15h45 ce dimanche, à Courcouronnes (91), une quarantaine de spectateurs s’entassent sur des chaises en plastique installées pour l’occasion dans le gymnase. Au centre de la pièce, à plus d’un mètre de haut un ring presque rond, entouré de cordes rouges. « 3, 2, 1… », le speaker entre en piste. « Ce soir – dit-il en plein après-midi – un spectacle de catch exceptionnel »… On s’y croirait ! Mais à la différence des grands tournois américains, le public se fait encore timide. « Au programme des catcheurs venus des quatre coins du monde. Pour le premier combat : Alex Griffin, 1m75 pour 68 kg. Il s’est entraîné en Amérique, dans le Mississippi! Face à lui Kris the Wrestler, 1m87 pour 86 kg. Un athlète complet et redoutable! » Les premiers applaudissements se font entendre.
Le bleu Premier combat, Alex Griffin (à droite) vs Kris the Wrestler (à gauche). Cet après-midi est un grand jour dans la carrière de catcheur d’Alex. Après un an et demi d’entraînement intensif, le p’tit mec de 17 ans joue aujourd’hui son premier duel. « Le ring n’est accessible qu’après un ou deux ans d’entraînement minimum. D’abord, il faut apprendre à chuter. Ensuite, seulement, on commence à enseigner les prises et les mouvements de base », explique Sébastien Le Cresseveur, président de l’association Catch Essonne, organisatrice de l’événement. Les deux gaillards sont sûrs d’eux, ils répètent le combat depuis un mois et le connaissent parfaitement. Coups de poing, coups de pied, les catcheurs volent dans tous les sens. Et ça en jette ! La pression monte. Après un coup de Kris, qui reprend le dessus, le jeune catcheur se relève et se jette dans les cordes en hurlant de rage. Mais le cri ne sort pas tout-à-fait naturellement. « Alex a un peu le trac mais c’est normal, l’assurance vient en pratiquant ! », explique le président du club.
D’abord, il faut apprendre à chuter
Comedia del Arte La rage aura eu raison d’Alex. Il se lance sur Kris, son adversaire, et lui donne un « coup d’arpin ». Kris vole par dessus son épaule avant de s’écraser au sol. Au moment du choc un bruit de bois sourd, suivit d’un hurlement de douleur. Rassurez vous, c’est de la comédie. Enfin presque… « Cet après-midi, il y a eu quelques erreurs, ça arrive. Les catcheurs se font parfois mal ou oublient l’une des figures. Quand c’est comme ça, on fait une prise où on se prend par la tête. Ça nous permet d’échanger quelques mots sans que les spectateurs ne le remarquent et de reprendre le match », explique Sébastien.
Cet après-midi, il y a eu quelques erreurs, ça arrive. Les catcheurs se font parfois mal
SUPPORTERS Kris est finalement vainqueur. Il va saluer son public, qui n’a pas manqué de l’encourager à coup de « Vas-y, Kris », « Finis le ! ». Un grand sourire éclaire le visage de son fils, assis au milieu d’autres enfants. Les spectateurs sont venus en famille cet après-midi. Ce sont surtout des proches des catcheurs. « Je sais que c’est du cinéma, j’aime pas spécialement ça… – Lance entre deux cris le père d’El Payo un autre catcheur – Mais c’est marrant ». Un peu plus loin, Hubert et Claudine, la soixantaine, profitent calmement du spectacle. Cela fait 30 ans que ce couple n’avait pas assisté à un tournoi de catch. « J’aime leur souplesse », commente la femme. Son mari acquiesce, « ils sont très agiles… Même si c’est du cinéma il faut le faire ! » Les combats, le show, la mise en scène… Hubert et Claudine retrouve leur engouement passé pour le catch. « On va probablement revenir au cours de la saison » assurent-ils.
Je sais que c’est du cinéma, mais c’est marrant
Good boy « I like to move it, move it… » Sur l’air de Real 2 Real, Hysterico sort du rideau rose. Vêtu de rouge et noir, il sautille jusqu’au ring. Le public lui fait une standing ovation. Une fois sur « la scène », il retire sa panoplie : veste en cuir, chapeau, foulard. Mais pour catcher, il garde son t-shirt fétiche à son nom et surtout son masque. Personne ne sait vraiment qui se cache derrière. « Parfois, les catcheurs montent plusieurs fois sur le ring, avec différents rôles », explique un peu plus tard Hysterico. Il fait partie des « Faces », les persos gentils. Sa dégaine de clown fait marrer les spectateurs. Il le sait, il en joue. Il danse, bouge dans tous les sens, monte sur le cordage pour se faire acclamer dès qu’il en à l’occasion… Et pour finir d’affirmer sa gentillesse, il ne manque pas de donner une franche accolade à son adversaire, après sa victoire face à Walter Brown.
Parfois, les catcheurs montent plusieurs fois sur le ring, avec différents rôles
Bad boy 16h30, Nick the Phenom fait son entrée sur une musique symphonique. Vêtement noir, yeux maquillés, tatouages. Il joue « le Heel », le méchant. Son costume « est un hommage au catcheur Undertaker », explique l’homme. Quand il arrive sur le ring, Nick se fait railler, siffler… Mais c’est le but. « Le public adore détester les catcheurs ! », commente-t-il, ravi de son effet. Regard froid, il continue de scruter le public. Une fois son adversaire en piste il ne le lâche pas des yeux. « On me reproche souvent mon côté très hostile, mais ça va avec le personnage. »
Le public adore détester les catcheurs
Triche ? Sébastien Le Cresseveur aka Breit Smith, est le fier détenteur de la ceinture de « Champion Silver ». Sa victoire face à Kyraon réaffirme son statut de super champion. Les vainqueurs sont choisis à l’avance. « On fait en sorte que sur une saison chacun à son tour gagne un trophée. Pour les jeunes, c’est une récompense du travail accompli lors des différents entraînement », explique Sébastien le président catcheur. Pour les plus expérimentés, la ceinture va aux favoris du public : « Entre les tournois, l’histoire continue. On fait des vidéos, on a des facebook, etc… » Les spectateurs connaissent les personnages récurrents et chacun a son préféré.
Entre les tournois, l’histoire continue. On fait des vidéos, on a des facebook…
Intermittents « En France on ne considère pas le catch comme un vrai sport, parce qu’il n’y a pas l’incertitude qui peut exister dans une compétition plus classique », explique Sébastien. Avant d’affirmer, « C’est un sport de divertissement ! » A ses côtés, Hysterico acquiesce : « le catch c’est à 50 % du sport, à 50 % un jeu d’acteur et 100 % de show. » Les quelques professionnels français du catch ont d’ailleurs un statut… d’intermittent du spectacle ! Cet après-midi un seul des concurrents vit de son art : Hysterico. Les cachets offerts pour participer à des show ne suffisent pas à boucler ses fins de mois. « Vivre du catch c’est difficile, même quasiment impossible », témoigne l’artiste. Du coup, il complète son salaire en donnant des cours et en réalisant des cascades pour le cinéma et la télévision.
bqhidden. C’est un sport de divertissement !
Face au péril, nous nous sommes levés. Entre le soir de la dissolution et le second tour des législatives, StreetPress a publié plus de 60 enquêtes. Nos révélations ont été reprises par la quasi-totalité des médias français et notre travail cité dans plusieurs grands journaux étrangers. Nous avons aussi été à l’initiative des deux grands rassemblements contre l’extrême droite, réunissant plus de 90.000 personnes sur la place de la République.
StreetPress, parce qu'il est rigoureux dans son travail et sur de ses valeurs, est un média utile. D’autres batailles nous attendent. Car le 7 juillet n’a pas été une victoire, simplement un sursis. Marine Le Pen et ses 142 députés préparent déjà le coup d’après. Nous aussi nous devons construire l’avenir.
Nous avons besoin de renforcer StreetPress et garantir son indépendance. Faites aujourd’hui un don mensuel, même modeste. Grâce à ces dons récurrents, nous pouvons nous projeter. C’est la condition pour avoir un impact démultiplié dans les mois à venir.
Ni l’adversité, ni les menaces ne nous feront reculer. Nous avons besoin de votre soutien pour avancer, anticiper, et nous préparer aux batailles à venir.
Je fais un don mensuel à StreetPress
NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER