Marc de Cacqueray est l'héritier d'une famille noble ancrée à l'extrême droite. Le militant ultra-violent est aujourd’hui à la tête du Gud. Portrait du leader de la mouvance néonazie parisienne.
Mai 2023, près de 300 militants nationalistes cagoulés battent le pavé. Sur les réseaux, les fafs jubilent de la couverture médiatique de ce C9M, un rassemblement organisé chaque année pour rendre hommage à l’un des leurs décédé il y a 20 ans. Les images de ces silhouettes menaçantes qui défilent en plein Paris tournent en boucle sur les chaînes d’info. En coulisses, celui qui mène les troupes est inquiet. « C’est un peu casse-couille. Après voilà, c’est fait. Pour le moment, c’est pas sorti à la télé ou dans les journaux. Les conséquences sont limitées, il faut que ça continue comme ça », lance Marc de Cacqueray dans une note vocale de quatre minutes que StreetPress s’est procurée. Le leader du Gud, syndicat étudiant violent qui s’est réactivé à l’automne 2022, a peur pour sa manif. Ses protégés, les bébés néonazis parisiens de la division Martel, ont tabassé un passant qui les aurait filmés. Des faits et une vidéo révélés par Mediapart cet été. Si la victime « méritait de se prendre des tartes » selon Marc de Cacqueray dans son vocal à un jeune de la bande, il s’alarme :
« Le faire juste après le C9M, à quelques mètres de la manif, c’est pas la meilleure solution parce qu’on aura l’air malin si le C9M est interdit l’année prochaine… (…) Si on se fait charger par les antifas ou s’il y a un groupe à proximité, on les tue. Mais si c’est juste “un gauchiste qui filme”, on peut pas prendre le risque d’avoir des mecs en garde à vue, de se faire interdire la manif et avoir des ennuis avec ça. »
En quelques années de militantisme dans l’extrême droite radicale, de l’Action française aux Zouaves en passant par le Haut-Karabakh, Marc de Cacqueray-Valménier est à 25 ans le leader des néonazis parisiens. Ce représentant d’une aristocratie fasciste française se pose en successeur de la mouvance nationaliste-révolutionnaire et s’inscrit dans les pas des Frédéric Chatillon ou Axel Loustau, anciens gudards désormais notables liés au RN et à Marine Le Pen. Marc de Cacquerey-Valménier a repris le flambeau. Mais en mai 2023, quand les néonazis défilent dans Paris, ce n’est pas lui qui dirige le cortège. Son contrôle judiciaire l’empêche d’être sur place. C’est l’un de ses lieutenants au Gud qui va mener la procession, mégaphone en main : Gabriel Loustau, fils d’Axel. Les héritiers ont désormais la main sur la mouvance.
Les FafLeaks
Cette enquête est tirée d’une série baptisée FafLeaks. StreetPress s’est procuré plus de 2.000 audios, images et vidéos et différents éléments de procédures judiciaires pour la plupart inédits. À partir de cette matière mais aussi de nombreux témoignages, StreetPress dresse un panorama de la jeunesse néonazie parisienne. Une série composée de trois articles et trois vidéos.
