Génération identitaire, groupuscule violent dissous, a pu défiler ce samedi dans Paris. La manif, déclarée en préfecture au préalable, n’a pas été interdite. Et ce qui devait arriver arriva : des militants ont tabassé un passant. Reportage.
GI, ce devait être fini. Le groupe a été dissous en mars dernier par les autorités. Depuis le printemps dernier, sans vraiment se cacher, il renaît. De Paris à Rouen en passant par Lille ou Valence, les déclinaisons locales refleurissent et s’affichent dans les rues en toute impunité. Le point d’orgue a eu lieu ce week-end à Paris, où les identitaires ont formé leur propre cortège dans la manif anti-pass de Florian Philippot, accompagnés des pires radicaux de France.
Puis tout ce petit monde s’est retrouvé le soir même pour la « marche de la fierté parisienne », rassemblement annuel historique de Génération Identitaire. À la nuit tombante, une petite foule d’hommes en noir brandissent vers le ciel des flambeaux. Certains-même sont cagoulés. Le défilé des héritiers de Génération identitaire (GI) samedi soir avait de quoi faire frémir.
La « marche de la fierté parisienne » est le rassemblement annuel historique de Génération Identitaire, pourtant dissous depuis quelques mois. / Crédits : Yann Castanier
Masques et flambeaux. / Crédits : Yann Castanier
La préfecture a laissé faire
Interdit pour sa violence, tant dans le discours que dans ses actions, Génération identitaire a pu défiler avec l’assentiment des autorités. Vendredi, la préfecture de police de Paris confirmait à StreetPress avoir connaissance du rassemblement. Plus surprenant encore, elle reconnaît que le défilé est organisé par « un satellite de l’ex-Génération identitaire », en l’occurrence l’association Paris Fierté. Pourtant, les services de Didier Lallement, qu’on a connu moins à cheval sur la liberté de manifester, n’ont pas fait le choix de l’interdire. La présence policière, avec des effectifs en avant et en arrière de la manifestation, était même moins voyante que lors de précédentes éditions où les gendarmes mobiles ceignaient littéralement le cortège. Et, ô surprise, les militants d’un groupe dissous pour sa violence ont fait preuve… de violence.
La préfecture a reconnu que le défilé était organisé par « un satellite de l’ex-Génération identitaire », malgré la dissolution quelques mois plus tôt... / Crédits : Yann Castanier
Regard noir. / Crédits : Yann Castanier
Mais, au départ, c’est en toute tranquillité que le cortège s’est constitué pont de la Tournelle, dans le 5e arrondissement de Paris. Arrivée rue de la Montagne Sainte-Geneviève, la manifestation s’anime. Au milieu de l’artère, la tempête se déchaîne. Un quidam, qui buvait un coup en terrasse, aurait simplement lancé des moqueries au passage du cortège. Il est violemment projeté au sol. Puis s’abat sur lui une pluie de coups de poing et de pieds. Et si le service d’ordre s’interpose rapidement, certains de ses membres ont toutefois également porté des coups selon notre reporter et les images des faits. La police est finalement arrivée après la bagarre, pendant que les agresseurs ont tranquillement rejoint le cortège. Le tout sous les acclamations des manifestants qui criaient : « On n’entend pas chanter les antifas » puis : « On est chez nous ».
DIRECT INFO Paris : incident lors de la "Marche de la Fierté Parisienne" pour fêter Ste Geneviève et organisée par Paris-Fierté pic.twitter.com/c7Q3UXEj0E
— HORS-ZONE PRESS (@HZ_Press) January 15, 2022
Moins d’une centaine de mètres plus loin, le cortège se disloque. Les manifestants se séparent dans une ambiance mi-groupusculaire, mi-crépusculaire. Les groupes de jeunes tout de noir vêtus côtoyant les familles cathos « bon teint » qui ont visiblement peu goûté le passage à tabac qui venait de se produire.
Un quidam s'est fait violemment agresser pour avoir lancé des moqueries au passage du cortège. En plus de deux membres des Zouaves Paris présents lors du tabassage, certains membres du service d'ordre ont également porté des coups. / Crédits : Yann Castanier
À droite, complètement vêtu de noir et cagoulé, nous avons pu identifier Marc de Cacqueray, le leader du groupuscule violent Zouaves Paris. / Crédits : Yann Castanier
Le ministère tolère
Les ex-militants de Génération identitaire s’affichent ensemble jusque dans les rues de la capitale. Étaient ainsi présents les historiques du groupe comme le Lillois Aurélien Verhassel, le Parisien Pierre Larti (un des fondateurs de l’asso organisatrice, Paris Fierté) ou encore le lyonnais et ancien président de Génération identitaire Clément Galant.
