18/06/2024

« Elle était en contact avec la grosse base skinhead »

À Bordeaux, la candidate RN Julie Rechagneux fricote avec les néonazis

Par Théo Mouraby

Julie Rechagneux vient d’être élue au Parlement européen avec le Rassemblement national. Mais elle se présente aussi à Bordeaux, dans la 4e circonscription. Figure du RN dans la région, elle a côtoyé un groupe néofasciste et le milieu néonazi.

Le Rassemblement national a fait une razzia aux élections européennes dans les communes de Gironde. Le parti lepéniste est arrivé en tête dans 97,6% des villes du département. Comme partout, le mouvement se tourne désormais vers les législatives. Après avoir fait élire pour la première fois en 2022 deux députés – Edwige Diaz et l’ancien identitaire Grégoire de Fournas – le RN en vise six au deuxième tour, le 7 juillet prochain. L’état-major espère notamment faire basculer la 4e circonscription, tenue par Alain David, le député PS sortant du Front populaire. Ils ont choisi comme candidate : Julie Rechagneux. Cette nouvelle députée européenne de 28 ans est directement repartie en campagne après son élection.

La candidate qui « pose avec des néonazis »

La jeune candidate d’un parti qui jure avoir coupé les ponts avec l’extrême droite groupusculaire a pourtant, depuis plusieurs années, des accointances avec l’extrême droite la plus radicale. Le 5 mars 2016, le groupuscule néofasciste Bordeaux nationaliste organise une « formation “média training” » avec le média d’extrême droite TV Libertés au bar Le Menhir, où les membres du Front national de la jeunesse (FNJ) d’alors se rendent régulièrement pour se retrouver, organiser des réunions ou les campagnes électorales. Au premier rang, sur une chaise en plastique, StreetPress a repéré une Julie Rechagneux qui affiche un visage concentré. Bordeaux nationaliste publie à l’époque des messages comme : « Dealer, une balle t’attend », et des slogans de violences contre les militants de gauche. Le groupuscule a même été dissous en 2022 en raison « d’une idéologie xénophobe, appel à la haine et à la violence ». Les membres en ont depuis formé un autre, la Bastide bordelaise et restent violents – l’un de ses cadres a attaqué un bar antifasciste à Rome le 13 juin dernier.

En 2016, la section FNJ girondine partage beaucoup de liens avec l’extrême droite groupusculaire. Et Julie Rechagneux, alors secrétaire départementale, n’y est pas pour rien. « Elle était en contact avec la grosse base skinhead de Bordeaux quand elle dirigeait le FNJ. La frange la plus radicale qui a depuis été écrémée », témoigne un militant associatif, membre d’un collectif inter-organisations de lutte contre l’extrême droite en Gironde.

Le 5 mars 2016, le groupuscule néofasciste Bordeaux nationaliste organise une « formation “média training” ». Au premier rang, StreetPress a repéré Julie Rechagneux. Le groupuscule a été dissous en 2022 en raison « d’une idéologie xénophobe, appel à la haine et à la violence ». / Crédits : Facebook de Bordeaux nationaliste

En 2017, le blog antifasciste Le pavé brûlant avait notamment identifié plusieurs néonazis skinhead dans les rangs du FNJ 33 – dont certains ont un groupe de musique dont les initiales font référence au Ku Klux Klan. Julie Rechagneux est alors épinglée par le site Buzzfeed comme la candidate qui « pose avec des néonazis ».

À la même date, son adjoint au sein de la section jeune est un certain Thomas B. Militant au FNJ (et chez les pétainistes du Parti de la France, selon Libération), Thomas B. est aussi le fondateur du groupuscule néofasciste Bordeaux nationaliste. Pour le militant associatif bordelais, c’est pourtant bien Julie Rechagneux qui est à l’époque « vraiment au milieu entre la frange la plus radicale et identitaire ». Il poursuit :

« Mais elle était aussi suffisamment proche des cadres locaux du parti pour être de ceux qui ont réussi à ne pas sauter lors de la dédiabolisation ».

D’autres néonazis

Même chez le FN 33 devenu RN 33, les néonazis sont encore présents. Sur un cliché, posté en 2019 sur Twitter par Edwige Diaz, vice-présidente du RN et elle-même députée girondine, à gauche de Julie Rechagneux se tient Sébastien Butel. L’homme a été un temps conseiller municipal RN, salué par Edwige Diaz, mais a surtout une rune d’Odal tatouée sur le bras, comme l’a révélé Le pavé brûlant en 2020. Le symbole nordique a été utilisé par la 7e division SS durant la Seconde Guerre mondiale.

