16/05/2024

Mêmes militants, mêmes comptes sur les réseaux

À Lyon, la Cocarde lycée vire néofasciste

Par Daphné Deschamps ,
Par Arthur Weil-Rabaud

Créé en avril 2024, la section jeune du groupe néofasciste Lyon populaire, qui a commis plusieurs agressions dans le Rhône, est directement issue de la Cocarde lycéenne locale. Une épine dans le pied pour le syndicat national, très proche du RN.

Palais de justice de Lyon (69), 24 avril 2024 – Ils sont une quinzaine devant le tribunal, masques remontés jusqu’aux yeux et casquettes enfoncées sur le crâne. Ils arborent une banderole qui affiche leur « soutien aux camarades incarcérés ». Une autre signe l’action : « JLP », pour « Jeunesse Lyon populaire ». Il y a presque huit mois, StreetPress présentait le mouvement Lyon populaire et son chef violent et antisémite Eliot Bertin. Les militants sur le parvis du palais de justice lyonnais en sont la section jeune et dédient notamment cette première action à leur leader, incarcéré depuis février 2024 pour sa participation présumée à l’attaque d’une conférence sur la Palestine dans le Vieux-Lyon en octobre 2023.

Créé en avril 2024, le groupe Jeunesse Lyon populaire a tout de suite affiché environ 1.000 abonnés sur les réseaux sociaux. Une audience conséquente pour une section jeunesse toute neuve d’un groupuscule néofasciste. C’est qu’ils ne sortent pas de nulle part : le mouvement est directement issu de la Cocarde lycée Lyon, un syndicat étudiant d’extrême droite proche du Rassemblement national (RN). StreetPress a constaté que Jeunesse Lyon populaire avait les mêmes réseaux sociaux de feu la Cocarde. Ils ont pourtant changé le nom, supprimé les posts… mais pas les identifications. Ainsi, les posts Instagram du compte national de la Cocarde lycée renvoient désormais vers Jeunesse Lyon populaire. Chez le syndicat qui tente – en façade du moins – de garder une image lisse, à l’écart des groupuscules violents, l’affaire provoque un certain malaise.

Le 24 avril 2024, ils sont une quinzaine devant le palais de justice de Lyon, masques remontés jusqu’aux yeux et casquettes enfoncées sur le crâne. Ils arborent une banderole qui affiche leur « soutien aux camarades incarcérés ». Une autre signe l'action : « JLP », pour « Jeunesse Lyon populaire ». / Crédits : DR

Même compte, même leader adepte des saluts nazis

Jeunesse Lyon populaire n’a pas seulement conservé le compte Instagram de la Cocarde lycée Lyon : ses membres sont globalement les mêmes. À commencer par leur leader, Matis A., surnommé « Pchit ». Ce militant bien intégré dans le milieu lyonnais a notamment été l’un des administrateurs du groupe local du Rhône de FRDeter, réseau de boucles Telegram d’extrême droite où s’échangeaient des propos racistes et des appels à la violence jusqu’en avril 2023. L’implication de Matis A. a été relevée par la plateforme militante collaborative Tajmaât, à l’origine de la publication des échanges de FRDeter. Comme ses grands frères de Lyon populaire, le militant est même un adepte du salut nazi, comme le montre un post sur Instagram par un de ses amis à l’automne 2023. La naissance d’une section « jeunesse » sert de sas pour Lyon populaire afin d’intégrer de nouveaux militants, qui ont souvent moins d’expérience, mais qui sont ensuite rapidement impliqués dans les actions – souvent violentes – du groupe parent.

StreetPress a constaté que Jeunesse Lyon populaire avait les mêmes réseaux sociaux de feu la Cocarde. Ils ont pourtant changé le nom, supprimé les posts… mais pas les identifications. Ainsi, les posts Instagram du compte national de la Cocarde lycée renvoient désormais vers Jeunesse Lyon populaire. / Crédits : DR

À Lyon, où les groupes d’extrême droite et leurs militants multiplient les attaques – parfois extrêmement violentes – la mutation des lycéens de la Cocarde lyonnaise en un sous-groupe d’une organisation néofasciste n’a surpris personne. Les liens de la Cocarde locale avec des groupuscules radicaux et violents sont nombreux. Sinisha Milinov, ex-leader de la Cocarde Lyon, a été le porte-parole des Remparts, organisation identitaire née dans les cendres de Génération Identitaire, dissoute en 2021 – le groupuscule partage les mêmes locaux – et vient de finir de purger une peine de prison ferme pour une attaque au couteau en février dernier. Celui qui a été un « adhérent pionnier » de Reconquête est même un ancien candidat du Rassemblement national aux élections municipales de 2020. Une ancienne de la Cocarde Lyon, Clarisse L., est aujourd’hui une des cadres du groupe néofasciste Tenesoun et gère le « Calendrier enraciné », agenda numérique de toute l’extrême droite groupusculaire française.

Leur leader, Matis A., surnommé « Pchit », est même un adepte du salut nazi, comme le montre cette photo postée sur Instagram par un de ses amis à l’automne 2023. / Crédits : DR

Le virage de sa section du Rhône est une sacrée épine dans le pied pour la Cocarde, qui a développé un certain nombre de sections lycéennes depuis plusieurs années, en parallèle de son implantation dans les universités françaises. Elle tente de conserver une image plutôt lisse, car il s’agit d’un important vivier de militants jeunes pour le RN, voire même de futurs cadres, comme le président du Rassemblement national de la jeunesse, Pierre-Romain Thionnet, ancien secrétaire général de l’organisation étudiante. Mais sur le terrain, la Cocarde conserve, au même titre que le RN, de nombreux liens avec des groupuscules violents. Jeunesse Lyon populaire n’est que le dernier avatar de cette porosité.

Contactés, Jeunesse Lyon populaire, Lyon populaire, la Cocarde étudiante et lycéenne ainsi que leur président Edouard Bina n’ont pas répondu aux sollicitations de StreetPress.