> Article 1 : La division Martel, les bébés néonazis parisiens
> Vidéo 1 : Agressions et saluts nazis, les vidéos inédites de la division Martel
> Article 2 : César et Paul, néonazis mondains
> Vidéo 2 : Comment des néonazis ont agressé des lycéens noirs et arabes
> Article 3 : Marc de Cacqueray, noble et nazi
> Vidéo 3 : Héritier et néonazi ultra-violent, enquête sur Marc de Cacqueray-Valmenier
Un leader de la mouvance
Si Marc de Cacqueray n’est pas présent au défilé du C9M, c’est bien lui qui contrôle à distance l’organisation. Il interdit par exemple à Léo R., un Rouennais fan d’Hitler, de s’y pointer. Une autre histoire de contrôle judiciaire. Le jeune homme s’exécute. Le chef néonazi a la main sur l’ensemble des groupes de la capitale. Les plus jeunes lui vouent un véritable culte. Pierre, un membre de la Division Martel, a mis en fond d’écran de son téléphone une photo où il prend la pose aux côtés du leader gudard. Il screene chaque interaction avec Marc, qu’il appelle « chef ». D’autres le nomment « le big boss », raconte à StreetPress un ancien proche d’un membre :
« Mon pote ne pouvait pas faire autrement que ce que Marc disait. Il avait l’air assez âgé et mon ami avait un peu peur de lui, il avait parfois été violent. Il m’avait dit qu’il ne pouvait pas quitter la division Martel car Marc s’énerverait. »
Quand le patron du Gud bat le rappel des troupes, il peut compter sur les Versaillais d’Auctorum ou Luminis Paris avec qui il a un groupe dédié à la violence : le « Loutres gang ». Il dirige des entraînements de sports de combat communs aux différentes organisations. Dans les groupes Telegram privés dédiés à l’organisation de ces exercices, on retrouve également des anciens de Génération identitaire et de ses moutures actuelles comme Argos ou l’Asla. Plusieurs centaines de militants néonazis gravitent dans son orbite. C’est aussi sur ces canaux Telegram qu’il prépare certaines actions à l’image de la tentative de ratonnade, le soir du match France-Maroc pendant la Coupe du Monde 2022 de football. Dans un message que les enquêteurs ont archivé dans une procédure judiciaire, Marc de Cacqueray écrit :
« RDV dès 20h au métro Pont Cardinet. (…) Mobilisation générale, pour défendre notre drapeau face aux hordes de Marocains. »
Ce soir-là, il rassemble quarante militants violents du Gud, de la division Martel, d’Auctorum, de Rouen ou du Korrigans squad de Rennes (2). Armés de matraques et de gazeuses, ils s’apprêtent à agresser des supporters marocains quand ils se font cueillir par la police.
Le 14 décembre 2022, Marc de Cacqueray rassemble quarante militants violents du Gud, de la division Martel, d’Auctorum, de Rouen ou du Korrigans squad de Rennes, armés de matraques et de gazeuses.
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Crédits : FafLeaks
Pierre, un membre de la Division Martel, a mis en fond d’écran de son téléphone une photo où il prend la pose aux côtés du leader gudard, au centre ici. Il appelle Marc « chef ». D’autres le nomment « le big boss ». /
Crédits : FafLeaks
La violence de Villepinte
En quelques années, le nom du leader néonazi s’est incrusté dans les articles de presse. Libération, Mediapart ou Marianne lui ont consacré des portraits. Dernière mention en date : le 4 novembre dernier, Libé révèle son renvoi devant un tribunal correctionnel pour violence en réunion et violence aggravée lors du meeting d’Eric Zemmour à Villepinte (93), en décembre 2021. Le candidat à l’élection présidentielle y fait son premier grand raout. De Cacqueray est de la partie avec une vingtaine de membres de la bande violente qu’il dirige à cette époque : les Zouaves Paris. Machoire carrée et cheveux bruns rasés sur les côtés, le néonazi tout habillé en noir fait le tour de la salle, casque de moto à la main. Il chasse les antifascistes ou ceux qu’il considère comme tels.
Une fois à l’intérieur, Marc de Cacqueray assiste au happening pacifique des militants de SOS Racisme, qui se lèvent en criant : « Non au racisme. » L’action fait dégoupiller les spectateurs d’extrême droite qui tabassent les intrus. Le leader des Zouaves fond sur les antiracistes, en frappe un et tente d’en attaquer un autre avec une chaise. Ils quittent la salle avec les honneurs. Les Zouaves sont remerciés par les équipes de sécurité de Zemmour. Mais quelques semaines plus tard, le gouvernement dissout les Zouaves.
