Accoudé au comptoir flambant neuf, Motohiro Seki fait lentement couler le vin dans son verre. En face de lui, Seiji Saito observe, silencieux. Leur journée de travail terminée, les deux agriculteurs ont ouvert une bouteille pour une séance de dégustation.
Dans quelques mois, c’est leur propre vin que ces deux fermiers devraient pouvoir déguster. Avec une demi-douzaine d’autres agriculteurs de Towa, à la frontière de la zone évacuée, ils ont créé la toute première fabrique de vin du district.
Vin Un projet, un peu fou, mûri en pleine tourmente radioactive. « On voulait faire quelque chose pour revitaliser le pays, explique Motohiro Seki, arrivé à Towa avec sa famille il y a sept ans. Au Japon, le vin est un produit nouveau. Il plaît beaucoup aux jeunes femmes en soirée. » Faisant fi des difficultés, les fermiers se sont mis à l’ouvrage. Ils ont retapé une ancienne fabrique de vers à soie, plantés 700 pieds de vigne et fait venir du matériel de la préfecture voisine de Yamanachi.
La radioactivité ? Ce n’est pas un problème selon eux. « Les recherches ont prouvé que les particules radioactives ne passent pas dans le jus de raisin », assure Seiji Saito, qui a réussi à récolter ses premières grappes à l’automne dernier. Pas suffisant toutefois pour débuter la production immédiatement. En attendant, les fermiers vont commencer par produire du cidre avec les pommes invendues du district.
Cidre La fabrique espère produire 2 000 litres de cidre et de vin la première année. « L’objectif, ce n’est pas de faire du business, tempère toutefois Motohiro Seki. On veut surtout offrir la possibilité pour les jeunes de rester à Towa. » A côté, Seiji Saito ajoute : « On veut aussi faire changer l’image de Fukushima. »
Et lorsqu’on leur demande s’ils pensent que les gens seront prêts à acheter du vin produit à Fukushima, les deux hommes hésitent un moment. Motohiro s’en sort finalement avec une pirouette : « Bien sûr, on va faire un vin atomique ! ».
Motohiro Seki et Seiji Saito
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