1. Les faits
La police a procédé mercredi 21 juillet au matin à l’évacuation de 150 à 200 personnes qui campaient avec des tentes au pied de la barre Balzac dans la cité des 4.000 à La Courneuve. Installé depuis le 8 juillet, le campement regroupait des ménages expulsés de l’immeuble mais également des familles issus d’autres squats de la région parisienne. Les tentes et les quelques biens des campeurs ont été enlevés. La police a interpellé 126 personnes qui ont été relâchées au fur et à mesure dans la journée.
2. Le contexte
Un rassemblement a eu lieu le soir à partir de 18h au même endroit. Le comité de soutien aux familles était composé du DAL , de SOS Racisme et du Mrap . L’artiste Mokobé du 113, le candidat aux régionales de 2010 Almamy Kanouté et Sokouana Gary (présidente de l’association Sow) étaient également présents. Trois représentants de la mairie sont venus proposer une solution provisoire de relogement pour une dizaine de familles, une proposition jugée trop insuffisante compte tenu du nombre de familles sans toits.
3. La vidéo
4. Le fil de la soirée, minutes par minutes
20h40: Arrivée sur les lieux de la manifestation: il y a déjà plusieurs centaines de personnes, des familles, des camions de police et beaucoup de stickers « Touche pas à mon pote ». Almamy Kanouté , Dominique Sopo et Mokobé du 113 sont déjà là.
21h: Début de la pluie.
21h15: Les femmes se rassemblent. Certaines disent vouloir accepter les propositions d’hébergement provisoires à l’hôtel, les autres pensent qu’il faut rester uni et trouver un gymnase pour éviter la scission.
21h25: Pluies diluviennes, les esprits s’échauffent. Une dame s’écrie: « Il faut ouvrir un gymnase ! Sinon on va à l’Église c’est à côté ! L’église est vide depuis plusieurs années! ». Dans le même temps, la représentante de la mairie fait face aux plaintes des femmes en colère: elle paraît désemparée.
21h35: Une jeune fille très agitée s’énerve: « Ouvrez un local de la mairie je sais pas moi ». Un petit garçon ajoute « Y’a aussi l’école ! ». La jeune fille sourit, un peu coupée dans son élan et le reprend: « Oui voilà ! C’est les vacances non? »
21h40: Une femme interpelle les représentants de la mairie: « Ouvrez nous même le local de derrière. Même si c’est pas propre on s’en fiche ! En plus c’est moins cher que l’hôtel, ça vous arrange ! ». Mokobé discute avec un des représentants de la mairie: « Vous êtes une mairie communiste, moi-même j’habite à Vitry une ville de communiste. Vous êtes sensés aider les pauvres gens, aider les enfants. Où sont vos valeurs humanistes? ».
21h45: Une des représentantes de la marie dit avec fermeté: « Je n’ai que 10 chambres à vous proposer. La maire refuse de mettre à disposition plus que cela ». Dans la foule quelqu’un s’énerve: « Vous avez voté pour eux et ils se foutent de vous! »
22h: Les 3 représentants des pouvoirs publics se réunissent et passent des coups de fils. Ils donnent l’impression qu’il va se passer quelque chose. C’est finalement avec le sourire qu’ils s’en vont en voiture.
22h05: La situation est au point mort, un groupe de jeunes se consultent pour trouver une solution. Des femmes disent avoir été brutalisées par la police.
22h45: Arrivée du sous-préfet Olivier Dubaut. Tout le monde se réunit autour de lui, les manifestants gardent le calme. Une femme l’interpelle dénonçant sa situation scandaleuse.
22h50: Le sous-préfet s’isole avec les 3 représentants des familles délogées. Dominique Sopo (président de SOS racisme) et Jean-Baptiste Eyrault du DAL rejoignent le groupe. Tout le monde sait que c’est la dernière chance de dormir sous un toit cette nuit là.
23h30: On annonce à tout le monde que la proposition de loger 10 familles – soit une trentaine de personnes – est acceptée. Cela chahute un peu. Un seul mot va sans arrêt être prononcé à partir de ce moment: « la liste, la liste »
23h32: Ça papote dans tous les coins. on dit même qu’il n’y a plus de liste ou qu’il ne faut pas en fournir une.
23h52: Une liste apparaît enfin. On fait l’appel des familles qui pourront bénéficier de l’hébergement provisoire.
00h15: Une femme discute avec Sopo et les représentants du DAL. En situation d’expulsion, mais n’habitant pas au squat de rue Balzac, elle est découragée: « On a des problèmes de logement, on vit une situation infernale. On est venu ici pour les soutenir, nous aussi nous nous battons pour le logement. Mais maintenant ils nous jettent ! Ils auraient du nous le dire dès le début que ce n’était pas possible. ». Je croise ensuite 2 garçons qui ne doivent pas avoir 7 ans: ils ne font pas partie des familles retenues. L’un deux dit « Comment on va faire pour dormir maintenant? ».
00h20: La femme continue: « Le DAL nous a encouragé à les rejoindre, j’ai vivement participé à l’organisation, c’est moi qui ai fait la liste. J’ai même rencontré l’adjointe au maire ! » Un homme lui répond: « C’est pas que la faute du DAL, c’est souvent comme ça. Pour que ça aboutisse il faut être plus nombreux que ça. C’est la raison pour laquelle d’autres les rejoignent. Je sens que là ça va pas marcher. »
Source: Samba Doucoure | StreetPress
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