Marabout, comme ses collègues l’appellent, fait les cent pas sur l’avenue de la porte d’Auteuil. Adossé au grillage, le regard fureteur, il contemple attentivement les badauds qui se pressent vers la billetterie : c’est bientôt le match de Richard Gasquet et certains aficionados de la petite balle jaune n’ont pas réussi à trouver de place. Encore en anorak au début du mois de juin, le vendeur harangue la foule pressée avec le fameux slogan “Cherche billet, cherche billet” que les touristes entendent depuis plus de vingt ans. L’accostage n’est pas très subtil mais peut être lucratif. Devant Roland Garros, certaines places atteignent 500€ pour un match de quart de finale.
Rush Le réseau des vendeurs, plutôt discret aux alentours de midi, devient plus actif une heure plus tard. Tous se connaissent, ont le portable accroché à l’oreille, toujours en contact avec les “collègues” qui possèdent les places désirées, alimentant le commerce parallèle avec une discrétion discutable.
La technique est rodée. Ils se divisent le travail : l’un transporte les tickets, l’autre l’argent ; le but étant de tromper la vigilance des policiers qui patrouillent à l’affût de la moindre embrouille.
Si ce commerce parallèle persiste, c’est grâce à la ferveur des passionnés, comme ce couple de motards, désespérément à la recherche des deux tickets pour le match du Français. Ils ne trouveront pas leur bonheur avec Marabout, qui leur propose deux tickets à 200€ l’unité.
« Cela fait quand même un peu cher pour un seul match, commente le touriste, venu de l’Aube pour l’occasion. Il y a vingt ans, les places atteignaient les 500 francs, alors qu’aujourd’hui on nous les propose à 500€. »
Si ces gens sont à la recherche de tickets au black, c’est souvent parce que les places se sont arrachées très vites. Pour nos motards de l’Aube, c’est une modalité d’achat comme une autre: « On a toujours fonctionné comme ça ces dernières années, mais on se fixe des limites en terme de budget. »
Contrôles En 2008, les organisateurs de Roland Garros avaient décidé d’endiguer le phénomène avec une solution très simple: rendre les billets nominatifs. Pourtant, le trafic continue, car les contrôles ne sont pas systématiques à l’entrée du stade. Parier sur un ticket vendu à la sauvette pour entrer reste risqué : « ça passe ou ça casse, et certains touristes se font refouler », commente un policier habitué à ces manœuvres.
Sous couvert d’anonymat, un autre vendeur avoue que ce nouveau système anti-fraude a fait son effet. Les yeux à l’affût des clients potentiels et des forces de l’ordre, il se confie rapidement sur l’état du marché: « On fait beaucoup moins de ventes depuis l’apparition des billets nominatifs, mais les affaires se portent quand même pas mal. » Peu disposé à parler chiffre, il reprend sa route, car les touristes affluent à cette heure de la journée. Sous le soleil encore hésitant de Roland Garros, le trafic continue.
Voilà ce qui a bien failli arriver à notre reporter Vincent Touveneau, hier à Roland Garros.
« J’étais posé tranquillement, avec mon appareil photo face aux flics, et visiblement j’ai attiré leur attention. J’ai voulu leur poser quelques questions pour mon sujet… »
Malheureusement, ils avaient déjà un petit jeu plus fun à lui proposer… Enfin proposer n’est peut-être pas le bon mot :
« Ça a été fouille, torse nu à Roland, contrôle de cartes de presse (que je n’ai pas) et d’identité (que je n’avais pas sur moi), fouille du portable et de l’appareil photo… Ouais ouais, franchement, un très bon moment à Roland… »
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