Ex-militaire français en quête de bataille, Erwan Castel a tenté de rejoindre les séparatistes bretons puis a voulu s’engager dans un parti écolo de Guyane avant d'atterrir à Donetsk. Portrait.
Depuis le début de l’invasion russe, Erwan Castel redouble d’efforts pour « réinformer » l’opinion publique française. Depuis les régions séparatistes de l’Est de l’Ukraine, où il est parti combattre, il prétend déconstruire la « propagande » des « médias-mensonge » du « nouvel ordre mondial ». Tout un programme ! Le « Breton de nationalité » et « Français de citoyenneté » a rejoint le Donbass en février 2015. Dans une vidéo, il expliquait en 2016 sa mission pour la République Populaire du Donetsk :
« Le plus grand travail, pour moi la guerre la plus importante, est une guerre qui se mène sur le terrain de l’information. »
Pour cela, il lance un nouveau blog, le neuvième : « alawata-rebellion ». En parallèle, il anime le groupe Facebook « Soutien à la résistance du Donbass » qui regroupe près de 9.000 membres et qui se veut être un lieu de « réinformation ». Le Français collabore également à la revue Méthode et s’active sur les réseaux sociaux. Un travail plutôt payant. Selon Jean-Yves Camus, spécialiste de l’extrême droite, « la journaliste Françoise Compoint et l’ancien officier Erwan Castel, personnage-clé de l’engagement des volontaires français au Donbass, est, avec la version française du média officiel Novorossya Today, le principal moyen de dissémination, dans la sphère francophone, des analyses favorables aux séparatistes ». Une présence sur la toile qui a permis de recruter quelques dizaines de militants d’extrême droite pour combattre aux côtés des séparatistes pro-Russes.
Des fafs en mal de sensations fortes qui ont depuis presque tous fait le voyage en sens inverse. Selon nos informations, il ne resterait aux côtés d’Erwan Castel qu’un autre barbouze qui préfère se faire plus discret et l’inénarrable Christelle Néant. La jeune femme qui collabore au service de propagande de la république auto-proclamée depuis 2016 est apparue la semaine dernière, dans un reportage de l’antenne francophone de Russia Today (qui la présentait comme un journaliste).
Erwan Castel s'active sur tous ses réseaux sociaux – même Pinterest ! – pour se présenter. / Crédits : Pinterest
Les Français hors de Bretagne
Erwan Castel, 58 ans, a un parcours complexe. À peine majeur, il réalise son service militaire, puis aurait poursuivi son engagement comme Orsa (officier de réserve en situation d’activité) « spécialisé dans le renseignement aéroporté ». StreetPress a interrogé le ministère des Armées pour en savoir plus sur la carrière militaire du Breton dont il parle beaucoup mais dont on ne trouve pas de trace précise sur le net. Au moment de la publication, le service des archives n’était pas encore revenu vers nous.
Dans les années 1990, Erwan Castel dit avoir quitté l’uniforme et être retourné en Bretagne pour lutter pour l’autonomie. Là, il se fait embaucher comme animateur de gouren, un sport breton qui s’apparente au judo. Jean-Yves Jaouen, ancien président de la fédération de gouren, se rappelle de quelqu’un avec « un bon bagou, un côté idéaliste, planeur, un peu franc-tireur, un peu dans son monde, personnage pas simple à définir. Il ne cadrait pas tout à fait avec le boulot que je lui demandais de faire. » Déjà, « il avait un côté aventurier, même si quand je l’ai connu, il y a 30 ans, il n’avait pas le profil d’un mercenaire. » Erwan Castel prétend avoir été, à cette époque, membre d’Emgann, un parti breton d’extrême gauche indépendantiste. « Il était dedans, oui et non », nuance un ancien responsable du parti breton :
« Il était sorti de nulle part mais on ne le sentait pas. Il ne cachait pas qu’il avait été dans l’armée et il faisait un peu trop de forcing pour être impliqué dans les actions. On pensait qu’il travaillait pour des services de renseignement, français ou étranger. »
Autre anecdote cocasse à propos du « volontaire français » qu’une partie de la fachosphère admire : un autre militant breton se souvient de ses t-shirts « Gallaoued er-maez » (les Français dehors).
