En ce moment

    01/05/2013

    « Sur les Roms, il y a tout à changer »

    SOS-Racisme dénonce la «déclaration raciste» de Valls sur les Roms

    Par Johan Weisz

    Sur StreetPress et Radio Campus Paris, Benjamin Abtan de SOS-Racisme explique que les stéréotypes sur les Roms « n'ont pas changé avec le changement de majorité ». Ré-écoutez le podcast de l'émission où l'on recevait aussi Les Indivisibles.

    Lundi, le talk de StreetPress sur Radio Campus Paris 93.9FM recevait Benjamin Abtan membre du bureau national de SOS-Racisme et président de l’Egam, Blaise Cueco, président de SOS-Racisme Île-de-France, et Gilles Sokoudjou président des Indivisibles.

    Parmi les thèmes de l’émission, la question du « racisme anti-blanc », ou la politique du gouvernement envers les Roms et notamment les prises de position du ministre de l’Intérieur, que dénonce Benjamin Abtan de SOS-Racisme :

    « Quand [Manuel] Valls explique que les Roms, pour des raisons culturelles ne sont pas intégrables, c’est une déclaration raciste qui est extrêmement claire »

    Manuel Valls avait confié en mars dernier au Figaro que « les occupants [Roms] des campements ne souhaitent pas s’intégrer dans notre pays pour des raisons culturelles ».

    1 Ecoutez le podcast de l’émission de radio :



    Téléchargez le podcast

    2 Les extraits de l’interview :

    Benjamin Abtan, membre du bureau national de SOS-Racisme

    4 ans de prison ont été requis contre l’auteur d’une agression violente, qui avait traité sa victime de « sale blanc ». C’est du racisme anti-blanc ?

    B.A. : Le racisme, ça ne dépend pas de la couleur de peau (…). Traiter quelqu’un de sale blanc, ça peut être raciste. Mais le concept de racisme anti-blanc est extrêmement piégeux. Il a été inventé par l’extrême droite pour faire croire que les blancs, en France notamment, seraient minoritaires et en voie d’être dominés (…) et qu’il faudrait que la majorité blanche se réveille et réactive une domination raciale…

    Donc vous récusez le concept de racisme anti-blanc, mais des actes de racisme anti-blanc peuvent se produire ?

    Non, ça n’est pas ça. Le racisme, c’est quelque chose qui existe. Et il peut avoir des victimes de toutes les couleurs. On a vu dans les génocides des personnes qui avaient différentes croyances qui étaient victimes de racisme: en Bosnie, c’était des musulmans blancs ; au Rwanda, c’était des noirs catholiques ; la Shoah, c’est d’autres personnes, des Juifs, des Tziganes… Par contre lorsqu’on accole « anti-blanc » à « racisme », c’est une manipulation sémantique partie de groupuscules d’extrême droite, utilisée de plus en plus pour victimiser la majorité et justifier par avance une domination violente et une discrimination raciale qui s’abat déjà dans notre pays sur une grande partie de la population, issue pour une grande partie des colonies.

    Comment jugez-vous la politique du gouvernement envers les Roms ?

    Sur les Roms, il y a tout à changer. Quand [Manuel] Valls explique que les Roms, pour des raisons culturelles ne sont pas intégrables, c’est une déclaration raciste qui est extrêmement claire. Et c’est une déclaration raciste qui ne vient pas par hasard, parce qu’elle vient avant et après des expulsions extrêmement violentes, médiatisées, avec une instrumentalisation de ces populations, qui sont prises dans des stéréotypes qui n’ont pas changé avec le changement de majorité : on croit que c’est des gens qui sont nomades, ils ne le sont pas. On parle de campements, alors que ce sont des bidonvilles. [Les Roms] sont des gens qui sont largement sédentaires, depuis des siècles en Europe centrale, et qui viennent dans une émigration économique en France, comme les Espagnols se rendent également dans le cadre d’une émigration économique en France aujourd’hui – malheureusement pour eux.

    Il y a des expulsions qui sont extrêmement violentes. Il y a eu à Evry des expulsions avant qu’il y ait des décisions de justice, contrairement à ce qui avait été annoncé et contrairement à ce qu’exige la légalité républicaine.

    Il y a par ailleurs des millions d’euros présents au niveau du budget européen, qui ne sont pas utilisés alors qu’ils permettraient de développer des projets d’insertion. Il y a une stratégie d’intégration des Roms qui a été présentée par tous les Etats membres [de l’UE] fin 2011, présentée par le précédent gouvernement. Le gouvernement actuel s’est engagé à présenter une nouvelle stratégie d’insertion, mais ne l’a pas toujours pas fait et on ne sait toujours pas quand il va le faire. Alors que des budgets européens sont disponibles !

    Gilles Sokoudjou, président des Indivisibles

    Vous êtes le président des « Indivisibles », une association créée en 2006 qui combat en premier lieu « les préjugés ethno-raciaux » envers «les Français non-blancs». Pourquoi les « Français non-blancs » ?

    G.S. : Ce n’est pas un gros mot de dire les « Français non-Blancs ». Ce qui se passe dans notre société, c’est qu’il y a des Français que l’on va plus catégoriser, que l’on va pointer du doigt et stigmatiser du seul fait qu’ils sont soit noirs, soit maghrébins, qu’ils sont originaires d’une colonie, qu’ils sont musulmans supposés ou pratiquants. Dans cette catégorie de Français non-Blancs, on classe tous ceux qui aujourd’hui se retrouvent victimes de discriminations et de racisme. Et qu’il faut bien nommer.

    En France, il y a de plus en plus de mariages mixtes. Si l’on prend le cas d’Alexander qui est dans ce studio et qui est à moitié algérien et moitié allemand, est-ce qu’il est Français non-Blanc ou… Français-Blanc ?

    Effectivement, c’est une définition qu’il ne faut pas prendre au mot. Ce serait contre-productif de se définir en disant « je suis métis » ou « j’ai des origines de tel ou tel pays ». On a aujourd’hui une parole raciste qui s’est libérée dans notre pays, qui vise principalement les descendants d’immigrés. C’est un fait : Aujourd’hui, vous avez plus de difficultés lorsque vous êtes étudiant, lorsque vous êtes musulman… Vous avez plus de difficultés sur le front de l’emploi, pour trouver un crédit dans votre banque. Ces réalités touchent plus fortement ceux qui ne rentrent pas dans notre imaginaire collectif lorsque l’on parle du « Français ».

    Le Front National manifeste mercredi 1er mai, est-ce que vous contre-manifesterez et est-ce que le combat contre le FN est un de vos combats principaux ?

    Non, je n’irai pas manifester le 1er mai, je n’ai jamais manifesté le 1er mai, ni même organisé de contre-manifestation. Est-ce que nous nous mobilisons contre le FN ? Oui, bien évidemment, nos propos et nos thématiques vont à l’encontre des valeurs énoncées par le FN.

    Mais ce qu’il s’est passé dans notre société, c’est qu’ il ne suffit plus d’être au FN ou de se revendiquer d’extrême droite pour avoir des propos racistes, voilà la grosse différence avec il y a 20 ans ! Aujourd’hui, vous avez des élites, des hommes politiques, des journalistes, qui ont des propos que l’on pourrait assimiler à des propos d’extrême droite et qui pourtant se revendiquent d’être de parfaits démocrates.

    Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.

    Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.

    Je fais un don à partir de 1€
    Sans vos dons, nous mourrons.

    Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.

    Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.

    Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.

    Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.

    Je donne

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER