Ce mois-ci dans la presse d’extrême droite, il est question d’Ukraine, forcément. Mais aussi des Juifs, du lobby « arc-en-ciel » (gay) et de Netflix.
Chez Rivarol, on est atterré par l’invasion russe de l’Ukraine. Pas tant à cause du sort réservé aux populations qu’aux conséquences de la guerre sur l’élection française. Selon le rédacteur en chef de l’hebdo pétainiste, Jérôme Bourdon, elle va nécessairement faire gagner Emmanuel Macron à la présidentielle. « Osons le dire, même si ce n’est pas de gaieté de cœur mais il faut toujours voir la vérité en face, aussi cruelle soit-elle : le match est plié. (…) Oui, nous en prenons aujourd’hui les paris : Macron sera hélas confortablement réélu », expliquait-il dans son éditorial du 2 mars. Et de lister les raisons qui feraient que les électeurs se portent massivement sur le président de la République lors du prochain scrutin :
« Par loyalisme, par peur et refus de l’aventure, par esprit grégaire, par conservatisme, par pleutrerie “nationale”, par volonté à tout prix d’être protégé, de ne toucher à rien, de ne rien changer qui puisse aggraver en quoi que ce soit la situation. »
Jérôme Bourbon en profite également pour (re)dire tout le mal qu’il pense de Marine Le Pen. Celle-ci ne représenterait au final qu’une opposition contrôlée à la République en Marche. La preuve : elle a reçu le parrainage de François Bayrou.
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Macron était au centre des préoccupations de Rivarol le mois dernier. Dans un autre éditorial, Bourbon faisait du président « l’homme lige de la révolution arc-en-ciel » : les lobbies homosexuels et pro-avortement qui lui donnent des boutons. Et de la transidentité, qu’il a évidemment en horreur puisqu’il s’agit « d’une volonté satanique de détruire la famille, la société, l’individu dans son intimité la plus profonde ».
Rivarol, Macron et le lobby LGBT. / Crédits : Rivarol
Faits & Documents, ni l’un ni l’autre
Retour à l’affaire Jean-Michel Trogneux pour les séides d’Alain Soral qui tiennent Faits & Documents, l’ancienne lettre confidentielle du journaliste d’extrême droite Emmanuel Ratier. Bref résumé : les Soraliens pensent que Brigitte Macron est un homme et qu’il s’appelle Jean-Michel Trogneux. C’est bien sûr du grand n’importe quoi. Le nom du titre de presse n’a peut-être jamais été aussi usurpé.
Chez StreetPress, on s’était déjà fadé la première version de « l’enquête » qui tenait quand même sur pas moins de cinq numéros (8 euros chacun). Bilan : on avait été à la fois déçu et accablé. Consciencieusement, on s’est également tapé la lecture du sixième numéro. Verdict : le même gloubi-boulga de pseudo-preuves censées prouver que Brigitte Macron est en réalité un homme. Il y a tout de même un point rigolo avec la mention d’un indice dans la série Netflix Emily In Paris où une actrice filmée de dos joue le rôle de Brigitte Macron. Tenez-vous bien, ils ont fait une capture d’écran de la scène, ont zoomé sur l’écran de téléphone que tient l’actrice et ont pu lire le message suivant :
« Le vagin n’est pas masculin. »
Ah, la voilà la preuve du complot qu’il nous manquait.
Ceci est présenté comme un véritable élément. Oui oui. / Crédits : Faits & Documents
Présent réhabilite Brasillach et les copains
Présent, le dernier quotidien d’extrême droite, propose pour les mois de février et mars un hors-série dédié à Robert Brasillach. Partisan d’un fascisme français, l’homme s’est jeté à corps perdu dans la collaboration, dirigeant notamment un temps le journal Je Suis Partout, qui dénonçait les Juifs. Littéralement. Fusillé à la Libération pour sa complicité avec l’ennemi le 6 février 1945, Brasillach devint une figure martyre de l’extrême droite. D’autant que la date de sa mort correspond à celle du 6 février 1934, lorsque les ligues d’extrême droite ont tenté de renverser la République. C’est de cet homme-là que Présent réclame la « réhabilitation ». Tout un programme.
Chez Présent, on demande la réhabilitation d'un fasciste collaborateur farouchement antisémite. Sacré programme. / Crédits : Présent
Dans son numéro du 22 février, Présent s’intéressait aussi au danger que représente l’ultra-droite. Enfin une prise de conscience du danger terroriste qu’elle représente ? Hélas, non. Le quotidien fustige les enquêtes sur le sujet de « Mediapart, du trotskiste Plenel », « France Info, la radio d’État d’information continue, interdite aux journalistes de droite », « le quotidien ex-pédophile Libération » et… « le site d’extrême gauche StreetPress » ! Merci de prendre le temps de nous lire. On comprend rapidement que le papier sert à voler au secours des petits copains de SOS Chrétiens d’Orient et d’Academia Christiana (dont on vous parlait ici).
Internet c’est formidable : ça permet de faire circuler des tas d’informations et de connaissances qui étaient avant plus difficilement accessibles. Mais Internet, c’est moins formidable quand ça permet à des négationnistes en cavale de s’exprimer. Dans le plus grand des calmes, Vincent Reynouard, l’écrivain antisémite et négationniste qui a échappé à une tentative d’interpellation par la police britannique (StreetPress en parlait ici), a pu mettre en ligne sur YouTube une vidéo d’une heure trente et une autre d’une demi-heure où il déroule son narratif négationniste. En cavale au Royaume-Uni, il est recherché par Interpol.
Notons qu’il a trouvé qu’Emmanuel Macron a bien géré la crise du Covid en faisant « preuve d’autorité » mais dénonce tout de même la « diminution des libertés ». Cocasse pour un individu qui se décrit comme « national-socialiste » et admirateur d’Adolf Hitler. Le dictateur nazi dans lequel il voit « un politicien capable d’incarner le réveil des peuples ». Ce que n’est pas Eric Zemmour selon Vincent Reynouard. Le candidat de Reconquête ! n’est pas assez radical mais surtout trop Juif.