Une matinale politique consacrée à la fête à Paris. Est-ce que c’est parce que l’on a croisé Jean-Paul Huchon, samedi soir au Social Club ? Ou Rachida Dati en train de vomir ses tek-paf dans la rue Jean-Pierre Timbaud?
Évidemment non. Rien ne semble rapprocher nos très austères hommes politiques, des noctambules parisiens. Mais a priori seulement. Car depuis 3 ans maintenant, la question de la fête à Paris s’est imposée dans l’agenda politique municipal. Et oui, en 2013, il existe des militants pour les droits des noctambules. Et de son côté la mairie de Paris a constitué un cabinet chargé de travailler exclusivement sur la question de la nuit à Paris. L’affaire est donc extrêmement sérieuse ! Bertrand Delanoë organise même des comptes-rendus de mandat sur la question, comme en octobre dernier.
Mais si la question du clubbing s’est transformée peu à peu en enjeu politique, c’est parce que la santé de la fête à Paris serait en phase terminale. Les noctambules sont inquiets : la vie nocturne à Paris serait du niveau de celle de Cluj. Cluj, 300.000 habitants et capitale de la Transylvanie.
Bon on exagère un peu, mais l’inquiétude est bien réelle : la fête à Paris ne serait plus que réservée aux riches. Avec une programmation démodée. Et des lois beaucoup trop répressives pour les établissements de nuit.
Pour parler de tout ça :
> Charlotte Lafon, des Nuits Capitales, qui propose avec l’événement Night Yourself, de faire découvrir de nouveaux lieux à Paris.
> “Stéphane Martinet”:https://twitter.com/Smarti11e, adjoint chargé de la culture à la mairie du 11e et médiateur nuit pour l’arrondissement
> “Rasmus Michau”:https://twitter.com/rasmusmichau, organisateur de soirées mondaines
> “Côme Bastin”:https://twitter.com/Sc_Cosmos, journaliste noctambule.
Ré-écoutez le podcast de l’émission :
Cette année, StreetPress est partenaire de l’opération, qui du 20 au 24 mars vous propose des parcours nocturnes selon que vous aimez le rock indé ou l’électro. Tout le programme, c’est par ici. Et comme vous avez été sages, on en profite pour vous faire gagner des places pour aller voir Lilly Wood & The Prick au Trianon le 21 mars et le 20 mars à Massy. Et aussi Alela Diane à la Cigale le 21 mars
Stéphane Martinet – Adjoint à la culture et médiateur nuit pour le 11e arrondissement
« Je ne sais pas si on peut constater que l’on fait mieux la fête ailleurs qu’à Paris. Par contre, il y a peut-être un problème d’accès aux lieux, lié aux prix pratiqués. C’est un vrai problème. Que ce soit des établissements permanents ou des organisateurs de soirée qui investissent des lieux, les prix sont assez élevés et empêchent notre jeunesse d’accéder à ces endroits dont la presse se fait écho.
(…)
Les Etats généraux de la nuit ont permis que tout le monde se consulte. On veut éviter de tomber dans le coercitif et que nous soyons trop sous la pression des riverains, que l’on peut comprendre. On essaie de trouver un équilibre. Ça évolue : maintenant l’association des riverains parle à l’association des bars ! Mais je note que les usagers des bars, on ne les voit pas beaucoup à ces réunions de pilotage.
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Quand les clubs ont des styles trop différents et se trouvent dans la même zone géographique, ça pose des problèmes de friction culturelle, qui se traduisent par des frictions corporelles. A un moment donné les coups de poing émergent. Nous le constatons avec les services de police. Quand il y a une trop grande mixité, c’est plus problématique que quand il y a des quartiers dédiés. Rue de Lappe par exemple, c’est plus chaud qu’à Jean-Pierre Timbaud où ce sont presque exclusivement des bars rocks. »
Quand il y a une trop grande mixité, c’est plus problématique que quand il y a des quartiers dédiés.
