16/04/2012

Pauline, 26 ans, jeune chômeuse de la semaine

« Le Pôle Emploi m'a proposé d'être danseuse de cabaret »

Par Elodie Font

Pauline n'a peur de rien. Pas même d'afficher sa tête sur les murs de Brive pour espérer décrocher un emploi. Conséquence ? Elle vient d'être embauchée en contrat aidé. Pas de quoi faire fuir définitivement la précarité.

Sa voix semble rassurée. Pauline vient tout juste de signer un CAE, un contrat d’aide à l’embauche, pour assurer la comm’ de l’office de tourisme de Brive, dans le département cher à François Hollande. La jeune femme, tout sourire, ne cache pas qu’il était temps. Des mois qu’elle galérait, qu’elle enchaînait les petits boulots (parfois vraiment débiles), qu’elle ne sortait quasiment plus. Cinquième de notre série, Pauline a accepté de revenir quelques jours en arrière et de nous raconter son quotidien de jeune (ex) chômeuse.

Tu passes ton temps à cloper, à tourner en rond, à mater des séries, à manger, à grossir !

ASV (âge, sexe, ville, souvenir de Caramail) 26 ans, femme, Brive (Corrèze). Mon parcours ? C’est pas simple, accroche-toi ! J’ai fait des études de com’ à Toulouse, j’ai enchaîné avec un stage au Guatemala. Je suis restée un an à l’Alliance française, c’était trop bien. Ça devient compliqué à partir du moment où je suis rentrée en France : d’abord, je suis restée huit mois au chômage, puis j’ai trouvé un service civique pendant un an. C’était mieux que de ne rien faire, même si bosser 25 heures par semaine et gagner 417 € par mois, bon… À côté, je donnais des cours pour renflouer un peu mon compte.

Puis, de nouveau, 9 mois au chômage… Et là, je viens donc de retrouver un boulot, un CAE, un contrat d’aide à l’embauche, un contrat que tu peux avoir uniquement si t’es vraiment au fond du trou, que tu touches le RSA. Enfin, l’important, c’est que je bosse de nouveau dans la comm… pour la première fois ! 3 ans après mes études ! Je suis une rapide, moi !

Ton activité la plus récurrente ? Regarder combien j’ai sur mon compte en banque ! C’est mon premier réflexe, le matin. Essayer de calculer si ça va le faire, si je vais finir le mois dans le rouge ou pas trop. C’était plus compliqué quand j’étais en service civique, parce que je devais payer mes trajets en voiture pour faire Brive-Tulle, et mine de rien, sur un mois, ça revient vite à cher. Heureusement que j’avais le RSA, quand même, parce qu’après un service civique, le Pôle Emploi te file pas d’allocs. Je ne vois même pas comment tu peux vivre…

Ensuite, je regardais les offres d’emploi, je faisais un peu de sport – sans aller dans une salle, là-encore, un problème d’argent. Et puis les tâches traditionnelles : ménage, courses, lessive. Le rêve !

A quoi t’as renoncé ? À mon orgueil, parfois. J’ai fait un million de petits boulots, avec la sensation d’avoir fait des études pour rien. De n’avoir aucune opportunité à saisir.


La carte des Street Chômeurs

J’ai fait un million de petits boulots, avec la sensation d’avoir fait des études pour rien. De n’avoir aucune opportunité à saisir

Quand mon coloc rentrait de son taf, il me disait : « T’as fait quoi aujourd’hui ? Le ménage ? T’as regardé des séries ? » Mes potes m’appelaient en mode : « On savait que tu serais chez toi de toute façon. » Au final, ça a été une surprise quand j’ai eu un emploi, comme si c’était plus possible que j’en ai un. Tu sais, quand t’es au chômage depuis longtemps, les gens te regardent comme si tu ne cherchais pas vraiment. Que c’était forcément un peu de ta faute. En tout cas, j’ai eu cette impression.

Ton petit plaisir grâce au chômage Franchement, j’en vois pas. T’as tous tes potes qui bossent. Au fur et à mesure, t’es démotivée de tout, t’as envie de rien. Tu passes ton temps à cloper, à tourner en rond, à mater des séries, à manger, à grossir ! T’as même pas envie de regarder les infos, même ça, ça te semble insurmontable.


StreetCV

Pauline, 26 ans, Brive (Corrèze), permis B
Etudes : Bac + 5 dans la comm (fac + Esav, une école de comm à Toulouse)
Expérience pro : un an à l’alliance française du Guatemala / service civique volontaire
Poste recherché :  Office de tourisme de Brive

C’est curieux, parce qu’au début, quand t’es au chômage, tu te dis que tu vas pouvoir faire plein de trucs, en profiter pour lire le bouquin que t’as acheté y’a un an, aller voir une super expo, aller au ciné. Mais très vite, t’as deux soucis : le manque d’argent et, surtout, tu te sens coupable dès que tu fais quelque chose qui s’éloigne de ta recherche d’emploi.

Le job le plus débile proposé par Pôle Emploi ? Hahaha, y’en a plusieurs ! On m’a proposé de devenir mère Noël, d’être danseuse de cabaret, de faire le clown aussi ! Comment dire…

Ce que le chômage a changé en toi ? Je me laisse moins faire : quand tu touches le fond tu ressors un peu ragaillardie. Je ne veux plus me laisser faire. Sincèrement, je peux comprendre qu’on tombe en dépression quand on est au chômage, parce que c’est dur. Vraiment.

Ragaillardie, c’est aussi être capable d’aller jusqu’à placarder ma tête dans les rues de Brive, avec mon CV à côté (et de poster une vidéo sur le web) ! C’était il y a moins d’un an. Les médias locaux l’ont évoqué, ma grand-mère était trop contente qu’on parle de moi ! Ce que je voulais, c’était montrer que je savais me vendre. Que je savais être une pro de la com’ puisque c’est mon métier. Ça a moyennement marché : j’ai surtout été contactée par des commerciaux pour des emplois qui ne me correspondaient pas. Bon, ceci dit, mon employeur actuel m’a dit qu’il avait vu mon CV en ligne, je n’ai donc peut-être pas fait tout ça pour rien !


Pauline devant ses Street CV

Je me laisse moins faire : quand tu touches le fond tu ressors un peu ragaillardie

Son conseil ? Ne pas déprimer, même si c’est super dur… si seulement on savait à l’avance combien de temps on va rester au chômage… mon CAE dure 6 mois, il est renouvelable pendant deux ans, et j’ai déjà peur que ça se termine. C’est fou, non ?