Après l'action des militants antiracistes, Marc de Cacqueray en frappe un et tente d’en attaquer un autre avec une chaise. Il quitte la salle avec les honneurs. /
Crédits : FafLeaks-RT
Lors du meeting d'Eric Zemmour à Villepinte en décembre 2021, Marc de Cacqueray et les Zouaves chassent tout opposant autour de la salle. /
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Le retour du Gud
L’affaire ne freine pas les ambitions du chef de l’extrême droite violente parisienne. En novembre 2022, après un passage en prison, il décide de réactiver le Groupe union défense : le Gud. Un syndicat étudiant d’extrême droite réputé pour sa violence. L’esthétique néofasciste inonde leur première vidéo de com’ sur les réseaux sociaux. Dès l’annonce du retour des gudards, Marc de Cacqueray reçoit de nombreux messages de wannabe militants, découverts au détour d’une procédure judiciaire. « Je souhaite savoir si vous recrutez (…) Votre mouvement est un symbole pour moi. (…) Europe Jeunesse Révolution !! », écrit Maxime, 20 ans et étudiant en licence de mathématiques. Axel de Dinan cherche aussi à rejoindre les rats noirs, surnom du Gud. De Cacqueray l’invite à renvoyer un message plus tard car les « recrutements ne sont pas ouverts. »
Un autre demande si Marc a eu « des retours des anciens genre oncle Fred ». Il fait référence à Frédéric Chatillon, chef du Gud dans les années 90 aux côtés d’Axel Loustau. Les deux sont des amis proches de Marine Le Pen et des maillons essentiels de la communication du Rassemblement national en France et au Parlement européen. Comme l’a confié un très bon connaisseur de la mouvance à StreetPress, Marc de Cacqueray et les Zouaves « n’ont pas pu reprendre le label Gud, sans obtenir l’aval des Chatillon et Loustau ». Ils auraient pu créer un nouveau groupe de toutes pièces, comme ils l’ont fait avec les Jeunesses Boulogne pour s’adonner au hooliganisme. Mais le Gud est une marque prestigieuse au sein de l’extrême droite.
Marc de Cacqueray, ici le deuxième debout en partant de la droite, fait des fights avec de nombreux combattants de la mouvance. En avril 2023, il a avec le groupe versaillais dérouillé la division Martel, les bébés néonazis parisiens. /
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Quand le patron du Gud bat le rappel des troupes, il peut compter sur les Versaillais d’Auctorum ou Luminis Paris avec qui il a un groupe dédié à la violence : le « Loutres gang ». /
Crédits : FafLeaks
Champagne, castagne et népotisme
Marc de Cacqueray a un argument de poids pour reprendre le label. Il a avec lui l’un des héritiers directs d’Axel Loustau : son fils Gabriel. Le militant de 22 ans a été un Zouave – il a chassé avec eux les opposants au meeting de Zemmour. En mai 2023, Gabriel Loustau mène la manifestation du C9M. Il est accompagné de son paternel, Axel Loustau, qui était depuis des années en retrait. Véritable papa poule, le paternel a les intérêts de son gamin à coeur. Alors que Gabriel a seulement 18 ans, Axel Loustau le nomme directeur général de la société Financière Wagram, une entreprise qu’il possède à 99,89%. Et la famille Loustau est également prête à aider le copain Marc. Quand le chef du Gud est en garde à vue pour son implication dans la tentative de ratonnade le soir de France-Maroc, il sort du chapeau une promesse d’embauche au sein de la Financière Wagram « à 5.200 euros brut », comme l’a écrit Libération.
Comme son père, Gabriel a fait son droit à la conservatrice fac d’Assas. Ses engagements dans des groupes néonazis n’ont pas empêché le gamin aisé des Hauts-de-Seine (92) de parfaitement s’intégrer aux mondanités de la prestigieuse université. Il a ainsi été un temps président du Beach club d’Assas, une asso étudiante qui organise des voyages au ski ou à la mer et de nombreuses soirées.
Marc de Cacqueray a un argument de poids pour reprendre le label. Il a avec lui l’un des héritiers directs d’Axel Loustau : son fils Gabriel. En mai 2023, c'est lui – en fond – qui mène la manifestation du C9M avec un autre lieutenant de Marc, Paul-Alexis Husak – ici masqué. /
Crédits : FafLeaks
Camelot du roi
Marc de Cacqueray est lui aussi bien né. Le leader néonazi vit toujours chez ses parents dans une banlieue huppée des Hauts-de-Seine. Il est issu d’une famille noble dont il défend l’héritage. Après une enquête de StreetPress sur les hooligans néonazis, Marc de Cacqueray nous envoie un message Instagram ponctué d’insultes et souhaite souligner la double particule à son nom : de Cacqueray de Valménier. Une famille ancrée à l’extrême droite, « contre-révolutionnaires depuis 1789 », pose le sociologue Emmanuel Casajus. Le cousin éloigné de Marc, Yann, a longtemps dirigé Notre Dame d’Orveau, lycée catho-tradi qui a accueilli les rejetons des leaders réactionnaires (notamment l’une des filles de Marine Le Pen) et de certains gudards comme Paul-Alexis Husak. Le frère de Yann, Régis, est un prêtre traditionaliste et aumônier de Civitas, groupuscule catholique antisémite récemment dissous. Tandis que le fils de Yann, Louis a été candidat RN au Mans (72). Quant aux parents de Marc, ils étaient eux-mêmes « proches de l’Action française » se rappelle Bertrand (1), un ancien du mouvement monarchiste. Michel, le père, y était « connu et respecté », abonde Emmanuel Casajus. Le sociologue a passé un an avec les royalistes et y a consacré un ouvrage (Style et violence dans l’extrême droite radicale, aux éditions du Cerf Patrimoines). C’est justement à cette époque, entre 2015 et 2016 que le rejeton de Cacqueray, après un passage aux Jeunesses nationalistes d’Alexandre Gabriac, y milite. Bertrand déroule :
« Assez rapidement, Marc a pris la tête de la section, c’était un militant assez actif et investi. Il était assez charismatique. Au bout de quelques mois, il a été responsable de la section lycéenne. »
Emmanuel Casajus se remémore également « la petite aura » du Camelot et de son passage, auquel il a consacré un article. Le jeunot n’hésite alors pas à « aller au charbon quand il faut », lâche Bertrand. « Il a une grande gueule et est intelligent, il mobilise les profils qui ont besoin de meneur. On peut dire que c’est un leader naturel », renchérit le monarchiste. Marc de Cacqueray organise et mène une action en février 2016 devant l’Assemblée nationale pour commémorer la tentative de coup de force des ligues d’extrême droite de février 1934. Il est également là lors de l’hommage annuel des royalistes à Louis XVI. « Je me souviens d’un petit gars un peu énervé », confie le photographe Yann Castanier, qui a suivi l’AF pendant six mois cette année-là.
Au sein de l'Action française, Marc de Cacqueray est actif. Il organise et mène une action en février 2016 devant l’Assemblée nationale pour commémorer la tentative de coup de force des ligues d’extrême droite de février 1934. /
Crédits : Yann Castanier
Bien né, le leader néonazi vit toujours chez ses parents dans une banlieue huppée des Hauts-de-Seine. Il est issu d’une famille noble dont il défend l’héritage. /
Crédits : FafLeaks
Le Gud comme objectif
Si Marc de Cacqueray partage « au moins une partie des idées » de la structure militante la plus importante à droite du RN, il a « des désaccords difficilement conciliables », rembobine l’ancien de l’AF, Bertrand :
« Il avait une approche révolutionnaire qui n’était pas la nôtre, en tout cas pas comme ça. Une approche inter-nationalistes, si je puis dire ! Alors que l’Action française a une doctrine. Il y a une cohérence et elle doit être défendue. On n’allait pas s’acoquiner avec des gens du Gud qui ne sont pas dans la même optique. »
Les divergences éclatent lors d’une journée de la Manif pour tous, en octobre 2016. À l’angle de l’avenue Kléber et de la rue de Magdebourg, Marc de Cacqueray et les jeunes de l’AF, accompagnés de gudards, chassent les militants de gauche qui ont organisé une contre-manifestation. Devant un cordon de policiers, Marc incite ses adversaires à se « ramener » et reprend les slogans du Gud comme : « Europe, jeunesse, révolution » et provoque les antifascistes en scandant : « On n’entend plus chanter Clément Méric ». Sa volonté d’en découdre heurte les cadres de l’Action française, qui voulaient profiter de la manif pour renforcer les liens avec la droite catholique. À l’époque, Marc penche déjà fortement vers le Gud. Lors des fêtes du vendredi soir, lui et les militants étudiants royalistes finissent souvent au Crabe-Tambour, le bar du groupe. Une salle est pour les clients et les monarchistes, l’autre est pour les nationalistes-révolutionnaires du Gud qui méprisent les militants de l’AF. « Ils les regardaient de haut, les voyaient comme des “pompes à fric” », se rappelle Emmanuel Casajus. De ces deux salles-deux ambiances, Marc a choisi la sienne : il squatte le canapé des gudards.
À l'époque où Marc commence à fricoter avec le Gud, le leader est Logan Djian, qui vient de torturer l'ancien chef du mouvement. Le Gud compte aussi dans ses rangs un certain Loik Le Priol, mis en examen pour l'assassinat à Paris du rugbyman Federico Martin Aramburu en mars 2022. /
Crédits : FafLeaks
Lorsqu’Emmanuel Casajus l’interroge dans le cadre de son étude, Marc lui confie sa « fascination » pour le Gud « motivée par ses recherches internet et l’imagerie », narre le sociologue. Il écoute alors « de l’Oi !, du rock anticommuniste et du punk ». Et quand le chercheur lui demande de quoi est faite sa bibliothèque, il écrit :
« Nationaliste, parfois pire ^^. » Pas encore majeur, il se reconnaît dans le nationalisme-révolutionnaire des gudards, variante du néofascisme. Mais il a peur de ne pas avoir les épaules,
comme il le confie au sociologue :
« Le GUD véhicule un certain mythe, une certaine histoire. (…) Quand j’ai commencé à traîner dans le milieu natio, les mecs qui me paraissaient un peu inatteignables, la bande stylée, les mecs qui avaient l’air sûrs, c’étaient les mecs du GUD. (…) Et je me suis toujours dit, moi j’aimerais être gudard, en fait. Truc, qui, il y a un an encore, me paraissait un peu impossible. »
Le groupe dirigé par Logan Djian vient à ce moment-là de torturer son ancien chef à son domicile. La scène a été filmée et l’histoire est publiée dans Mediapart. Le Gud compte aussi dans ses rangs Loik Le Priol et Romain Bouvier – les deux hommes qui vont assassiner dans Paris le rugbyman Federico Martin Aramburu en mars 2022. Marc réussit à s’y faire une place « en utilisant le fait qu’il était très bien placé à l’Action française », souligne Emmanuel Casajus. Pour aller soutenir l’antenne marseillaise de l’AF, dont le local est la cible des militants antifascistes, c’est encore lui qui organise les voyages de renforts, où se mêlent des gudards et des militants du groupe néonazi aujourd’hui dissous Blood&Honor Hexagone, comme l’a révélé le sociologue. L’Action française finit par lui demander de choisir : « Nous ne voulions pas de double encartage dans le mouvement », professe Bertrand. Marc quitte les camelots et rejoint le Gud avec « une partie des lycéens », se souvient l’ancien de l’AF.
Avec les Zouaves Paris, Marc de Cacqueray fait des attaques racistes, comme quand il agresse des supporters algériens lors de la CAN à l'été 2018 sur les Champs-Elysées. /
Crédits : FafLeaks
« On a montré que notre nom et notre réputation étaient bien mérités »
Mais le Gud s’auto-dissout en décembre 2017 dans le Bastion social, éphémère groupuscule d’extrême droite radical présent dans six villes. À Paris, Marc de Cacqueray lance sa propre crèmerie : les Zouaves. Il va multiplier avec eux les actions violentes pendant des années et va s’imposer de fait comme le leader des néonazis d’Ile-de-France. Il a le nom, le bagage idéologique et il mène les troupes quand il faut aller à la castagne. Lors du mouvement des Gilets jaunes, une guerre souterraine s’opère entre les bandes d’extrême droite et les groupes antifascistes qui veulent les dégager des manifs. À 20 ans, Marc de Cacqueray est en première ligne dès l’acte III. Il participe à la prise de l’Arc de Triomphe. Il fait quelques tags, forme des barricades sur l’avenue MacMahon et est repéré par les policiers. Il est interpellé quelques jours plus tard comme cinq autres militants d’extrême droite. Dans les couloirs du tribunal de Paris, des Zouaves attendent le procès de leur chef. Ils sont prêts à rester « jusqu’à trois ou quatre heures du mat’ » :
« Histoire que Marc voit qu’on est là. »
Quelques semaines plus tard, il est à nouveau dans la cohorte qui attaque le cortège du NPA lors de l’acte XI des Gilets jaunes où il leur lance des barrières de chantier. Le samedi suivant, les antifascistes reprennent les pavés parisiens. Des publications sur les réseaux sociaux semblent montrer que le leader des Zouaves a fui. À partir de là, les militants d’extrême droite disparaissent progressivement du mouvement.