Charlotte Lafon – Chargée de com’ des Nuits Capitales
« On s’est rendu compte à l’automne 2008 d’un durcissement des normes préfectorales concernant les clubs. J’ai vu mes 2 établissements fermés la même semaine. Pour raisons occultes ! Vraiment occultes ! Ça a été la chape de plomb ! Je me souviens d’une atmosphère phobique. On s’appelait entre nous : “ est-ce que chez toi, il se passe la même chose que chez nous ?! Parce que là je ne comprends pas ! “ On nous demandait des normes de désenfumage drastiques. On était devenus clairement responsable de nos clients sur les trottoirs, et même les trottoirs éloignés de nos établissements ! On a subi ça sans savoir quoi faire. Aujourd’hui, il y a une médiation accrue. On entend beaucoup plus les tauliers, alors qu’avant, on avait l’impression qu’il y avait une relation à l’unilatérale entre riverains et autorités publiques.
(…)
Le Nord-Est c’est ma tribu. A Paris on fonctionne par tribu. Ça se fait par veine de prédilection. Ce que les gens écoutent et quels sont les codes qui en découlent. Fatalement ça se ressent sur ce que les gens consomment et où ils sortent. Je vois des tribus qui sont plutôt sur le Latino, des tribus plus Rock, Pop… En fonction de ça, il y a des quartiers avec des identités très fortes. »
J’ai vu mes 2 établissements fermés la même semaine. Pour raisons occultes ! Vraiment occultes !
Rasmus Michau – Organisateur de soirées mondaines
« Quand on voit l’incendie au Brésil qui a fait 200 morts dans une discothèque, on peut être content de faire la fête à Paris, où il y a des lois. Les normes de sécurité c’est important. La première chose c’est de pouvoir faire la fête en étant tranquille et sans avoir peur pour sa vie. À Berlin, c’est vrai qu’il y a beaucoup moins de restrictions qu’à Paris, la fête est plus folle et plus libre. Mais c’est aussi parce que le foncier est moins cher. Je trouve qu’il y a énormément d’initiatives à Paris. On ne peut pas dire que la vie est morte ! Au contraire, c’est une des villes les plus dynamiques en Europe, voire même dans le monde, en terme de fête ! Et puis, ce n’est plus mal vu d’être organisateur de soirée. Il y a quelques années, c’était vu comme un secteur malfamé. Aujourd’hui c’est un métier honnête.
(…)
On ne marge pas plus que dans d’autre business. Si vous avez une chaîne de boulangeries, vous gagnez beaucoup mieux votre vie que si vous avez plusieurs établissements de nuit. Comme l’économie de la nuit est assez fragile, on prend possession d’un lieu pour une certaine période. C’est le concept du bar éphémère. Si vous avez un lieu en travaux ou qui change de propriétaire, vous pouvez avoir un loyer un peu moins onéreux. Et ça fait de la promotion pour le nouveau lieu qui va y ouvrir. Chacun s’y retrouve. »
On ne marge pas plus que dans d’autre business.
Come Bastin – Journaliste noctambule
« La différence avec Berlin ou Budapest est évidente. Que ce soit en termes de nombre de lieux, du prix d’entrée, des consommations, et du risque artistique que les établissements peuvent prendre… Quand le foncier est trop cher, on doit être sûr d’avoir un public et on ne peut pas inviter quelqu’un qui ne soit pas déjà très connu. À Paris, je ne vois pas spécialement de lieux officiels intéressants qui se développent. Mais il y a de plus en plus d’événements qui s’organisent via les réseaux sociaux, qui vont être prévus 2 à 3 semaines à l’avance et qui vont fédérer une communauté. Mais le lieu de l’événement est révélé à la dernière minute car si c’était révélé avant, il y aurait des problèmes de réglementation, de nuisances.
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L’axe Est-Ouest, il marche pour l’immobilier, pour plein de choses à Paris, et aussi pour la vie nocturne. A l’Ouest, il faut plus de moyens pour pouvoir s’amuser. Et c’est moins ma culture, ce que je recherche artistiquement.
(…)
Je ne pense pas qu’il y ait une spécificité des riverains parisiens qui soient diaboliques. Dans le quartier gothique à Barcelone, on peut voir des draps suspendus avec des habitants qui supplient qu’on les laisse dormir. On a des villes héritées du 19e, très monocentriques et qui concentrent des attentes très contradictoires. »
bqhidden. Il y a de plus en plus d’événements qui s’organisent via les réseaux sociaux, mais le lieu est révélé à la dernière minute
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