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    26/04/2013

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    Deux privés jugés pour avoir enquêté sur les salariés de Mickey

    Par Jérémy André

    Euro-Disney et deux ex-flics jugés pour avoir fouillés dans le passé judiciaire des salariés du parc d'attraction. Ça se passait mercred au tribunal de Meaux.

    Tribunal de Meaux, ce mercredi 24 avril. Euro Disney et deux anciens gendarmes comparaissaient pour avoir collecté des informations sur les antécédents judiciaires d’employés du parc d’attraction.

    TRICOCHE Gilles Davennes, 72 ans, monte à la barre. Un vieux monsieur, costume impeccable, cravate rouge, toujours digne, qui se tient encore très droit, même si l’on sent qu’il s’est tassé avec l’âge. Ancien gendarme parti en retraite en 1996, il a signé en 1997 un contrat comme enquêteur privé indépendant avec Euro Disney.

    En l’échange de 240.000 francs par an (37.000 euros), il s’engageait à fournir la société en informations sur les antécédents judiciaires de salariés ou candidats à l’embauche. C’est le responsable hygiène, sécurité et conditions de travail du parc d’attraction, un ancien militaire qui lui fournissait la liste.

    Fichiers A partir de 1999, Gilles Davennes va s’associer avec Denis Labelle, un « ami de trente ans », ancien gendarme lui-aussi, passé par le Service Technique de Recherche Judiciaire et de Documentation (STRJD). Denis Labelle obtenait des informations tirées des fichiers STIC (police) et JUDEX (gendarmerie) grâce à un ancien subordonné du STRJD.

    Ce dernier, aussi renvoyé devant le tribunal, est décédé depuis. Les deux anciens gendarmes reconvertis dans le privé sont cités à comparaître à la fois pour les consultations illicites de fichiers d’antécédents judiciaires, ce qu’on appelle « tricoche » dans le métier et pour la corruption du gendarme qui opérait les consultations.

    CULPABILITÉ « J’assume ce que j’ai fait, mais seulement ce que j’ai fait », lance Gilles Davennes. Face au juge, il reconnait avoir fourni au parc d’attraction les antécédents judiciaires de nombreux salariés, mais nie avoir soudoyé ses ex-collègues pour les obtenir.

    « La corruption entre gendarmes, ça n’existe pas », clame-t-il dans un éclat de voix chevrotante, alors que le président l’interroge. Sur ce point les éléments recueillis lors de l’instruction semblent en effet plutôt faibles : des places de cirque et un prêt de 500 euros de Denis Labelle à Andrès Carlos.

    Echanges codés « J’envoyais une liste de noms à l’adresse personnelle de Monsieur Gauvin [un cadre de Euro Disney]. Deux jours plus tard, j’envoyais des synthèses de ce qu’il y avait dans les fichiers, sans mettre les noms. », explique Gilles Davennes. Une «chaîne d’information» qui laisse à penser que tout le monde connaissait le caractère illicite de ces démarches.

    Comment l affaire a éclaté

    Selon l’avocat de la CFDT, « en 2004, des auditeurs de The Walt Disney Company, la maison-mère américaine, arrivent à Euro Disney dans le cadre d’une opération de recapitalisation. Ils ont inspecté la comptabilité et découvert des chèques sans justification de prestation correspondante. Apprenant que ces chèques servent à payer des consultations illicites de fichiers, ils exigent que les pratiques cessent. »

    Le 17 décembre 2004, Euro Disney réunit une cellule de crise et décide de mettre fin aux pratiques. Le 24 décembre 2004, Euro Disney porte plainte contre X, « dans une manœuvre destinée à se couvrir juridiquement » explique l’avocat. La direction n’informe pas les institutions représentatives du personnel. Et surtout, « aucune sanction n’a été prononcée en interne contre les employés impliqués dans ces pratiques illégales », note le tribunal.

    SÉCURITÉ Si tout le monde savait, pourquoi avoir franchi la ligne rouge ? La défense d’Euro Disney est simple. Le parc est une véritable ville qui s’étend sur 85 hectares, avec plus de 14.500 salariés. En 1997 quand le contrat liant les privés au parc est signé, la France est encore sous tension. Deux ans plus tôt, une vague d’attentats fait 8 morts et prêt de 200 blessés.

    Autre élément invoqué par Disneyland Paris : une affaire de viol sur mineur, commis par un employé du parc qui avait des antécédents judiciaires. C’est dans ce contexte que M. Bourguignon, Président du Directoire de 1993 à 1997, aurait demandé à ses subordonnés de « se doter des moyens pour assurer la sécurité du parc ».

    « Je croyais dans cette mission de renseignement », répète Gilles Davennes. « La fin justifiait-elle les moyens ? », lui rétorque le président du tribunal, Eric Ruelle.

    TERRORISME Pour le procureur, l’argument du terrorisme ne serait qu’un « prétexte ». Comme le reconnaissent les prévenus, jamais ce système n’a permis de recueillir la moindre information en lien avec des affaires terroristes. Ils transmettaient cependant consciencieusement les listes de noms à la Direction de la Surveillance du Territoire.

    D’après Davennes, pour un site aussi sensible, le groupe n’aurait pas eu d’autre choix que d’informer la DST, pour qu’elle puisse repérer le recrutement d’une personne à risque ou liée à une affaire en cours.

    En fait, les informations que les privés faisaient remonter à Euro Disney pouvaient concerner tout type d’infractions : aussi bien drogues que violences, vols ou dégradations… D’après les syndicats, les enquêtes n’auraient pas visé que les recrutés en période d’essai, comme le prétend le groupe.

    Des candidats à l’embauche et des employés en poste auraient été également victimes de ces vérifications. Des candidats auraient été écartés, des périodes d’essai abrégées, voire des employés renvoyés, suite à ces informations. Impossible néanmoins d’établir un nombre exact d’employés ou de candidats à l’embauche concernés par ces consultations. L’instruction avait avancé le chiffre de 2.520, entre 2002 et 2004.

    La fin justifiait-elle les moyens ?

    Victime Un ancien employé du groupe, Laurent Beusquart, qui clamait avoir été licencié suite à une information inexacte collectée par les ressources humaines dans le cadre de ces pratiques, avait tenté de se constituer partie civile. Au début de l’audience, son avocat signale qu’il se désiste. Il a conclu quelques jours plus tôt un arrangement avec Euro Disney.

    Réquisition Au moment des réquisitions, Gilles Davennes soutient fièrement le regard du procureur. Son ancien associé, Denis Labelle, fixe parfois le sol. Gilles Dobelle, directeur juridique venu représenter Euro Disney, lève quant à lui les yeux au ciel.

    « A une préoccupation légitime de sécurité, Eurodisney a donné une réponse illégitime », lance le procureur. Il requiert 100.000 euros d’amende contre Euro Disney pour le recel des données, et des peines de six à huit mois de prison avec sursis, contre les deux anciens gendarmes.

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