C’est officiel, l’arrêté obligeant les soixante-dix commerces du quartier de la gare à fermer à 20 h dans le quartier de la gare de Saint-Denis est renouvelé par la municipalité communiste. Objectif : lutter contre les attroupements de personnes alcoolisées. C’est parti pour un an cette fois, n’en déplaise aux commerçants qui seront bien obligés de s’y habituer.
Alcool Le soir dans le quartier de la gare à Saint-Denis, « des centaines de personnes avaient l’habitude de se retrouver dans différents points de rassemblement nocturne » affirme le maire, Didier Paillard. Mais les riverains ne l’entendent pas de cette oreille, en tout cas pour certains. La mairie a reçu plusieurs plaintes cet été, avant de décider d’y mettre un terme. Un arrêté impose alors aux commerçants de fermer boutique à partir de 20 h, jusqu’à 6 h du matin. Seuls les bars, les boulangeries et les restaurants restent ouverts. Trois mois après, l’arrêté municipal est renouvelé pour un an.
Ca ne rigole pas au conseil municipal de Saint Denis!
Pour la mairie, il ne pouvait en être autrement. « Il y a une vrai diminution des attroupements le soir dans le quartier de la gare, affirme un élu de la ville, ne pas renouveler l’arrêté aurait été un retour en arrière ! » Une vrai diminution ? Tout dépend de quel point de vue. Si la plupart des commerçants fermaient déjà leur porte aux alentours de 20 h avant la mesure, le résultat les laisse encore dubitatifs.
Inefficace « Le problème n’est pas résolu », entend-on à Orient Cash, rue Auguste Delaune. Pour Houcine, commerçant dans cette épicerie, « la mairie est dépassée… Évidemment il y a moins d’attroupement en ce moment parce qu’il fait plus froid mais l’été il y aura toujours du monde ! » A deux pas de là, Farid Yahaoui discute avec Youssef, un client régulier de son salon de coiffure. Une fois le sujet des commerces sur le tapis, les conversations s’animent. « On n’a pas vu de différence depuis la mise en place de l’arrêté » affirme le coiffeur. Youssef, immobile le temps que Farid lui rase le crane, acquiesce, « maintenant les gens achètent de l’alcool plus tôt et le vendent au black après… Et ça, tout le monde le sait ! »
Cristobal Martinez vit rue Suger dans le quartier de la gare. Bien qu’il fasse partie des habitants favorables à cet arrêté, l’homme avoue que la consommation d’alcool n’a pas complètement disparu. « Certains endroits restent identifiés comme des lieux de rendez-vous. À l’angle de la rue Suger et de la rue Paul Eluard, par exemple ou encore entre les rues Ernest Renan et Delaune qui est un spot de deal connu. » Il marque une pause avant de continuer d’une voix assurée, « mais dans l’ensemble il y a beaucoup moins de monde. On peut dormir de nouveau ! » Finalement, pour Cristobal, le plus important est surtout de calmer le sentiment d’impunité qui, selon lui, régnait le soir. « Non, on ne peut pas faire ce qu’on veut à Saint-Denis ! » martèle-t-il.
La mairie est dépassée !
Surramaniam Ehamparanathan, le boss de « Asia Business ».
Plus près de la gare, rue Ernest Renan, Surramaniam Ehamparanathan est debout devant son épicerie. Avec son pull rouge, on ne peut pas le manquer. Il pianote sur son téléphone, l’air distrait. Ce commerçant tirait les rideaux de son magasin à 22 h 30 depuis dix ans. Et d’après lui, c’est « 40 % de son chiffre » qui est parti en fumée depuis trois mois. Étonnamment c’est aussi l’un des rares commerçant à saluer le succès de la mesure. Peur de se mouiller après une fermeture administrative récente ou réelle franchise ? Quoi qu’il en soit il assure que la rue est beaucoup plus sereine depuis que les commerces ferment à 20 heures. « Il y avait beaucoup de bagarre ! Certaines nuits, il m’arrivait de descendre six à sept fois de mon appartement au-dessus du magasin, se souvient-il. En 2008, ma vitrine a été cassée trois fois ! J’ai dû débourser près de 8000 euros. En 2011, deux fois encore ! Et puis, tous les matins il fallait nettoyer le trottoir devant le magasin.»
Police Chez les commerçants c’est moins la mesure qui dérange que la manière dont-elle a été mise en place. « Ça s’est fait du jour au lendemain, sans prévenir… On aurait aimé avoir deux ou trois semaines au moins le temps de prévenir les clients ! » témoigne le commerçant de la rue Ernest Renan. La mairie affirme pourtant « travailler avec les commerçants », elle va même plus loin en assurant que « la majorité d’entre eux conviennent qu’il faut continuer les efforts dans le sens de l’arrêté. » Et pourtant, de nombreux commerçants n’ont découvert la reconduite de l’arrêté pour une année qu’au moment de la conf’ de presse organisée ce lundi.
Dans toute cette polémique, les acteurs du quartier s’entendent sur un point. Celui de la présence policière: trop faible à leur gout. Au magasin Franprix à côté de la gare, Yasmine, vendeuse depuis plusieurs années, s’en indigne « Contre les personnes qui rôdent on a besoin d’une présence physique, de policiers ! Ce n’est pas la fermeture à 20 h qui va remplacer cela. » Et le maire abonde dans son sens : « On a gagné 25.000 habitants en quinze ans mais pas un seul policier. Pourtant ces gardiens de la paix sont nécessaires pour une présence dissuasive de proximité connue et reconnue. » Un avis partagé par certains riverains: « On a 290 policiers pour plus de 100.000 habitants. C’est autant que dans le 3e arrondissement de Paris où il doit y avoir à peine 40.000 habitants. détaille Cristobal Martinez, avant de conclure. C’est juste hallucinant ! »
Il y avait beaucoup de bagarre ! Certaines nuits, il m’arrivait de descendre six à sept fois de mon appartement.
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