Dans les manifs de Gilets jaunes, Marc de Cacqueray mène une guerre souterraine contre les antifascistes et autres mouvements de gauche. Lors de l’acte XI, il attaque avec ses troupes le NPA, à qui il lance des barrières de chantier. /
Crédits : FafLeaks
Le conflit avec les antifas n’est pas pour autant terminé. Le 4 juin 2020, Marc de Cacqueray et ses hommes attaquent le Saint-Sauveur. Le bar situé à Ménilmontant est le QG historique des antifas de la capitale. Une dizaine de militants armés attaquent par surprise la terrasse et volent quelques t-shirts. Peu importe qu’ils soient repoussés et que la police récupère un des Zouaves qui gît au sol, l’action est vue comme une réussite dans le milieu nationaliste. Marc de Cacqueray assoit son statut de leader néonazi parisien. Après le raid, il envoie ce message à ses troupes :
« Merci d’avoir été présent pour faire ce qu’aucun Faf n’a été déter de faire en 15 piges, depuis que le Saint-Sauveur est ouvert. On a montré que notre nom et notre réputation étaient bien mérités. (…) »
Des combats à l’étranger
En parallèle, le militant a travaillé ses réseaux à l’étranger. Comme l’a révélé le site d’investigation Bellingcat, il s’est rendu en Ukraine en décembre 2019 pour participer à un tournoi de kickboxing. Il rencontre à cette occasion des soldats d’Azov, brigade de l’armée qui regroupe des néonazis. Il se fait tatouer leur symbole sur le torse. Sur une de ses jambes, il arbore une Totenkopf, une tête de mort, symbole d’une division SS. Le dessin est ceint des mots « Ehre » et « Treue », en référence à la devise de la SS – encore elle – « Meine Ehre heisst Treue » : « Mon honneur s’appelle fidélité. »
En octobre 2020, il se rend au Haut-Karabakh pour combattre aux côtés des Arméniens contre l’Azerbaïdjan. Un conflit qui plaît à l’extrême droite puisqu’il opposerait grossièrement les chrétiens aux musulmans. L’aventure est de courte durée : un cessez-le-feu est signé deux semaines après son arrivée. À son retour en France, de Cacqueray assure aux autorités françaises qu’il n’a pas combattu. Mais l’Azerbaïdjan affirme le contraire. Dans un communiqué déniché par StreetPress, le bureau du procureur général de la République d’Azerbaïdjan explique ouvrir une procédure pour homicide à l’encontre de Marc. Celle-ci n’a jamais abouti et la justice du pays n’a jamais prouvé l’accusation.
En octobre 2020, Marc se rend au Haut-Karabakh pour combattre aux côtés des Arméniens contre l’Azerbaïdjan. Sur la seule photo de lui là-bas, il pose avec deux patchs sur son uniforme. Un du drapeau de l'Arménie, un autre d'une Totenkopf, une insigne d'une division SS durant la Seconde Guerre mondiale. Un symbole qu'il s'est tatoué sur le corps. /
Crédits : FafLeaks
De ses nombreux faits d’armes, Marc de Cacqueray-Valménier n’a que quelques mentions sur son casier judiciaire. Il a pris six mois avec sursis en 2018 après les Gilets jaunes, un an de prison ferme à la suite de l’attaque du Saint-Sauveur et a été incarcéré un mois en janvier 2022 pour ses nombreux écarts à son contrôle judiciaire. Pas de quoi le freiner. Le 3 juillet 2023, il est repéré à Angers devant le local de l’Alvarium par le journaliste Sébastien Bourdon. Encore une fois là pour se battre contre des manifestants antifascistes, en marge des révoltes liées à la mort de Nahel.
(1) Le prénom a été changé.
(2) En raison d’irrégularités, la justice a annulé la procédure qui visait Cacqueray et six militants
Contactés, Marc de Cacqueray-Valmenier et Gabriel Loustau n’ont pas répondu aux sollicitations de StreetPress.