C’est sur Facebook que le groupe des « Jeunes Sarkozystes » nous envoie l’invitation au débat « Les Roms ont-ils un avenir en France ? ». Le rendez-vous était organisé lundi dans la salle des fêtes de la mairie d’Epinay-sur-Seine.
18h55: Deux dames âgées m’accueillent. « Oui, c’est bien ici la réunion, on vous attendait! »18h57: Mike Borowski, le président des Jeunes Sarkozystes me prévient « Euh, on attend encore un peu de monde, on commencera d’ici 20 minutes. »
19h20: Attente. Je pose une question au jeune président : « Vous trouvez pas ça un peu racoleur le nom du débat Les Roms ont-ils un avenir en France ? » « C’est fait exprès ! Sinon vous seriez venus, les journalistes? » me répond-t-il du tac au tac.
19h38: Dans la salle, qui peut bien contenir 200 places, seules 50 chaises sont installées. 22 sont occupées par de jeunes Sarkozystes…d’une cinquantaine d’années ! Mais où sont les jeunes d’Epinay ? Dans les rangs, les commentaires sont déjà acerbes « Les Roms, ce sont des bohémiens. Mais il n’y a pas qu’eux, il y a aussi les tziganes, les manouches. Enfin tous ces gens là… »
19h40: Le débat commence. A la table des invités, la parité est respectée. Trois hommes, trois femmes. Sont présents, coté politique : Brigitte Espinasse, adjointe au maire (UM)P d’Epinay-sur-Seine, Madi Seydi, vice-présidente des Jeunes Sarkozystes et Mike Borowski. Coté société civile: Malik Salemkour vice-président de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), Laurent El Ghozi, président de la Fnasat – groupement d’associations de défense des Roms- et Claire Cavé, du Secours Catholique.
Qui sont les « Jeunes sarkozystes » ?
Le « Mouvement national des jeunes sarkozystes » est (pour les novices) à ne pas confondre avec les Jeunes UMP. Les Jeunes Sarkozystes, dont les statuts ont été déposés au printemps 2008, ont pour objectif de « soutenir l’action du Président de la République M. Nicolas Sarkozy auprès des jeunes quelle que soit leur origine sociale, ethnique, religieuse et appartenance politique ; cela peut se traduire par des débats, réunions publiques, part dans les médias, manifestations… ». Leur président est Mike Borowski, assistant parlementaire du sénateur Christian Demuynck (UMP) et candidat malheureux à la présidence des Jeunes UMP, face à Benjamin Lancar, l’été dernier.
19h42: Brigitte Espinasse prend la parole au pupitre. Hélas, les micros sont mal réglés. Un son strident retentit dans la salle. Les sonotones grincent et le public se bouche les oreilles. L’incident passé, la maire-adjointe entame un discours offensif: « Dépourvus du droit de libre installation, les Roms ne peuvent que séjourner sur notre territoire, ce qui les empêche de travailler et les conduit inéluctablement à vivre de rapine (…) Aujourd’hui, dans une commune, la présence d’un camp de Roms se traduit par de graves problèmes sociaux immédiatement perceptibles: mendicité, vols, prostitutions, trafics d’enfants, maladies, etc.»
19h47: La parole est à la défense. « Les Gens du voyage sont tous soumis à des mesures discriminatoires. Ils n’ont pas de carte d’électeur, les mairies ne leur laissent pas d’aires de stationnement. Elles sont dans l’illégalité » explique Laurent El Ghizou.
19h55: C’est au tour de la LDH de s’exprimer, sur les conditions de vie des Roms et leur stigmatisation. Ils rappellent que, suite aux contraintes de leur accès à l’emploi, ils ne peuvent pas travailler, et que par conséquent, « ils ne peuvent pas être une charge déraisonnable pour les régimes sociaux d’un Etat » « Mais c’est le cas monsieur, c’est le cas! C’est nous qui payons pour eux! » tonne la salle.
20h23: La salle s’échauffe. Philippe Seillon, militant politique passé par le RPR, le FN, le CNI et désormais adhérent UMP s’insurge “contre le viol du droit d’accès à la France”: « Chacun est maître dans sa maison. Et je ne veux pas que ma fille se fasse violer dans ma maison! » lance-t-il. Applaudissements dans la salle.
Qu’ont-ils pensé du débat ?
Brigitte Espinasse, adjointe au maire d’Epinay (UMP) : « C’est important de pouvoir avoir des infos pour mieux juger. Pour moi, la question des Roms n’est pas ma spécialité, puisque je suis chargée des finances. Et j’ai évolué sur certaines questions »
Philippe Seillon, adhérent UMP « qui défend la France», passé par le RPR, le FN et le CNI : « J’ai trouvé que le débat allait au fond des choses. Il est clair que certaines associations défendaient plus les droits des Roms que les droits des Français »
Malik Salemkour, vice-président de la Ligue des Droits de l’Homme : « C’est vrai que les jeunes de l’UMP étaient surtout du 3e âge, souvent marqués par des idées d’extrême droite. C’était bien d’avoir ce débat à froid, parce qu’en général on se heurte à ce public à chaud, pendant une expulsion par exemple. On a échangé avec des nationalistes pour qui les personnes d’apparence étrangère viennent manger le pain des Français»
20h47: Un ancien conseiller technique à la retraite, affirme « Je peux vous dire que dans le XIIIe, il y a plein de chinois sans-papiers qui ont la Sécu, parce qu’il y a un trafic de faux papiers. » « Peut-être, mais concernant l’immigration clandestine chinoise qui est vingt fois plus importante que celle des Roms, M. Sarkozy ne convoque pas Hu Jintao pour lui parler de ces problèmes! » répond El Ghozi.
20h52: Le même militant reprend la parole: « Il faut faire retourner dans leur pays les gens qui n’ont rien à faire ici ! ». Réponse lapidaire de Salemkour : « Comme je vous l’ai dit tout à l’heure, les Roms sont 15 000 pas plus ! » « C’est quand même fou que personne n’écoute ici! » s’énerve El Ghozi.
21h14: Le débat se clôt. Tout le monde se retrouve autour « du verre de l’amitié ». Un ancien apatride soutient Sarkozy sur l’expulsion des Roms, et même sur la déchéance de nationalité. « Moi, c’est M. Hortefeux qui m’a donné la nationalité et je soutiens le Président ! »
« Chacun est maître dans sa maison. Et je ne veux pas que ma fille se fasse violer dans ma maison! » lance Philippe Seillon, ancien membre du FN.
Source: Edouard Dropsy | StreetPress
Crédits Photo et vidéo: Edouard Dropsy pour StreetPress
Edit 01.10 : Correction de la citation du discours de Brigitte Espinasse, ajout des 2 encadrés sur les jeunes sarkozystes et sur les réactions au débat.
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