Il a réussi là où l’État français a échoué. Le hacker Symed18 a fait tomber le site internet Démocratie participative du néonazi en cavale Boris Le Lay. StreetPress & Numérama ont consulté les leaks et interrogé le pirate.
Il aura réussi là où les autorités échouent depuis des années : rendre indisponible le site le plus raciste de France. Dans la nuit du 2 au 3 février dernier, un hacker, qui répond au pseudo de Symed18, a réussi à pirater Démocratie participative et son forum « Europe, Ecologie les Bruns » (EELB). Apologie du IIIe Reich, séparatisme d’extrême droite, fantasmes de guerre raciale, racisme crasse, antisémitisme décomplexé et LGBTphobies systématiques, on trouve sur ces sites ce qui se fait de pire au sein du web d’extrême droite francophone. Un hacking qui a donc permis de les mettre hors-ligne. StreetPress et Numérama ont pu échanger avec le hacker.
Par téléphone, l’homme qui se fait appeler Symed18 raconte avoir fait ça pour « emmerder les fachos ». Il n’est d’ailleurs pas à son coup d’essai. Ces derniers mois, il a « doxé » (révélé l’identité) de plusieurs militants néonazis qui se cachaient sous des pseudonymes. Il donne aussi plus de détails sur son opération. Menée en à peine une nuit, le piratage a paniqué les habitués des forums de Boris Le Lay. Certains craignent qu’on puisse les identifier à partir de leur adresse mail ou de leur IP. Et d’ailleurs, ils en sont sûrs, le hacker Symed18 est à la solde des juifs. « Ils sont persuadés que je suis du Mossad », se marre ce dernier.
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StreetPress et Numérama ont également pu consulter la série de leaks qu’il a mis au jour. Ces derniers permettent d’abord de confirmer ce que l’on soupçonnait depuis longtemps mais que rien n’avait permis de prouver formellement : c’est bien le néonazi breton Boris Le Lay, actuellement réfugié au Japon, qui se cache derrière Democratie participative. C’est en effet par l’une des adresses mail de Le Lay qu’on accède au tableau de bord du Wordpress du site. On apprend également que le Breton, aujourd’hui en cavale, est à la tête de plusieurs autres sites web dont le site du Parti national breton (resucé d’un parti collaborationniste breton) et une plateforme de films piratés. Plus anecdotique, on découvre au passage qu’il fréquente assidûment toute une galaxie de sites plutôt portés sur la gaudriole en sus de sa passion pour les bonsaï. Exil japonais oblige.
Il réside dans la grande banlieue de Tokyo
Les leaks permettent également de le localiser précisément au Japon, pays où il se cache depuis au moins 2019 pour échapper à plusieurs condamnations à de la prison ferme en France. Boris Le Lay cumule un total de plus de dix ans de peines de prison, essentiellement pour des injures racistes, provocations à la haine raciale et contestation de crime contre l’humanité. Il fait actuellement l’objet d’une fiche S en France et est sous le coup d’une notice rouge d’Interpol émise par les autorités françaises. À l’heure actuelle, les demandes d’extradition sont restées lettre morte auprès des autorités japonaises. Selon un document contenu dans ces leaks, il résiderait à Kashiwa, une ville de 400.000 habitants de la grande banlieue de Tokyo.
Les documents piratés détaillent aussi le montage administratif que Boris Le Lay a mis en place pour contourner la censure des états. L’éditeur du site de Démocratie participative est une société intitulée Breizh Media LLC, immatriculée dans le Wyoming. Il paie la modique somme de 25 dollars par an à une entreprise de domiciliation basée dans la ville de Sheridan : la Wyoming Registered Agent Services LLC. Pourquoi cet État des Grandes Plaines américaines ? C’est très simple : le Wyoming est le paradis des sociétés à responsabilités limitées (LLC) puisqu’il offre un total anonymat pour les entrepreneurs et une exemption totale d’impôt sur les sociétés. En deux clics sur Internet, on peut monter une société dans cet État.
La liste des abonnés de Breiz Atao
Les leaks donnent également accès à la liste des abonnés à la newsletter de Breiz Atao, l’un des sites historiques de Boris Le Lay : près de 1.400 adresses mails et IP. À noter que parmi des centaines d’anonymes, on retrouve tout de même l’adresse mail de Yann Vallerie, fondateur du site identitaire Breizh Info. Pas totalement une surprise, le « journaliste » s’était fendu d’une tribune de soutien au nazi. C’était en 2016, sur le site de la fondation Polemia de Jean-Yves Le Gallou (actuel conseiller politique de Zemmour), après la condamnation de Le Lay à deux ans ferme pour des insultes racistes à l’encontre d’une magistrate. On constate aussi parmi les abonnés de la newsletter raciste, la présence de l’adresse mail d’un YouTubeur d’extrême droite : Vic Survivaliste. En 2019, le chercheur québécois Martin Geoffroy le présentait ainsi :
« Adepte des théories racialistes de Henry Lesquen, il est convaincu que la race blanche (les Caucasiens) est la plus brillante de la terre au plan culturel et cognitif. Il est foncièrement anti-immigration et prône ouvertement la division raciale. »
Le tour de force de Symed18 est surtout d’avoir effacé une grande partie du site ordurier de Boris Le Lay, ce que la justice française et les autorités tentent de faire en vain depuis plusieurs années. En septembre 2020, sur demande du député Eric Bothorel (LREM), Google France avait décidé de supprimer de ses résultats de recherche l’adresse internet du site d’extrême droite. Toutefois, Boris Le Lay avait rapidement trouvé la parade en changeant son nom de domaine. Une opération réitérée plus d’une demi-douzaine de fois (avec des variantes comme « .me » ou encore « .biz ») pour contourner la censure contre le site.
Le bazar provoqué par Symed18 au sein de la petite entreprise de haine de Boris Le Lay a poussé ce dernier à mettre hors-ligne en catastrophe le site Democratie participative et le forum EELB.
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