Contre le métissage des Amérindiens
Après la Bretagne, direction la Guyane française, où il devient guide. Erwan Castel affirmait, en 2016 à Street Press, qu’il avait alors fait partie du groupe écologiste Vert-Guyane. « Ancien membre de Vert-Guyane, non. Il n’a jamais eu aucun titre officiel. Il a donné des coups de main sur internet, c’est tout », tranche un ancien responsable du parti. Ce dernier garde un souvenir net du gars « sorti de nulle part ». Il vivait, dit-il, presque sans le sou dans un des bidonvilles de Cayenne. Là aussi, on se méfie de lui :
« Il n’aimait pas beaucoup les créoles. Pour lui, la pureté, c’étaient les Amérindiens, les autochtones. Parmi les écolos, on sait bien qu’il y a des vert-de-gris. C’est pour ça que je l’avais écarté rapidement et sèchement. »
En Guyane, il raconte son engagement aux côtés des indépendantistes bretons, quitte à broder un peu (ou beaucoup). Il dit avoir été un des organisateurs de la manifestation durant laquelle le Parlement de Bretagne à Rennes avait été incendié, en 1994, et jure avoir été arrêté par l’État français pour terrorisme.
Le quinqua a un parcours complexe et bien enjolivé. / Crédits : DR
Une idéologie néo-paganiste
C’est finalement en Ukraine, côté séparatiste, qu’il va trouver une cause qui veut bien de lui. Arrivé en 2016, il n’a plus quitté la région. Si ses engagements politiques antérieurs sont pour le moins fluctuants, il est aujourd’hui clairement sur une ligne d’extrême droite. Sur ses différentes plateformes, Erwan Castel fricote avec la fachosphère. Il relaie les émissions de TV Libertés, le site Egalité et Réconciliation, recommande de lire Jean Mabire, rend hommage à Brasillach ou au général putschiste Hélie Denoix de Saint-Marc.
En 2016, après l’article de StreetPress sur l’implication de l’extrême droite dans la guerre en Ukraine (1), Erwan Castel s’était pourtant un brin agacé de se voir assimiler aux membres d’Unité Continentale. Il expliquait même avoir « dénoncé la présence de fachos même minoritaires dans le premier groupe des volontaires français ». Ils étaient là, peste-t-il, pour défendre une Russie chrétienne et blanche. Et ça, ça ne plaît pas vraiment à Erwan Castel. En bon admirateur d’Alain de Benoist, penseur de la Nouvelle Droite, il est néo-païen. « Pas plus que l’Islam, la religion chrétienne ne peut prétendre faire sienne la terre d’Europe (…) car elle n’y est pas endémique, étant une religion migrante venue d’un désert envahir nos forêts », détaille ainsi le séparatiste du Donbass sur un de ses blogs.
Que va-t-il devenir ? En 2016, il disait vouloir quitter l’Ukraine. Il était bloqué pour une histoire de passeport perdu. La Russie refusait de le laisser passer sans le document administratif. Et la France lui avait proposé de venir le récupérer à l’ambassade de Kiev, dans le camp d’en face. Six ans plus tard, il n’a pas bougé. Mais avec l’invasion russe, les séparatistes n’ont plus besoin des barbouzes en mal d’aventure comme lui pour grossir leurs rangs. Et Erwan Castel risque de redevenir un soldat sans guerre.
À LIRE AUSSI : Ukraine, les docs qui montrent l’implication de l’extrême droite française dans la guerre
(1) StreetPress a tenté, sans succès, de recontacter Erwan Castel. Il semblerait qu’il ait gardé une dent contre notre média.
- Portraits /
- Ukraine /
- Extrême droite /
- ExtremeDroite2022 /
- streetpress2022 /
- donbass /
- Mercenaires /
- Guyane /
- Bretagne /
- A la une /