Sur un cliché, posté en 2019 sur Twitter par Edwige Diaz, vice-présidente du RN et elle-même députée girondine, à gauche de Julie Rechagneux se tient Sébastien Butel. Un membre du Toutatis clan qui a une rune nordique, symbole d'une division SS durant la Seconde Guerre mondiale. / Crédits : Twitter d'Edwige Diaz - Le pavé brûlant

Sébastien Butel a aussi été membre du Toutatis clan, autre groupuscule d’extrême droite local qui a multiplié les références à l’imagerie nazie. L’un des symboles du groupe était trait pour trait le même que l’insigne de la 38e division SS « Nibelungen ». Un autre logo qu’ils utilisent est celui du Parti des croix fléchées, une organisation hongroise antisémite et fasciste, dont les membres ont massacré des juifs durant la guerre. Un groupe bien connu de Julie Rechagneux : la nouvelle député européenne RN, comme plusieurs autres membres du parti lepéniste, ont un temps aimé certaines de leurs publications sur les réseaux sociaux. Ce groupe de bikers a aussi assuré un temps le service de sécurité du RN dans la région, ainsi que des rassemblements des Patriotes de Florian Philippot selon Libération.

Le Toutatis clan est un groupuscule d'extrême droite local qui a multiplié les références à l’imagerie nazie. L’un des symboles du groupe était trait pour trait le même que l’insigne de la 38e division SS « Nibelungen ». / Crédits : Facebook du Toutatis clan – Wikipedia

Le Toutatis clan et son imagerie nazie sont bien connus de Julie Rechagneux : la nouvelle député européenne RN, comme plusieurs autres membres du parti lepéniste, ont un temps aimé certaines de leurs publications sur les réseaux sociaux. / Crédits : Le pavé brûlant

« Elle m’a demandé comment je faisais pour vivre dans une résidence où il y avait autant d’étrangers »

Ancien étudiant bordelais, Maxime (1) se souvient de sa première rencontre avec la députée européenne, entre 2017 et 2018. Locataire dans une résidence Crous, il la croise alors qu’elle tracte dans le bâtiment :

« Elle m’a demandé comment je faisais pour vivre dans une résidence où il y avait autant d’étrangers. Elle a pris en photo les noms à connotation étrangère sur les boîtes aux lettres et elle me les a montrés sur son smartphone en me disant : “Regardez dans votre bâtiment, il n’y a pas un Français.” J’étais absolument hébété. »

Quelques mois plus tard, il révise dans la salle d’étude de la résidence lorsque Rechagneux arrive et s’installe dans un coin avec d’autres militants du RN. Un jeune avec elle aurait alors enlevé son sweat. « Il avait une croix gammée tatouée sur le bras gauche, juste en dessous de l’épaule », se rappelle Maxime. Mal à l’aise, comme d’autres étudiants, il plie ses affaires et quitte la salle :

« Ça se voyait à une quinzaine de mètres, c’est le genre de truc qu’on ne rate pas. »

Contactée, Julie Rechagneux n’a pas répondu à StreetPress sur sa proximité avec des néonazis. En 2020, lors de son entrée au conseil municipal de Lormont (33) en tant qu’élue d’opposition, Monica Casanova, conseillère municipale NPA avait bien essayé de la confronter sur ce sujet. Sans succès. « Elle s’est indignée aussitôt, mais elle ne m’a pas répondu. Elle ne reconnait plus ses amis, elle ne veut plus rien à voir avec ça », explique l’élue à StreetPress. À nos confrères de Rue89Bordeaux, qui ont dressé son portrait pour les élections européennes, et à qui Julie Rechagneux n’a pas non plus répondu, l’ancien maire de Bordeaux, Nicolas Florian (LR) qui la côtoie au conseil régional, a précisé : « Elle fait partie de cette génération d’élus du RN qui essayent de donner une bonne image et gommer les aspérités… » Drôle de « bonne image »…

Illustration de Une de Nayely Rémusat.

Propos racistes, homophobes, antisémites, complotistes, anti-IVG, liens avec des groupuscules radicaux… Retrouvez ici, la liste des candidats du Rassemblement national épinglés par StreetPress.

Combattre l’idéologie d’extrême droite est un travail de longue haleine qui nécessite des heures de travail. L’ensemble de ces articles sont en accès libre mais vous pouvez nous soutenir en faisant un don.

- Agnès Laffite, 7e circonscription de Seine-et-Marne. La candidate RN qui a plus peur de l’islam que du réchauffement climatique.

- Christian Pérez, 8e circonscription du Finistère. Le candidat RN qui compare les joueurs de l’équipe de France à des « clandestins ».

- Tiffany Joncour, 13e circonscription du Rhône. Ses amis de groupuscules identitaires violents l’aident à faire campagne.

- Josseline Liban, 2e circonscription du Calvados. Une nouvelle candidate RN raciste et complotiste.

- Julie Aprineca, 3e circonscription du Cher. La suppléante RN qui porte un t-shirt de suprémaciste blanc et qui s’affiche avec des skinheads néonazis.

- Ludivine Daoudi, 1ere circonscription du Calvados. La candidate RN à la casquette nazie qui est aussi membre du très raciste et antisémite Parti de la France.

- Pierre Gentillet, 3e circonscription du Cher. Le médiatique candidat RN pro-russe.

- Brice Bernard, 4e circonscription de Savoie. Le candidat RN qui aime la quenelle.

- Louis-Joseph Pecher, 5e circonscription de Meurthe-et-Moselle. Le candidat antisémite de Ciotti et du RN.

- Nicolas Conquer, 4e circonscription de la Manche. Le candidat investi par Éric Ciotti et fervent supporter de Trump.