Pour continuer à faire vivre le mouvement malgré la dissolution, ils l’ont – au moins administrativement – décentralisé, créant une myriade de structures locales sans jamais jusqu’à présent être inquiétés par les services de Gérald Darmanin. Dans le défilé parisien, on a pu voir Etienne Cormier (un pseudo), ex-cadre de GI Lyon qui est désormais un des leaders de « Les Remparts ». La nouvelle association qui regroupe L’Agogé et La Traboule, le bar et la salle de boxe de GI dans la capitale des Gaules. Mais aussi les Toulousains de « Furie française » (tout un programme) qui se revendiquent identitaires et où on retrouve les mêmes militants que du temps de GI Toulouse. Idem pour les Nantais de « La Caraque », les Normands de « Les Normaux » et d’autres encore. Ces derniers ont même gardé le local de Rouen qui hébergeait auparavant L’Yggdrasil, QG de GI Normandie…
Bien que Génération identitaire vive toujours sous une myriade de déclinaisons locales, ils n'ont toujours pas été inquiétés par Gérald Darmanin. / Crédits : Yann Castanier
Barbe et flambeaux. / Crédits : Yann Castanier
Copains comme cochons
Samedi à leurs côtés dans cette « marche de la fierté parisienne », StreetPress a pu identifier les Zouaves Paris. Un autre groupe lui aussi interdit pour sa violence suite au tabassage des militants de SOS Racisme au meeting de Zemmour à Villepinte. Et qui est notoirement lié à Génération identitaire. Des antifascistes de la capitale affirment par exemple que des leaders identitaires parisiens seraient mouillés dans l’attaque du bar le Saint-Sauveur en juin 2020. Au moins deux Zouaves étaient dans le groupe qui a tabassé un passant samedi soir. Avec eux, d’autres héritiers du GUD ou néonazis violents tels les Zoulous Nice, connus pour des agressions et des violences contre des étudiants et des militants de gauche.
À droite en fond : Bastien Merger, également membre des Zouaves Paris. / Crédits : Yann Castanier
Tout ce petit monde avait commencé sa journée quelques heures plus tôt au Trocadéro. Alors que les anti-pass se rassemblaient sur le parvis, entre 150 et 200 militants identitaires et fafs de toute obédience se sont regroupés derrière leurs propres banderoles. Ils ont multiplié les fumigènes et défilé avec un drapeau à croix celtique notamment, scandant à plusieurs reprises « Europe, Jeunesse, Révolution », un slogan du GUD. Le leader des Zouaves, Marc de Cacqueray, cagoule sur la tête, a même pris un temps le mégaphone.
Dans ce cortège, nous avons également pu identifier la présence de militants et de cadres de La Cocarde, syndicat étudiant qui sert de vivier au RN (mais tiraillé entre Marine Le Pen et Eric Zemmour). Tout comme des militants de l’UNI, syndicat estudiantin censé être moins radical et plutôt proche de LR, pour certains placés en première ligne derrière la banderole…
Les militants de Génération identitaire défilaient sous l'égide de Sainte-Geneviève, patronne de la ville. / Crédits : Yann Castanier
Le défilé des héritiers de Génération identitaire avait de quoi faire frémir. / Crédits : Yann Castanier
Et ici encore, les violents ont été violents. L’un des leaders, au mégaphone, a ainsi lancé ses troupes sur des journalistes de l’AFP qui couvraient la manifestation et leurs agents de sécurité. « C’est l’AFP, niquez-les ces fils de pute ! », a-t-il hurlé avant qu’une cinquantaine de radicaux ne chargent. « Les agents de sécurité ont ensuite été frappés, notamment à coups de matraque, alors qu’ils protégeaient la vidéaste, rattrapée par une vingtaine de manifestants. Les gardes et les journalistes rapportent avoir été menacés de mort », a décrit l’AFP. « L’homme cagoulé à l’origine du mouvement m’a saisie en me disant : “Je vais te tuer, regarde-moi bien, je vais te tuer !” », a témoigné l’une des victimes. « Si elle était tombée (dans sa fuite) elle aurait été rouée de coups », a ajouté son collègue. L’un de leurs agents de sécurité a reçu une bouteille en verre qui lui a ouvert le cuir chevelu. Tous ont dû se réfugier derrière des gendarmes mobiles pour échapper au lynchage.