqué avoir été « plaquée contre la porte », « attrapée au cou » puis bousculée et frappée. Dans l’appartement la situation est confuse : les policiers arrosent à coup de lacrymos. L’air devient vite irrespirable, à un point tel qu’un des agents explique à l’audience avoir été tellement aveuglé que ce sont deux collègues qui l’ont « soutenu » pour sortir de l’appartement. « J’ai vu Samba prendre un couteau de boucher », affirme le policier à l’audience, justifiant ainsi l’usage du gaz lacrymogène. Le jeune homme nie. Son frère, Amara, est menotté puis rapidement « exfiltré des lieux ».

    Quelques instants plus tard, Samba aperçoit sa mère prostrée sur le sol, en larmes. Son sang ne fait qu’un tour. Il hurle : « Qui a frappé ma daronne ? » et se précipite dans les escaliers. Il dévale les six étages. Au rez-de-chaussée, il se présente face aux policiers, un marteau en main, « trouvé dans les parties communes », explique-t-il au tribunal. Au pied de l’immeuble, son attitude est menaçante – ll ne le conteste pas – et aucun coup n’est porté. Mais les policiers tirent au flash-ball « dans sa direction, sans le toucher », détaille une policière.

    ITT

    Dans la cage d’escalier, c’est le chaos. L’immeuble tout entier résonne des cris de panique. Les portes des appartements de cette tour HLM s’ouvrent les unes après les autres. Sous le regard de ses voisins de palier, Thierno, vêtu d’un simple peignoir, se précipite à la poursuite de son fils Samba. « Je voulais le raisonner », explique-t-il au juge. Il croise plusieurs policiers qui remontent en direction de son appartement. « Ils m’ont mis un coup de poing », affirme-t-il face à la cour, suivi d’un « croche pied » et de plusieurs coups avant d’être menotté. Le fonctionnaire nie les coups et jure au contraire que Thierno l’a poussé « à deux reprises », sans toutefois réussir le faire tomber. La justice retiendra sa version, Thierno est déclaré coupable.

    Pourtant aucun des policiers n’est blessé ce jour-là. Le père Saounera, lui, présente au tribunal un certificat de 2 jours d’incapacité totale de travail (ITT), sa femme de 4 jours d’ITT et sa fille de 2. Cette dernière se présente face à la justice, en qualité de témoin. Elle raconte les coups reçus ce matin-là. Des insultes aussi : « Si t’es pas contente, rentre dans ton pays ! » Maître Plouvier, avocat de la famille Saounera, se saisit de l’occasion pour faire glisser les débats sur le comportement des policiers. « Retournez-vous et regardez attentivement. Reconnaissez-vous le policier ? » Sans hésiter Diariatou désigne l’un des agents. Il se lève, droit, mains derrière le dos, impassible tandis que l’avocat dans une envolée lyrique demande le renvoi, au motif de l’absence d’équité.

    Enquête

    Il n’y aura pas de renvoi. L’audience se poursuit. Les policiers reconnaissent avoir « repoussé, sans doute violement » la jeune femme. Ils nient les insultes. Les trois agents présents sur le banc des parties civiles, écoutent avec sérénité les témoignages accusateurs de la famille Saounera. Et pour cause, l’enquête menée par la commission de déontologie a conclu qu’aucun élément ne permettait de remettre en cause leur comportement. Une procédure des plus légères aux yeux de maître Plouvier :

    « Ils n’ont passé que deux coups de fils à des voisins pour leur demander s’ils voulaient bien venir témoigner. »

    Dix policiers se sont portés parties civiles. Au titre des dommages et intérêts et des frais de justice, Samba devra verser 150 euros à neuf d’entre eux et 300 euros au dixième. 2.850 euros donc, qui s’ajoutent aux quatre mois de prison ferme. Il avait déjà été condamné 13 fois, notamment pour outrage contre les forces de l’ordre.

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